Visite surprise et inopinée de Boris Johnson samedi à Kiev. Le Premier ministre britannique s’est offert une visite du centre-ville de la capitale ukrainienne en compagnie d’un Volodymyr Zelensky qui risque rarement une sortie de son QG présidentiel ultra-gardé.

Coup de com’ ou pas, pour les Ukrainiens cette visite est un don du ciel.  Johnson a, en effet, annoncé une nouvelle assistance militaire à Kiev en offrant des véhicules blindés et des missiles antinavires dont l’armée ukrainienne a grandement besoin pour les combats au sud-est du pays. Le théâtre des opérations militaires au Donbass est formé de plaines, où les chars jouent un rôle essentiel, à la différence des combats de rues, où la résistance ukrainienne avait excellé. Par ailleurs, la proximité de cette région avec la mer Noire et la mer d’Azov la rend vulnérable aux missiles surface-sol lancés depuis les navires de la flotte russe.

Le Royaume-Uni a déjà fourni en grand nombre des armes modernes à l’Ukraine. Les missiles anti-aériens " Starstreak ", de type " MANPADS " (portatifs, à l’usage de l’infanterie) ainsi que les missiles antichars NLAW ont joué un rôle décisif lors des combats, infligeant des pertes significatives aux aéronefs et aux blindés russes.

L’armée ukrainienne attend désormais la grande bataille du Donbass. Et l’armée russe s’y prépare activement. Les experts prévoient un acharnement de la part de Vladimir Poutine qui mise sur une victoire décisive dans cette région où la présence des russophones est importante. Le président russe espère décrocher un exploit militaire avant le 9 mai, date des célébrations de la victoire de l’URSS sur l’Allemagne nazie lors de la " Grande Guerre patriotique ", dénomination de la Seconde Guerre mondiale en Russie. Poutine a largement exploité cet évènement, toujours très présent dans la mémoire des Russes, pour justifier sa guerre de " dénazification " en Ukraine.

 

 

 

 

Le Premier ministre britannique Boris Johnson a effectué une visite surprise à Kiev samedi et promis des blindés à l’Ukraine, où la menace d’une nouvelle offensive russe pousse la population à fuir l’est du pays, au lendemain d’un bombardement sanglant sur des civils

Ce déplacement à Kiev avait pour but de " montrer notre soutien indéfectible au peuple ukrainien ", a tweeté Boris Johnson après la rencontre, qui n’avait pas été annoncée.

Il a rendu hommage à l’armée ukrainienne pour " le plus grand fait d’armes du 21ᵉ siècle " qui a permis de défendre Kiev et de mettre en échec " les desseins monstrueux de Poutine ", selon un communiqué de Downing Street.

Le président russe " a subi un revers. (…) Il va intensifier la pression maintenant dans le Donbass et l’Est ", a mis en garde M. Johnson. " C’est pourquoi il est si vital (…) que nous, vos amis, continuions d’offrir le soutien que nous pouvons ", a-t-il ajouté, s’engageant à fournir à Kiev des véhicules blindés et des missiles antinavires.

La chaîne Telegram du président Volodymyr Zelensky a diffusé plusieurs photos du président ukrainien, toujours en tenue kaki et la barbe naissante, accueillant Boris Johnson en costume-cravate devant le siège de la présidence à Kiev.

Entourés de militaires lourdement armés, tous deux se sont aussi rendus sur la rue Khrechtchatyk, l’artère principale de Kiev, saluant les quelques badauds présents, puis sur l’emblématique place de l’Indépendance.

M. Johnson est le premier dirigeant du G7 à se rendre dans la capitale ukrainienne, menacée d’un assaut et bombardée il y a encore une semaine, et où Volodymyr Zelensky s’est retranché depuis le début de l’invasion russe le 24 février, forçant le respect du monde entier.

" D’autres Etats démocratiques occidentaux doivent suivre l’exemple du Royaume-Uni ", a commenté le président ukrainien. " Il est temps d’imposer un embargo total sur les hydrocarbures russes, d’augmenter les livraisons d’armes " à l’Ukraine.

Londres, en pointe dans les condamnations de la politique du Kremlin, a notamment fourni dès les débuts de précieuses armes antichar à l’armée ukrainienne et n’a pas hésité à sanctionner les oligarques russes dont la présence massive a donné à un quartier chic de la capitale britannique le sobriquet de " Londongrad ".

 

 

 

" L’Ukraine n’a pas le temps d’attendre ", a encore dit Volodymyr Zelensky dans la soirée dans un message vidéo, appelant les Occidentaux à agir plus vite et plus fort.

Car au même moment dans l’est du pays, où un missile russe a fait plus de 50 morts vendredi parmi les centaines de civils rassemblés devant la gare de Kramatorsk dans l’espoir de monter dans un train et de fuir vers l’ouest, on se préparait au pire.

" L’ennemi russe continue de s’organiser pour intensifier ses opérations offensives dans l’est de l’Ukraine et prendre le contrôle total des régions de Donetsk et de Lougansk ", dans le Donbass, a déclaré l’état-major de l’armée ukrainienne samedi dans un point quotidien sur Facebook.

Outre la poursuite des combats pour prendre le contrôle des villes clés de Marioupol, au sud, et d’Izioum plus au nord, " l’ennemi continue de frapper avec des missiles des cibles civiles dans toute l’Ukraine ", a averti l’état-major.

Des bombardements ont ainsi encore fait 5 morts et 5 blessés dans la région de Donetsk, a indiqué dans la soirée le gouverneur régional Pavlo Kyrylenko sur Telegram.

A Lyssytchansk, une petite ville de la région de Lougansk, le maire Olexandre Zaïka a appelé les habitants à partir le plus vite possible.

" La situation dans la ville est très tendue, je vous demande d’évacuer. Cela devient très difficile, les obus de l’ennemi tombent un peu partout ", a-t-il dit dans un message sur Telegram.

Mais " personne ne va abandonner la région de Lougansk ", a-t-il ajouté, " nos gars travaillent bien ".

Dans la zone rurale de Barvinkove, soldats ukrainiens et membres de la Défense territoriale étaient occupés à fortifier leurs positions et à creuser de nouvelles tranchées. Les bords de routes ont été minés, et des obstacles anti-chars sont installés à tous les carrefours.

" Nous resterons ici jusqu’à la victoire ", a commenté un commandant local.

Menacé à son tour de frappes, le grand port d’Odessa, dans le sud sur la mer Noire, est sous un couvre-feu de samedi soir à lundi matin, ont annoncé les autorités locales.

 

Le chancelier autrichien à Boutcha

" Nous sommes prêts à nous battre, et à chercher parallèlement des voies diplomatiques pour arrêter cette guerre ", avait souligné Volodymyr Zelensky plus tôt dans la journée, lors d’une conférence de presse avec le chancelier autrichien Karl Nehammer, lui aussi venu à Kiev.

La veille, c’était la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen qui avait fait le voyage, y compris à Boutcha, petite ville proche de la capitale devenue un symbole des atrocités de l’invasion russe.

" Si ceci n’est pas un crime de guerre, qu’est-ce qu’un crime de guerre? ", avait-elle déclaré.

" Ce que Poutine a fait à Boutcha et Irpin (autre localité proche de Kiev, ndlr), ce sont des crimes de guerre qui ont entaché définitivement sa réputation ", a abondé samedi Boris Johnson.

 

 

Crédit photo: Compte Telegram officiel du Président Zelensky https://t.me/V_Zelenskiy_official
Après le drame, l’évacuation se poursuit à Kramatorsk

A Kramatorsk, où le dernier bilan, vendredi soir, de la frappe au missile devant la gare a fait état de 52 morts dont 5 enfants, les évacuations de civils se poursuivaient samedi par la route. Des minibus et des camionnettes venaient récupérer des dizaines de rescapés du bombardement qui ont passé la nuit dans une église protestante du centre-ville, non loin de la gare, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Le président américain Joe Biden a dénoncé une " horrible atrocité " commise par Moscou et la diplomatie française un " crime contre l’humanité ".

Moscou a nié être responsable de la frappe, allant jusqu’à dénoncer une " provocation " ukrainienne.

Nonobstant ces échanges d’accusations, l’Ukraine a annoncé samedi avoir procédé à un nouvel échange de prisonniers avec la Russie, permettant la libération de 12 soldats et 14 civils ukrainiens.

Après avoir retiré ses troupes de la région de Kiev et du nord de l’Ukraine, la Russie a fait sa priorité de la conquête totale du Donbass, dont une partie est contrôlée depuis 2014 par des séparatistes prorusses.

Le président Vladimir Poutine, dont la décision d’envahir l’Ukraine s’est brisée sur la résistance acharnée des Ukrainiens, a revu ses plans à la baisse, mais veut obtenir une victoire au Donbass avant le défilé militaire du 9 mai marquant sur la Place Rouge la victoire soviétique sur les nazis, point culminant du narratif militariste qu’il a imposé en Russie, notent les observateurs.

La Bundeswehr " à sec "
De son côté, l’Allemagne a quasiment épuisé ses possibilités d’approvisionner l’Ukraine en matériel tiré des réserves de son armée, la Bundeswehr, mais planche sur des livraisons effectuées directement par l’industrie de l’armement, a déclaré samedi la ministre allemande de la Défense, Christine Lambrecht.  " Pour les livraisons provenant des stocks de la Bundeswehr, je dois dire honnêtement que nous sommes entre-temps arrivés à une limite ", a expliqué la ministre au journal Augsburger Allgemeine.L’armée allemande doit maintenir sa capacité d’action et être en mesure de " garantir la défense du pays et de l’Alliance " atlantique (Otan), a-t-elle ajouté.  " Mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas faire plus pour l’Ukraine, c’est pourquoi nous avons clarifié ce que l’industrie peut fournir directement " à Kiev, poursuit Mme Lambrecht.Jusqu’à l’invasion russe, le 24 février, l’Allemagne a rechigné, pour des raisons historiques, à envoyer des armes en Ukraine qui les réclamait face à la montée des tensions avec Moscou.  Le chancelier Olaf Scholz a ensuite opéré une volte-face et les forces ukrainiennes ont déjà reçu de Berlin des armes antichar, des lance-missiles et des missiles sol-air.Mais le conflit en Ukraine a aussi jeté une lumière crue sur l’état " alarmant " de la Bundeswehr, selon la commissaire à la défense au Bundestag (Parlement), Eva Högl, tandis qu’un des plus hauts gradés a parlé d’une armée de terre " plus ou moins à sec ".

T-72 tchèques

A la suite des révélations sur les exactions de son armée en Ukraine, la Russie avait été suspendue jeudi par un vote du Conseil des droits de l’homme de l’ONU et a été la cible de nouvelles sanctions économiques occidentales.

Kiev réclame la fourniture " immédiate " d’armes pour faire face à une nouvelle offensive russe dans l’Est.

Outre les armes annoncées samedi, le Royaume-Uni avait promis l’envoi de missiles antichars et antiaériens supplémentaires. Et la Slovaquie " fait don " à Kiev de systèmes de défense antiaérienne S-300, de conception soviétique.

Selon les médias tchèques, Prague a de son côté envoyé lundi à l’Ukraine des trains chargés de chars T72 et de véhicules blindés de fabrication soviétique, ce qui serait une première livraison d’armements lourds réclamés par Kiev.

Berlusconi " déçu et peiné " par son ami Poutine

L’ex-Premier ministre italien Silvio Berlusconi s’est dit samedi " profondément déçu et peiné par le comportement de Vladimir Poutine ", duquel il fut proche mais qui a pris " très grave responsabilité face au monde entier " en attaquant l’Ukraine.

" Je ne peux pas et je ne veux pas non plus cacher que je suis profondément déçu par le comportement de Vladimir Poutine, qui a pris une très grave responsabilité face au monde entier ", a-t-il affirmé lors d’une réunion publique à Rome de son parti Forza Italia (droite), qui fait partie de la large coalition soutenant le gouvernement dirigé par Mario Draghi.

 

 

" Je l’avais connu il y a une vingtaine d’années et il m’avait toujours semblé être un démocrate et un homme de paix ", a poursuivi le milliardaire de 85 ans, qui fut trois fois chef de gouvernement entre 1994 et 2011. M. Berlusconi s’était jusqu’ici abstenu de critiquer publiquement M. Poutine.Lorsqu’il était au pouvoir, M. Berlusconi avait entretenu des liens d’amitié personnelle avec le président russe, allant jusqu’à l’inviter en vacances dans sa luxueuse villa en Sardaigne. "Face à l’horreur des massacres de civils à Boutcha et dans d’autres localités, de véritables crimes de guerre, la Russie ne peut nier ses responsabilités ", a-t-il encore dénoncé. 

Avec AFP

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