Deux députés du groupe du Courant patriotique libre contournent depuis près d’un an la procédure visant à les notifier de deux plaintes en diffamation portées respectivement contre eux par le directeur général de la Direction des adjudications, Jean Ellieh.

Les tentatives se multiplient en vain, depuis près d’un an, de notifier légalement le député du groupe du Courant patriotique libre et ancien ministre de l’Energie et de l’Eau, César Abi Khalil, pourtant présent et actif sur le territoire libanais, d’une plainte en diffamation portée contre lui en mars 2021 par le directeur général de la Direction des adjudications (DDA), Jean Ellieh. C’est en conséquence un nouveau renvoi d’audience que le tribunal de Aley a décidé, reportant l’audience du 15 mars 2022 au 10 mai 2022, dans l’espoir que le défenseur soit dûment notifié de la plainte.  Pourtant, toutes les voies de notification prévues par les règles de procédure ont été suivies, selon le plaignant. Les huissiers chargés de notifier M. Abi Khalil se sont rendus à maintes reprises à son domicile et à son bureau sans pour autant réussir à mener à bien leur mission. Les gardes du corps du parlementaire les ont empêchés d’entrer à son domicile sous prétexte que la notification doit se faire à son bureau. Or l’huissier qui se rendait à son bureau n’a jamais réussi à y trouver le ministre et a d’ailleurs été informé que les bureaux en question avaient fermé à la suite de l’explosion du 4 août.

L’affaire remonte à 2013, lorsque pour " résoudre " temporairement les problèmes de production d’électricité au Liban, le ministère de l’Énergie a eu recours à la location de navires-centrales, en privilégiant la société turque Karpowership. Au lendemain d’un appel d’offres émis pour louer deux centrales flottantes, la filiale de l’opérateur turc Karadeniz remporte le contrat. En 2017, alors qu’il est question de renouveler le partenariat, des documents fuitent, révélant l’intention du ministère de conclure un accord de gré à gré avec Karpowership et de court-circuiter ainsi la procédure de l’appel d’offres officiellement prévue. Dans une tentative de camoufler l’affaire, la Direction des adjudications se voit confier le dossier.

Invitation à un face-à-face

Contacté par Ici Beyrouth, M. Ellieh rappelle que "l’appel d’offres a été conçu de manière que l’opérateur en fonction puisse poursuivre ses activités". "La procédure ne garantissait pas la concurrence, relève M. Ellieh. Seule une des offres soumises était conforme aux conditions techniques du cahier des charges à ce stade.  Nous savons tous que le gouvernement de l’époque, et plus particulièrement le ministre Abi Khalil, insistait sur un renouvellement du contrat avec Karpowership, raison pour laquelle ces tergiversations avaient lieu ".

Ainsi mis à nu, "M. Abi Khalil va encore plus loin en m’accusant, à partir des studios de la LBCI, de falsifier des documents dans le cadre de mon métier. En mars 2021, je dépose une plainte pour diffamation contre lui", ajoute M. Ellieh.

M. Abi Khalil n’est pas le seul à faire l’objet d’une poursuite pour les mêmes motifs. En avril 2021, M. Ellieh intente une action contre un autre député CPL, Georges Atallah qui, dans une interview à la radio, met en doute l’impartialité du directeur général de la DDA dans la gestion de plusieurs dossiers.

"J’invite aujourd’hui les deux députés, ainsi que l’ancien ministre de l’Énergie, Nada Boustani, qui les soutient, à un face-à-face pour élucider l’affaire. Comment voulez-vous que l’opinion publique comprenne les dessous du dossier lorsqu’un député interpellé par la justice, lui qui représente la nation entière, refuse de comparaître devant le tribunal et qui, plus est, choisit de se représenter aux élections législatives ? ".

Ce n’est pas la première fois que des personnalités politiques recourent à ce genre de détours pour éviter l’interpellation et fuir la justice. En tout état de cause, une question se pose dans ce cadre : la fonction publique et la magistrature pourraient-elles espérer un jour un regain de dignité ?