Faire irruption en direct durant la diffusion du journal télévisé pour protester contre la " propagande " du pouvoir et dénoncer l’invasion de l’Ukraine est un geste audacieux et inespéré dans la Russie de Poutine dans les circonstances actuelles. L’image de Marina Ovsiannikova, productrice dans la chaîne semi-publique Pervi Kanal (Première chaîne), portant une pancarte dénonçant la guerre, en russe et en anglais, a fait le tour du monde. La productrice a émerveillé par son courage et son audace dans un pays connu pour sa répression des médias, allant jusqu’à l’assassinat de plusieurs journalistes. L’action de la journaliste est d’autant plus dangereuse qu’elle intervient en pleine guerre contre l’Ukraine. Des lois spéciales ont été votées dès le début du conflit, réprimant toute critique envers l’armée, toute " diffusion de fausse information " et même prohibant l’emploi du terme " guerre " pour désigner " l’opération militaire spéciale ", la formulation officielle utilisée par le pouvoir pour désigner l’invasion de l’Ukraine. Ces lois prévoient des peines allant jusqu’à 15 ans d’emprisonnement. Mme Ovsiannikova a dû subir un interrogatoire qui a duré 14 heures au bout duquel elle a écopé d’une peine légère. Mais les ennuis judiciaires ne font que commencer pour la journaliste, car elle doit comparaitre de nouveau devant la justice pour répondre à des accusations de " fausses informations " qui risquent de lui infliger des peines de prison plus graves.
L’employée d’une chaîne de télévision russe qui a fait irruption durant un journal télévisé pro-Kremlin pour dénoncer l’offensive en Ukraine a été libérée mardi avec une simple amende, après son arrestation qui a suscité une indignation internationale. Marina Ovsiannikova risque néanmoins toujours des poursuites pénales passibles de lourdes peines de prison, aux termes d’une récente loi réprimant toute " fausse information " sur l’armée russe.
Signe que l’action de protestation de Mme Ovsiannikova a déplu au sommet du pouvoir, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a dénoncé mardi un acte de " hooliganisme ". Mais, à l’étranger, les témoignages de soutien se sont multipliés.
" Nous sommes solidaires de la journaliste russe Marina Ovsyannikova qui est une victime de la récente loi abusive sur les médias adoptée par la Russie ", a déclaré mardi le secrétaire général de la Fédération internationale des journalistes (IFJ), Anthony Bellanger. A Bruxelles, un porte-parole du chef de la diplomatie de l’UE Josep Borrell a salué son geste, estimant qu’elle avait " pris une position morale courageuse et osé s’opposer aux mensonges et à la propagande du Kremlin en direct sur une chaîne de télévision contrôlée par l’État ".
L’acte de Mme Ovsiannikova est d’autant plus notable qu’il est de plus en plus difficile pour les Russes d’exprimer leur opposition. Depuis le déclenchement de l’offensive en Ukraine le 24 février, quelque 15.000 manifestants ont été arrêtés à travers la Russie, selon l’ONG OVD-info. Dans une vidéo enregistrée avant sa soudaine apparition devant les caméras, Mme Ovsiannikova explique son refus de voir la Russie et l’Ukraine comme des ennemis, car son père est ukrainien et sa mère russe. " Malheureusement, j’ai travaillé pour Pervy Kanal ces dernières années, faisant de la propagande pour le Kremlin ", ajoute-t-elle. " J’en ai très honte aujourd’hui ".
Avec AFP