Le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, est rentré de Paris vendredi, " le vent en poupe ", après avoir rencontré des officiels français.

La visite à Paris du chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil, semble avoir " porté ses fruits ". À peine rentré à Beyrouth vendredi matin, le député de Batroun, plus revigoré que jamais, enchaîne les interviews pour claironner que sa tournée dans la capitale française a été un " vrai succès ". Reste à savoir si tel est réellement le cas…

Gebran Bassil aurait rencontré le conseiller du président Emmanuel Macron pour les Affaires du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, Patrick Durel, ainsi que des députés et des sénateurs de l’Hexagone, par l’intermédiaire de l’ambassadeur du Liban en France, Rami Adwan, connu pour être proche du CPL. Toutefois, nous ignorons toujours en quelle qualité M. Bassil organise de telles réunions. Serait-ce en tant que député libanais, de chef de parti politique, de candidat potentiel à la présidence ou de gendre d’un ancien chef de l’État ? Et dans quelle mesure Gebran Bassil est-il vraiment apte à plaider sa cause auprès de pays étrangers, alors qu’il ne possède relativement aucun poids politique sur la scène internationale ?

Se rendre à Paris pour 48h afin de s’entretenir avec quelques officiels ne constitue certainement pas un accomplissement, d’autant que ces réunions n’ont pour seul but que de gonfler l’égo déjà surdimensionné de M. Bassil. Ajoutons à cela que ce dernier n’est reçu qu’en France, en Hongrie et au Qatar. La Syrie avait refusé de l’accueillir et il est persona non grata en Arabie saoudite ainsi qu’aux États-Unis (à cause des sanctions dont il fait l’objet, NDLR). Gebran Bassil est donc mal parti pour se présenter en tant que candidat fort, bénéficiant d’un appui international à la présidentielle, alors que des puissances régionales et internationales s’opposent ouvertement à lui. D’aucuns pensent que ces prises de position le persuaderaient d’abandonner ses ambitions, mais il est évident qu’il redoublera d’efforts, envers et contre tous, pour arriver à ses fins.

Par ailleurs, le député de Batroun n’a pas froid aux yeux et il est prêt à confronter n’importe quel scénario pour accéder au palais de Baabda, bien qu’il ne jouisse pas de l’appui des partis politiques libanais, dont certains avaient activement œuvré à mener son beau-père à la Magistrature suprême en 2016. En effet, les Forces libanaises, les Kataëb, le Parti socialiste progressiste, les députés du Changement, les indépendants, les Marada, et le mouvement Amal (avec qui il entretient des relations plus que tendues) n’accepteront jamais de voir le leader du CPL élu président (certainement pas après le mandat qui vient de s’achever). Même le Hezbollah, allié indéfectible du parti orange, peine de plus en plus à essuyer les écarts et justifier les actes commis par son associé au fil des années.

Le plus récent " dérapage " date de jeudi, lorsque dans un enregistrement d’une réunion tenue par M. Bassil, intentionnellement fuité sur les réseaux sociaux, on pouvait entendre le chef du parti aouniste déclarer que la présidentielle ne pourrait en aucun cas avoir lieu sans le CPL, critiquant au passage l’ancien ministre et député Sleiman Frangié (candidat potentiel du Hezbollah) et le président de la Chambre, Nabih Berry. Quelques heures plus tard, le CPL a demandé dans un communiqué à ses membres de " n’attaquer personne lors de leurs réunions internes, dans les médias et sur les réseaux sociaux ", parce que " le Courant politique libre est dans une phase de communication avec les différentes forces " politiques. " Le chef du CPL n’a attaqué personne, mais il a expliqué lors d’une rencontre interne avec le bureau du parti à Paris, les raisons pour lesquelles il n’appuie pas la candidature de Sleiman Frangié ", pouvait-on lire dans le communiqué.

M. Bassil tenterait – de manière détournée – de recourir à tous les moyens dont il dispose sur les plans local et international pour discréditer la candidature d’une autre personnalité du 8 Mars à la présidence, afin d’améliorer ses chances de réussite.

Il faudra sans doute garder un œil sur les activités de Gebran Bassil qui, malgré son impopularité croissante auprès des politiques et des Libanais, joue un jeu dangereux pour s’imposer en tant que " candidat de sauvetage et de réformes ". Un slogan et une approche franchement ironiques pour celui qui voudrait être le successeur de Michel Aoun, dont le sexennat est généralement décrit comme étant " le pire mandat présidentiel de l’histoire du Liban ".