Benjamin Netanyahu est de retour! La coalition formée par son opposant Yaïr Lapid n’a pu l’écarter que 18 mois de l’exécutif israélien. En l’espace de trois ans, Israël a connu cinq élections, faute de pouvoir mettre sur pied une coalition majoritaire au Parlement. Le parti de M. Netanyahu, le Likoud, est arrivé mardi en tête du scrutin, au seuil d’une majorité de 64 sièges sur 120. Jeudi soir, le Premier ministre sortant Yaïr Lapid a appelé Benjamin Netanyahu pour le féliciter. L’ex Premier ministre réalise alors un retour politique spectaculaire, alors qu’il reste très contesté du fait des accusations de corruption à son encontre. Quels sont les enjeux du retour de M. Netanyahu au pouvoir? Quels sont les conséquences sur la politique étrangère israélienne et notamment sur l’accord de délimitation des frontières maritimes avec le Liban?

 

Les résultats des élections législatives annoncent la sortie de la coalition hétéroclite Bennett-Lapid menée par le parti centriste Yesh Atid. Ayant pour but commun d’écarter le Premier ministre Benjamin Netanyahu, des partis allant de la gauche à la droite, en passant, étonnamment, par le parti arabe Ra’am, se sont alliés. Extrêmement fragilisée par les différences idéologiques au sein de la coalition (surtout entre les partis Yamina et Ra’am), plusieurs démissions ont entraîné la dissolution de la Knesset, surtout que la coalition Bennett-Lapid a perdu sa majorité au Parlement.

Les élections législatives ont connu un taux de participation historiquement élevé de 71,3%, surtout pour les ultranationalistes. La faible participation des Israéliens arabes, opposés à la politique de Benjamin Netanyahu et de ses alliés, a été assez décisive pour entraîner son retour au pouvoir. Suite aux accusations de corruption survenus à son encontre en 2021, les partis traditionnellement alliés à M. Netanyahu ont refusé de former une coalition lors des élections précédentes, d’où la succession interminable de législatives ces trois dernières années.

Netanyahu et ses alliés des partis ultra-orthodoxes et de la liste d’extrême droite  " Sionisme religieux  " remportent 64 mandats sur les 120 de la Knesset (AFP)

 

 

Vendredi, le président Isaac Herzog a convoqué Benjamin Netanyahu et lui a confié un mandat pour former une coalition parlementaire et donc pour présider un gouvernement. Il est très probable que celui-ci tentera d’attirer à lui des membres du camp adverse afin de renforcer sa majorité et de fragiliser, voire de démanteler, l’opposition sortante. M. Netanyahu parvient à s’allier avec des partis d’extrême droite dont le très controversé Itamar Ben Gvir, chef du Parti ultraorthodoxe sioniste, accusé à plusieurs reprises de racisme. Par ses alliances, le Premier ministre redéfinit sa politique et envisage de désigner M. Ben Gvir au ministère de la Police. Ce dernier demeure idéologiquement un marginal. Il est l’héritier de rabbins qui affirment la primauté de la loi religieuse sur celle du pays. Ainsi, il souhaite mettre en place une politique très autoritaire envers les Arabes : d’ailleurs, la question palestinienne a été presque totalement absente dans les campagnes électorales. Plusieurs observateurs s’accordent à dire que le gouvernement qui sera formé dans les semaines à venir sera " le gouvernement de l’apartheid " ou encore " le gouvernement de transfert ".

Le Premier ministre israélien sortant Yaïr Lapid à Tel Aviv.

 

 

Au niveau de la politique étrangère, les propositions principales du Premier ministre consistent en une confrontation avec l’Iran qui ne doit pas se doter de la bombe nucléaire, au risque d’une expansion dans la région et surtout d’un débordement sur les frontières libanaises. D’ailleurs, le 21 octobre dernier, le Liban et Israël ont signé un accord historique sur la délimitation des frontières maritimes sous le mandat de Yaïr Lapid du côté israélien, et avant le départ du président Michel Aoun du côté libanais. Tout au long de sa campagne électorale, Benjamin Netanyahu avait fermement condamné cet accord, considérant qu’Israël " renonçait à ses droits au profit du Hezbollah ". La question est aujourd’hui de savoir si M. Netanyahu se retira unilatéralement de cet accord, ou s’il le respectera malgré ses promesses électorales.

Le ministre israélien de la Défense Benny Gantz.

 

 

Aujourd’hui, l’accord étant déjà signé, il est extrêmement improbable que Benjamin Netanyahu fasse marche arrière. Tout d’abord, ceci serait considéré comme une dissidence avec les États-Unis qui sont les garants de l’accord, surtout que ses désaccords avec l’administration Biden sont nombreux et portent sur des dossiers davantage brûlants (comme la signature d’un accord sur le nucléaire avec l’Iran). D’ailleurs, le vice-président de la Chambre libanaise Élias Bou Saab a assuré que "le Liban a reçu assez de garanties américaines pour certifier que l’accord ne sera pas rompu, même en cas d’alternance politique du côté de l’ennemi".

Ensuite, le retrait unilatéral de l’accord avec le Liban entraînera une plus grande difficulté d’extraction du gaz de Karish, surtout que l’accord est quelque peu avantageux pour Israël. En effet, avant le 21 octobre dernier, le Hezbollah avait, à plusieurs reprises, menacé Israël d’attaques en cas d’extraction de gaz. L’accord signé donne la souveraineté de la totalité du champ gazier de Karish à Israël et 17% des revenus engendrés de l’extraction provenant du champ de Cana, dont l’entière souveraineté revient au Liban. Israël peut alors, plus que jamais, extraire ses ressources gazières et les vendre en masse, surtout dans un contexte de crise énergétique sans précédent en Europe, conséquence de l’invasion russe en Ukraine.

 

 

Enfin, le retrait de l’accord provoquera une dissidence avec les pays arabes, notamment les Égyptiens, qui, eux, acheminent le gaz extrait par Israël vers l’Europe. Sans compter que cela pourrait raviver les tensions avec le Hezbollah et consolidera le risque d’un débordement à sa frontière Nord. Il est alors extrêmement improbable que Benjamin Netanyahu tienne sa promesse, surtout qu’une telle manœuvre est loin d’être avantageuse pour son pays.

Le retour de Netanyahu au pouvoir annonce la formation d’un gouvernement plus à droite que jamais en Israël de par ses dernières alliances avec les partis ultranationalistes, ultraorthodoxes et sionistes. Il sera alors extrêmement défiant envers l’Iran, voulant affirmer son hégémonie dans la région et stopper les ambitions expansionnistes iraniennes.