Le chef de la diplomatie russe, sorti tout droit de la Nomenklatura du temps du Soviet suprême, Sergueï Lavrov, a enchaîné les records hier. Après avoir affirmé que la Russie " n’a pas attaqué " l’Ukraine, il a insisté sur le fait que les images des destructions causées par le bombardement russe d’un établissement abritant une maternité et un hôpital pédiatrique de Marioupol, qui a fait trois morts, dont une fillette, et 17 blessés est un " fake " inventé par des nationalistes radicaux ukrainiens. C’était du côté russe. Côté reste du monde, l’UE, les USA, le CPI, la France, l’Espagne, l’Allemagne et la liste est longue, ont dû utiliser tous les synonymes possibles pour qualifier cette attaque contre des enfants de " barbare ".

Le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, a qualifié jeudi l’attaque de " crime de guerre odieux ". " Le bombardement par la Russie d’un hôpital comprenant une maternité est un crime de guerre odieux. Les attaques aériennes contre des quartiers résidentiels et le blocage des convois d’aide (vers la ville) par les forces russes doivent cesser immédiatement ", a-t-il réagi sur Twitter.

C’est un acte " inhumain, cruel et tragique. Je suis convaincue qu’il peut s’agir d’un crime de guerre: il faut mener une enquête approfondie ", a déclaré de son côté la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, sur le même réseau social.Le bombardement mercredi d’un établissement médical abritant à la fois un hôpital pédiatrique et une maternité à Marioupol a également fait 17 blessés, selon la mairie de cette ville portuaire prise en étau entre l’armée russe et les forces séparatistes prorusses du Donbass ukrainien.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait qualifié mercredi le bombardement de cet hôpital de " crime de guerre ", y voyant " la preuve qu’un génocide d’Ukrainiens (était) en train de se produire ".

Le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, a aussi qualifié de " crimes de guerre " le bombardement d’hôpitaux par les forces russes en Ukraine, assurant que Madrid, à l’unisson des pays de l’UE, soutenait l’enquête de la Cour pénale internationale (CPI) " pour que ces actes criminels ne restent pas impunis ".

Le procureur de la CPI a annoncé le 2 mars " l’ouverture immédiate " d’une enquête sur la situation en Ukraine et sur de possibles crimes de guerre, après avoir reçu le feu vert de 39 États parties de la CPI.

Washington a dénoncé un usage " barbare " de la force contre des civils à Marioupol. Le porte-parole du gouvernement français Gabriel Attal a dénoncé des frappes " inhumaines et lâches " et une action " inqualifiable ".

Sergueï Lavrov, a justifié ce bombardement en affirmant que le bâtiment servait de base à un bataillon nationaliste ukrainien. " Cette maternité a été reprise depuis longtemps par le bataillon Azov et d’autres radicaux, et toutes les femmes en couches, toutes les infirmières et tout le personnel de soutien ont été mis à la porte ", a lancé M. Lavrov à l’issue de pourparlers avec son homologue ukrainien Dmytro Kuleba en Turquie.

L’armée russe a qualifié l’attaque de " mise en scène " de " nationalistes " ukrainiens. " L’aviation russe n’a accompli aucune mission de destruction de cibles dans la région de Marioupol ", a assuré le porte-parole du ministère de la Défense, Igor Konachenkov.  " La prétendue frappe aérienne est une mise en scène totale à des fins de provocation afin d’entretenir l’agitation antirusse du public occidental ", a-t-il ajouté.  

Le porte-parole a répété les accusations russes selon lesquelles l’hôpital avait été évacué par les Ukrainiens et servait de " place-forte " à des combattants " en raison de son emplacement favorable d’un point de vue tactique ". 

Les gens se battent pour la nourriture, selon le CICR
Selon un représentant du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), dans la ville encerclée par les troupes russes de Marioupol " les gens ont commencé à se battre pour la nourriture ". "Tous les magasins et pharmacies ont été pillés il y a quatre ou cinq jours. Certaines personnes ont encore de la nourriture, mais je ne sais pas combien de temps cela va durer ", affirme Sasha Volkov, depuis Marioupol, dans un enregistrement audio envoyé aux médias. " Beaucoup n’ont pas du tout d’eau à boire (…). Beaucoup de gens disent ne pas avoir de nourriture pour les enfants ", poursuit-il.

Assiégés depuis plusieurs jours par les troupes russes, les habitants de cette ville portuaire sont privés d’électricité, d’eau et de gaz. Des tentatives d’évacuation de centaines de milliers de civils ont échoué à plusieurs reprises, les deux camps s’en rejetant mutuellement la responsabilité.

" Les gens ont commencé à se battre pour la nourriture. D’autres ont détruit la voiture d’une autre personne pour en retirer l’essence ", raconte Sasha Volkov. Selon ce responsable, un marché noir a vu le jour, où il est possible de trouver des légumes, mais pas de viande. Il explique que les gens n’ont nulle part où aller et restent souvent confinés. Les représentants du CICR présent dans la ville ont pu visiter leurs maisons détruites ou endommagées pour y récupérer de la nourriture pour quelques jours. " Beaucoup d’entre nous ont commencé à tomber malade, en raison du froid et de l’humidité ", indique M. Volkov. Environ 65 personnes se terrent dans le bâtiment où il se trouve: " L’abri au sous-sol est réservé aux enfants et à leurs mères, tandis que tous les autres adultes et les plus de douze ans dorment dans le bureau ".

La prise de cette cité d’importance stratégique permettrait d’établir une continuité territoriale totale entre les forces russes en provenance de la Crimée annexée par Moscou et les troupes séparatistes et russes du Donbass.

Avec AFP