Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a assuré jeudi en Corse engager " la parole de l’Etat " dans ses discussions avec les responsables nationalistes sur une possible autonomie de l’île, alors qu’à Paris la justice a suspendu la peine d’Yvan Colonna pour " motif médical ".

Cette suspension, prévue par la loi en cas de pronostic vital engagé, est " un soulagement pour la famille ", a réagi auprès de l’AFP Sylvain Cormier, l’un des avocats du militant indépendantiste, toujours dans le coma dans un hôpital de Marseille suite à son agression à la prison d’Arles (Bouches-du-Rhône) le 2 mars, par un détenu radicalisé.

Cette annonce est intervenue au milieu de la visite de Gérald Darmanin en Corse pour échanger sur l’avenir de l’île.

Pendant deux jours d’entretiens avec les élus corses, le ministre de l’Intérieur a répété être prêt à mener des discussions pouvant " aller jusqu’à l’autonomie ".

" Il faut maintenant qu’un processus de travail s’enclenche " afin que " de manière apaisée nous puissions envisager la réforme qui s’impose ", a déclaré jeudi à Aubervilliers le président candidat Emmanuel Macron.

La veille, le président autonomiste du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, s’était réjoui des " engagements très forts " de M. Darmanin.

Néanmoins, l’ancien avocat d’Yvan Colonna, condamné à perpétuité pour sa participation à l’assassinat du préfet Erignac en 1998, avait demandé que ces échanges soient " consignés dans un document, avec un calendrier ", avant de pouvoir considérer avoir " posé la première pierre d’un processus historique ".

Une demande acceptée par le ministre, favorable à ce que " tout ce que nous avons dit (soit) inscrit dans le temps, comme un engagement de l’Etat et de la Collectivité " de Corse.

L’objectif annoncé par chacune des parties est d’aboutir à un éventuel projet, qui pourrait exiger une réforme constitutionnelle, " d’ici à la fin de l’année ": " est-ce qu’on se mettra d’accord à l’issue de ces nombreuses et difficiles discussions, je n’en suis pas certain, mais commençons par ce dialogue ", a tempéré M. Darmanin.

Cette main tendue du gouvernement a suscité jeudi la mise en garde de Jean-Pierre Chevènement, en poste à l’Intérieur quand le préfet Erignac a été assassiné: En Corse, " nous assistons à un chantage permanent à la violence. Depuis 1975, les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique (…) sont allés de reculade en reculade ", a-t-il déploré dans un entretien à L’Opinion.

Pour le sénateur (LR) de Corse-du-Sud Jean-Jacques Panunzi, " il est inutile de faire imaginer aux Corses qu’on risque d’avoir un statut d’autonomie surtout à la polynésienne ", qui est selon lui " à la frontière de l’indépendance ", a-t-il déclaré à l’AFP, ajoutant: " s’il suffisait d’un nouveau statut pour régler le problème corse, il serait réglé depuis 40 ans ".

Gérald Darmanin a poursuivi les consultations jeudi après-midi à Porto-Vecchio. De retour à Ajaccio vendredi, il se rendra ensuite à Bastia dans l’après-midi.

Sur l’agression d’Yvan Colonna, qu’il a qualifiée d' "ignoble ", le ministre a une nouvelle fois promis " toute la lumière ". Outre l’enquête judiciaire, des auditions ont commencé mercredi à l’Assemblée nationale et les conclusions de l’enquête administrative seront rendues publiques " dans une dizaine de jours ", a-t-il précisé.

Pour la première fois, dix photos tirées de la vidéo de la tentative d’assassinat enregistrée par une caméra de surveillance de la prison ont été diffusées jeudi soir sur le site de France 3 Corse.

L’agression du militant indépendantiste a été le détonateur des tensions entre l’Etat et les nationalistes, frustrés que leurs victoires dans les urnes, aux élections territoriales de 2015, 2017 puis 2021, n’aient pas fait aboutir leurs revendications.

Parmi elles, le rapprochement à la prison corse de Borgo des deux autres membres du +commando Erignac+, Alain Ferrandi et Pierre Alessandri. Se félicitant du retour à un " calme fragile " sur l’île, le ministre de l’Intérieur a rappelé jeudi que ces rapprochements étaient conditionnés à l’arrêt durable des violences.

A Bastia, un homme de 21 ans, interpellé dimanche soir après la manifestation qui avait fait 102 blessés, dont 77 membres des forces de l’ordre, a été mis en examen et écroué mercredi pour violences sur personne dépositaire de l’autorité publique, selon le parquet.

AFP

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