Le salaire minimum a été relevé sans tambour ni trompette. Il ne correspond nullement au taux d’inflation record enregistré dans une économie libanaise en perte de vitesse et présente un nouveau rabibochage en attendant un début de solution à une crise monétaire et économique qui tarde à venir.

Le ministre du Travail, Moustapha Bayram, a franchi vendredi dernier le rubicon avec les moyens de bord. Au cours d’une réunion avec des représentants du patronat et de la Confédération générale des travailleurs au Liban (CGTL), les participants sont convenus d’une augmentation forfaitaire du salaire des employés et ouvriers du secteur privé de l’ordre de 1.325.000 LL, à condition que le total du salaire et du montant de la majoration ne dépasse pas quatre millions de livres libanaises. Le gentlemen’s agreement a laissé la liberté contractuelle aux patrons et aux salariés de convenir du pourcentage de hausse des rémunérations en ce qui concerne les autres tranches du salaire. Sachant que les allocations portant sur les bourses scolaires sont passées d’un plafond de 1.500.000 LL à 4.000.000 LL, et les frais de transport à 64.000 LL par jour ouvré. Cette augmentation forfaitaire a été considérée comme une avance sur salaire. Ainsi, aucun salarié ne touchera moins de 2.000.000 LL, sur base d’un salaire minimum de 675.000 LL. Un participant à la réunion a expliqué à Ici Beyrouth que l’intitulé "avance sur salaire" a été choisi délibérément parce que l’adoption du mot "salaire minimum" entraînera une augmentation correspondante des loyers, selon la nouvelle loi sur les loyers. Une démarche à éviter par les temps qui courent.

Exemption d’impôts sur le revenu

Selon la même source, les forces économiques ont tenté de faire un forcing pour obtenir une exonération du prélèvement à la source par l’État, mais elles n’ont pas réussi. Et pour cause. L’impôt sur l’avance sur le salaire permettra de renflouer les tiroirs de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS).Cet impôt ouvrira la voie à des revenus à la CNSS de l’ordre d’un milliard cent millions de livres libanaises.

Dans tous les cas de figures, cette avance est loin de régler le problème des salariés, pour qui le pouvoir d’achat s’affiche comme le premier sujet de préoccupation.

Revalorisation des rémunérations

Le Liban occupe la première place en termes de cherté de vie parmi 25 pays arabes, selon le dernier rapport de la société de statistiques internationale Numbeo et la 57e parmi 598 pays dans le monde. Les prix des biens à la consommation sont supérieurs à ceux à Berne et à Genève, mais inférieurs à ceux à Lugano et à Lausanne, en Suisse.

L’inflation a enregistré une hausse de 239,7% en janvier 2022 par rapport au même mois un an auparavant. Cet indice a accusé sa 19e augmentation consécutive à trois chiffres depuis juillet 2021, selon les chiffres de l’Administration centrale des statistiques (ACS). Une revalorisation régulière du salaire minimum est-elle envisageable?

La réponse du vice-président de l’Association des industriels au Liban, Ziad Bekdache, est négative. "Une revalorisation du salaire minimum ou l’instauration d’une échelle variable n’est pas pour le moment possible.    Les composantes sur lesquelles se basent le calcul d’un salaire minimum ne sont pas quantifiables. Il faut que le patronat sache où il va", dit-il, ajoutant que pour "les industriels, à titre d’exemple, les marchés vers l’Arabie saoudite, Bahreïn et le Koweït (difficultés d’obtention d’un visa) sont toujours fermés". Chaque patron connaît ses frais généraux et, par conséquent, ses moyens d’ajuster les salaires de ses employés.

Désormais le Liban est au milieu d’une boucle inflationniste d’où il est difficile de sortir. Des revendications salariales plus fortes sont attendues d’ici la fin de l’année. Satisfaite, la hausse des salaires nourrira une nouvelle hausse des prix.