Le Premier ministre Najib Mikati avait informé le président du Parlement Nabih Berri que si la loi sur le contrôle des capitaux n’est pas adoptée, il n’y aura pas d’accord avec le FMI.

Le coup de gueule du Premier ministre Najib Mikati après la réunion parlementaire de mardi, s’explique surtout par le fait que le rejet du projet de loi sur le contrôle des capitaux, lundi en commissions parlementaires, compromet les efforts du Liban pour un accord avec le Fonds monétaire international (FMI).

Dans une déclaration à la presse au terme de cette réunion, M. Mikati avait dénoncé un populisme et des considérations électorales qui empêchent, a-t-il dit, son gouvernement de mener à bien sa mission et de freiner la détérioration économique et financière, en mettant en place un plan de redressement avec le concours du Fonds monétaire international.

De sources informées, on indique que le Premier ministre avait informé le président du Parlement Nabih Berri que si la loi sur le contrôle des capitaux n’est pas adoptée, il n’y aura pas d’accord avec le FMI, ce qui pourrait envenimer la crise dans le pays et provoquer une explosion sociale.

Dans sa déclaration, M. Mikati a surtout réagi à la levée de boucliers parlementaire contre un texte qui avait été à la base élaboré par des députés mais qui avait été remanié par son équipe pour y introduire, à la demande expresse de la Chambre, a-t-il expliqué, les remarques du FMI. La version présentée au Parlement avait été rédigée par l’équipe en charge de négocier avec FMI. Elle est composée du vice-Premier ministre Saadé Chami, des ministres des Finances Youssef Khalil et de l’Économie Amine Salam, ainsi que du gouverneur de la BDL Riad Salamé.

A la veille des élections, il fallait s’y attendre en quelque sorte. Les députés libanais auraient pu très bien amender le projet de loi qui leur avait été soumis par le gouvernement, surtout qu’il était loin d’être parfait. Au lieu de quoi, les positions en flèche se sont succédé, l’une plus dure que l’autre, dans une surenchère que le Premier ministre Najib Mikati a mis donc sur le compte du populisme électoral.

Sauf que l’Exécutif, déterminé à avancer dans les pourparlers des FMI envisage d’envoyer une nouvelle mouture du texte, sur laquelle il envisage de plancher de nouveau en tenant compte des critiques formulées par notamment par les présidents des commissions parlementaires des Finances et du Budget Ibrahim Kanaan (CPL) et de l’Administration et de la Justice Georges Adwan (Forces Libanaises) qui ont relevé des vices de forme et de fond.

MM. Kanaan et Adwan ont notamment souligné que les députés n’ont pas eu 48 heures pour étudier le projet, délai qui doit leur être généralement accordé, et critiqué, entre autres le fait qu’il sanctionne les déposants en gelant leur argent pour une période de cinq ans. M. Kanaan a en outre contesté la mise en place d’un comité ministériel avec des prérogatives renforcées pour déterminer la politique financière de l’Etat.

Le Conseil des ministres devrait étudier une nouvelle version ce mercredi 30 mars lors de sa réunion qui doit se tenir à Baabda et à laquelle M. Mikati avait convié le gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé. Une invitation à laquelle le président Michel Aoun, dont le camp mène une campagne acharnée contre M. Salamé, avait exprimé de fortes réserves. Selon l’agence locale Al-Markaziya, M. Salamé ne va pas prendre part au Conseil des ministres.

Pendant ce temps, le FMI…

Quoi qu’il en soit, le rejet du texte en commissions coïncide avec l’arrivée de la délégation du FMI à Beyrouth pour reprendre les négociations avec l’équipe gouvernementale. De mêmes sources, on indique que le projet de loi aurait obtenu l’aval du Fonds monétaire international et même celui de l’Association des banques au Liban (ABL).

Au niveau politique en revanche, il est loin de faire l’unanimité. Le député Nicolas Nahas, proche du Premier ministre, a ainsi relevé " l’absence de décision politique concernant le contrôle des capitaux. Le texte n’est pas que contesté par les politiques. Des réserves sont également exprimées par des secteurs de la production, notamment de l’industrie à laquelle il impose des contraintes très strictes pour l’exportation. Membre de l’Association des industriels du Liban, Paul Abi Nasr estime ainsi qu’un contrôle des capitaux doit s’inscrire dans le cadre d’un plan de redressement économique global clair et précis, avec une réorganisation du secteur bancaire.

" Les instances économiques sont en train d’étudier ce projet de loi article par article pour qu’il ne soit pas appliqué au détriment de l’économie réelle ", a-t-il affirmé.

Pour Paul Abi Nasr, " nous avons besoin aujourd’hui d’une loi qui impose un contrôle des capitaux sur les lollars, mais pas sur les dollars frais, sinon on va finir par tuer l’économie complètement ".