A deux mois de la présidentielle, Emmanuel Macron a annoncé jeudi sa politique énergétique pour l’avenir, dans laquelle le nucléaire occupe la première place, suivi par l’éolien marin et autres énergies vertes. Le chef de l’Etat poursuit ainsi un choix historiquement français, puisque l’Hexagone mise à 80% sur son électricité nucléaire, le taux le plus élevé au monde. Il rompt par contre avec la tendance européenne qui a vu un abandon plus ou moins progressif de l’atome depuis la catastrophe de Fukushima en 2011. Cette annonce survient en pleine crise de l’énergie qui grève sérieusement le pouvoir d’achat des Français et autres citoyens européens.

Le président a demandé à EDF la construction de six réacteurs de nouvelle génération EPR2, pour une première mise en service à l’horizon 2035. A cela s’ajoute l’étude pour huit de plus pour la fin de la décennie 2040. " Concrètement, nous allons engager dès les semaines à venir les chantiers préparatoires ", a dit Emmanuel Macron, promettant " des financements publics massifs de plusieurs dizaines de milliards d’euros " et de " sécuriser la situation financière d’EDF ", lourdement endetté. " Je souhaite qu’aucun réacteur nucléaire en état de produire ne soit fermé à l’avenir ", a aussi martelé le chef de l’Etat, alors qu’une douzaine devaient fermer d’ici 2035 en plus des 2 de Fessenheim, déjà arrêtés.

Attendu sur la relance du nucléaire, le président sortant et quasi-candidat a plus largement présenté sa vision de l’avenir énergétique de la France, engagée à la neutralité carbone en milieu de siècle pour contrer le réchauffement. Et pour cela, " oui, il nous faut développer massivement les énergies renouvelables ", a-t-il insisté, commençant même par cela. La filière, entravée par les recours quasi systématiques et les lenteurs administratives, réclamait " une parole politique claire ".

Construire un nouveau réacteur nucléaire ce n’est pas avant 15 ans: on a donc besoin des énergies renouvelables tout de suite, a expliqué le président. Emmanuel Macron a fixé jeudi l’objectif de doter la France d’une cinquantaine de parcs éoliens en mer pour " viser 40 gigawatts en service en 2050″, un seuil très ambitieux alors que le tout premier site doit commencer à fonctionner en avril, avec 10 ans de retard. D’ici 2050, il veut multiplier par près de dix la puissance solaire installée pour dépasser 100 gigawatts. Le pays compte au total plus de 13,2 GW aujourd’hui disponibles. En revanche, sur les éoliennes terrestres, il souhaite multiplier par deux la capacité actuelle en 30 ans, plutôt qu’en 10 ans comme prévu jusqu’à présent.

Ce discours-cadre du chef de l’Etat trace une perspective de long terme, mais doit aussi lui permettre d’occuper d’ores et déjà l’un des sujets majeurs de la campagne.

Le nucléaire est l’un des thèmes de la campagne présidentielle de 2022, certains candidats en prônant une sortie plus ou moins rapide (écologistes ou insoumis) tandis que d’autres (notamment à droite et à l’extrême droite, mais aussi au parti communiste) sont favorables à cette énergie. Le chef de l’Etat s’est exprimé à Belfort, sur le site de fabrication des turbines Arabelle dont EDF a annoncé jeudi même le rachat à l’américain GE. Tout un symbole pour le président qui en 2015 alors ministre de l’Economie, avait accepté qu’Alstom les cède au groupe américain. L’occasion pour lui de justifier jeudi cette décision devant les salariés: C’était ça ou l’arrêt ", a-t-il dit, plaidant aussi " le choix d’une entreprise privée ". Ce discours aux allures de programme énergie du futur candidat illustre l’évolution pro-nucléaire d’Emmanuel Macron, lui qui en 2017 insistait surtout sur son engagement de réduire le nucléaire à 50% de la production électrique, hérité de François Hollande. C’est aussi un signe pour assurer aux Français que le coût de l’énergie ne dépendra pas des importations, dont la hausse des cours contribue lourdement à peser sur le pouvoir d’achat, autre thème majeur de la campagne.

Pour autant, la construction des futurs réacteurs sera un défi technologique et financier. La France ne construit actuellement qu’un seul nouveau réacteur nucléaire EPR, à Flamanville (Manche), en chantier depuis quinze ans pour un coût très élevé. Construire six réacteurs EPR2, sur des sites existants, coûtera une cinquantaine de milliards d’euros, a déjà prévu EDF. Le groupe propose de les construire par paires sur trois sites: d’abord à Penly (Seine-Maritime), près de Dieppe, puis à Gravelines (Nord) et enfin à Bugey (Ain) ou bien Tricastin (Drôme).

Avec AFP