" Nous élisons un président pour rétablir l’indépendance ", a déclaré le patriarche maronite Mgr Béchara Raï dans son homélie, en proposant une feuille de route au prochain chef de l’Etat, par-delà le débat entre président de défi ou d’entente.

Le patriarche maronite Mgr Béchara Raï a mis en garde dimanche dans son homélie contre une banalisation de la présidentielle. " Attention de prendre à la légère le choix du prochain président de la République ", a averti le dignitaire.

" Nous élisons un président pour rétablir l’indépendance. Un bon choix sauvera le Liban, un mauvais choix aggravera son effondrement. La valeur de l’être humain est d’apprécier la responsabilité qui lui est confiée, de sorte à ne pas la compromettre, ni prendre de risques à ses dépens ", a-t-il confié, en proposant une feuille de route au prochain chef de l’Etat, dans le prolongement des principes défendus par Bkerké.

Un prochain président favorable à Taëf et à la neutralité

" Loin des caractéristiques débattues d’un président de défi ou un président d’entente, qui d’ailleurs sont des mots qui ont été vidés de leur sens linguistique et politique, le pays a besoin d’un président de sauvetage qui déclare son engagement ferme en faveur du projet de sortie de crise du Liban ", a poursuivi le patriarche, en défendant un programme stratégique pour lequel le prochain président devrait s’engager.

Ce programme inclut d’abord " la formation d’un gouvernement de sauvetage capable d’assumer les grandes responsabilités qui lui incomberont au début du nouveau mandat ", a-t-il expliqué.

Il prévoit également " l’application de la Constitution et l’engagement (du prochain président) en faveur de ce texte compris comme cadre de la paix civile libanaise et comme référence pour toute décision nationale ". Le patriarche a également défendu un président " favorable à l’accord de Taëf comme base à toute évolution légale vouée à établir la justice entre Libanais ". Et de faire remarquer que " les responsables ont, quelle que soit la position qu’ils occupent, l’obligation de respecter le pacte national et les coutumes dans l’objectif de renforcer l’unité nationale et de garantir les rapports efficaces entre la présidence de la République, le Parlement et le Conseil des ministres ".

Le prochain chef de l’Etat devrait également être engagé à " rétablir et renforcer le partenariat national entre les différentes composantes de la nation libanaise afin que le pays recouvre ses spécificités et sa vocation de Liban-message " dans le sens du vivre-ensemble, a-t-il ajouté.

Le dignitaire maronite a également plaidé pour un président qui œuvre pour " une décentralisation régionale élargie ", et qui " entame immédiatement la mise en œuvre des programmes de réforme politique, administrative, judiciaire et économique ".

Nouvel appel à une conférence internationale pour le Liban

Il a jugé utile dans ce cadre que le nouveau chef de l’Etat " invite les pays frères et amis du pays à organiser une conférence d’aide au Liban, sinon à raviver les décisions prises à l’issue des conférences précédentes en vue de les concrétiser rapidement ".

Le patriarche a défendu de plus un président qui s’emploie à " appliquer les résolutions du Conseil de sécurité relatives à l’enjeu d’étende le pouvoir légal de l’Etat libanais sur l’ensemble de son territoire, et de définir d’une manière définitive ses frontières avec Israël et la Syrie ".

L’enjeu serait également pour le prochain chef de l’Etat de " sortir le Liban de la guerre nuisible des axes qui a changé son système et son identité, et de briser l’isolation dans laquelle il se trouve, en œuvrant à obtenir une déclaration officielle de sa neutralité ".

Le dignitaire a également souhaité que le prochain chef de l’Etat prenne une " initiative présidentielle auprès des Nations Unies pour parrainer d’urgence une conférence spéciale pour le Liban, et mène les contacts auprès des acteurs arabes et internationaux pour sa tenue " en vue de consacrer les points défendus par Bkerké, comme la neutralité.

Le patriarche a également prôné " une solution définitive et humanitaire à la situation des réfugiés palestiniens et déplacés syriens présents au Liban ".

La responsabilité des députés

Le patriarche a réitéré ses appels à débloquer la présidentielle, en s’adressant directement aux députés à cette fin. " Nous exhortons les députés à ne pas se laisser tromper par les duperies, diversions, compromis et promesses électorales passagères, et à ne pas être en proie à la menace et l’intimidation ", a-t-il ajouté. " Nous sommes un peuple qui ne plie pas devant les menaces, et le président du Liban ne saurait être élu sous la menace ni la contrainte ", a-t-il asséné.

" Que c’est douloureux de voir le Parlement gaspiller le temps, jeudi après jeudi, semaine après semaine, offrant les éléments d’une farce dont les députés n’ont pas honte et prenant à la légère l’élection d’un président alors que le pays connait sa période la plus critique ", a-t-il renchéri, en référence aux séances électorales hebdomadaires levées après le premier tour sans aboutir à l’élection d’un président. Le patriarche a imputé dans ce contexte la responsabilité de la situation aux députés. " C’est à eux que nous attribuons la responsabilité de la ruine et de la désagrégation de l’Etat, et de l’appauvrissement de son peuple ", a-t-il ajouté.

" Aucun responsable ni aucun député ne peut prétendre ignorer la réalité libanaise et les solutions qui lui correspondent. Tous les Libanais, députés et citoyens, savent quelle est la cause des problèmes du Liban, et qui sont les forces et parties faisant obstruction à son sauvetage (…). C’est pourquoi les députés ne peuvent se prévaloir d’aucune excuse pour justifier la non-élection d’un président adéquat pour le Liban en ces circonstances. Il s’agit d’un choix historique. Un mauvais choix révèlerait une mauvaise volonté à l’égard du Liban, prolongeant la crise tragique plutôt que l’achever. Et votre péché serait alors très grave ", a-t-il dit, en s’adressant aux députés. " Soyons les maitres de notre nation et de notre destin ", a-t-il insisté.

Une indépendance sans indépendance   

A la veille du 79ème anniversaire de l’indépendance du Liban, le patriarche a déploré l’absence de tout sentiment d’indépendance, " comme si les Libanais sont conscients d’avoir obtenu cette indépendance en 1943 mais ne l’ont pas préservée, (le pays allant) d’occupation en tutelle ". " L’indépendance n’est pas tant dans la sortie d’un étranger du Liban, que dans l’adhésion des Libanais eux-mêmes au Liban ", a-t-il fait valoir.