Annoncée par Zelensky lundi, confirmée par les Russes mardi: " une nouvelle phase de la guerre " en Ukraine a commencé par l’offensive à l’Est menée par les troupes de Moscou. Le Donbass constitue, selon la propagande poutinienne, la raison pour laquelle le chef du Kremlin a lancé son " opération militaire spéciale ". Il s’agit de mettre un terme au " génocide " des russophones des deux " républiques " séparatistes de Lougansk et de Donetsk. Une épuration organisée, selon le même président dramaturge, par le pouvoir " nazi " en place à Kiev.
Face à l’agression russe, les alliés occidentaux n’avaient pas lésiné sur les moyens pour soutenir Kiev. Mardi, le Pentagone a annoncé que l’Ukraine a enfin reçu des avions de chasse et des pièces de rechange. Le président Zelensky avait supplié à maintes reprises Washington de lui faciliter l’acquisition de chasseurs dont son armée avait cruellement besoin. L’aide américaine et provenant d’autres alliés de l’Otan est appelé à augmenter au fur et à mesure que l’offensive russe à l’Est se poursuit.
Selon un haut responsable du Pentagone, la Russie a augmenté sa présence militaire dans l’est et le sud de l’Ukraine, portant à 76 le total de bataillons dans le pays.
Depuis Moscou, le ministre de la Défense Sergueï Choïgou, pourtant absent des écrans radars récemment, s’est affiché en compagnie de son état-major dans un décor à la James Bond, très cher à Poutine. Le maître du Kremlin a un penchant prononcé pour les salles de commandements bourrées de boutons et d’écrans géants. Il aime camoufler la faiblesse de son armée enlisée dans un pays infiniment plus petit que le sien. Tellement enlisée qu’elle a besoin de quelque 20.000 mercenaires étrangers, syriens et libyens pour la plupart, pour l’assister aux combats. Le chiffre inclut les paramilitaires de la sinistre société Wagner, aussi réputée proche du Kremlin que fameuse pour ses exactions contre les civils dans différents points du globe.
On aurait dit une anecdote si l’évènement n’était pas aussi tragique: le même Choïgou a affirmé durant la même réunion que les Occidentaux sont responsables de la situation actuelle. " Les Etats-Unis, et les Etats occidentaux qu’ils contrôlent, font tout pour faire durer au maximum l’opération militaire spéciale. Les livraisons croissantes d’armes étrangères démontrent clairement leur intention, celle que le régime de Kiev se batte jusqu’au dernier des Ukrainiens ". Même Beria n’aurait pas réussi une telle rhétorique.
Évidemment, le conflit ukrainien s’installe dans la durée, sans que l’on puisse, pour autant, chiffrer le temps nécessaire pour la suite des évènements. Un haut responsable européen a semé l’effroi mardi, en déclarant, sous couvert d’anonymat depuis Washington, que les Russes auront besoin de " quatre à six mois " pour contrôler la région de Lougansk. Une partie du Donbass donc, sans clarifier le sort de la région de Donetsk. Le même responsable a, par ailleurs, exprimé sa crainte que la situation dans la ville de Marioupol ne sera encore pire que celle de Boutcha. La retraite russe de cette ville limitrophe de Kiev avait laissé derrière elle des rues jonchées de cadavres et des fosses communes disséminées un peu partout dans les quartiers.
Le responsable a enfin prédit une possible fin des négociations entre Russes et Ukrainiens à " l’automne 2022 ", avec l’espoir que ceci débouchera sur une issue au conflit avant l’hiver.
Encore quelque six mois alors, durant lesquelles les civils continueront à mourir ou souffrir, dans une Ukraine en proie à la destruction et dans une Russie isolée du monde moderne, qui entame d’ores et déjà sa descente vers le Moyen Âge.
G.F.H.
L’Ukraine a reçu des avions de chasse et des pièces détachées pour renforcer son armée de l’air, a indiqué mardi le porte-parole du Pentagone, John Kirby, refusant de préciser leur nombre ou les pays ayant fourni les appareils.
Après l’envoi de pièces d’artillerie Howitzer annoncé la semaine dernière par Joe Biden, cette annonce, qui intervient au moment où la Russie vient de lancer une nouvelle offensive dans le Donbass, témoigne d’un changement d’attitude des Occidentaux, qui ont pendant plus d’un mois refusé de fournir à l’Ukraine des armements lourds, pour éviter toute escalade du conflit.
" Aujourd’hui, (les Ukrainiens) ont à leur disposition plus d’avions de chasse qu’il y a deux semaines ", a déclaré le porte-parole au cours d’un point de presse. "Sans entrer dans les détails sur ce que d’autres pays fournissent, je dirais qu’ils ont reçu des appareils supplémentaires et des pièces détachées pour accroître leur flotte ", a-t-il ajouté.
Il s’agit vraisemblablement de MiG-29 de fabrication russe, que Kiev réclamait depuis le début du conflit et dont dispose une poignée de pays d’Europe de l’Est.
La Pologne avait proposé de transférer de tels avions via une base américaine début mars, mais les Etats-Unis s’y étaient opposés, redoutant que la Russie puisse y voir une trop grande implication directe de l’Otan dans le conflit.
M. Kirby n’a pas nommé les pays donateurs. En revanche, il a laissé entendre qu’il s’agissait bien d’appareils de fabrication russe. " D’autres nations qui ont l’expérience de ce genre d’avions ont pu les aider à avoir plus d’appareils en service ", a-t-il dit.
Il a précisé que les Etats-Unis avaient facilité l’envoi de pièces détachées vers le territoire ukrainien, mais n’y avaient pas acheminé d’avions.
Visioconférence entre dirigeants européens et américain
Les Etats-Unis et l’Union européenne ont annoncé mardi qu’ils n’en resteraient pas là.
Réunis en audioconférence, les dirigeants français Emmanuel Macron, britannique Boris Johnson, allemand Olaf Scholz, roumain Klaus Iohannis, polonais Andrzej Duda, italien Mario Draghi, canadien Justin Trudeau et japonais Fumio Kishida sont parvenus à " un large consensus sur la nécessité d’accentuer la pression sur le Kremlin ", a indiqué le gouvernement italien.
Ils ont notamment " réaffirmé leur engagement à poursuivre leur assistance militaire, économique et humanitaire à l’Ukraine ", selon la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki.

Transferts discrets d’armements
Les transferts d’armement vers l’Ukraine, quotidiens depuis le début de l’invasion, se font discrètement, les pays qui y participent ne voulant pas apparaître comme belligérants dans ce conflit.
Selon les médias tchèques, Prague a ainsi envoyé début avril à l’Ukraine des trains chargés de chars T-72 et de véhicules blindés de fabrication soviétique, une opération sans précédent. Les sources officielles ont refusé de confirmer cette information.
Des entreprises d’armement tchèques vont réparer de l’équipement militaire lourd ukrainien, suite à une demande récente émanant des autorités de Kiev, a annoncé mardi le ministère tchèque de la Défense.
" Accroître l’isolement international de Moscou "
Les alliés sont aussi tombés d’accord sur la nécessité " d’accroître l’isolement international de Moscou ", a précisé le gouvernement italien. L’annonce italienne a été confirmée par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen dans un tweet: " Nous renforcerons de nouveau nos sanctions contre la Russie ". S’exprimant devant la presse en Allemagne après cette réunion, le chancelier Olaf Scholz a également estimé que le président Poutine portait la responsabilité des " crimes de guerre " en Ukraine.
" L’invasion russe de la Russie est une rupture éclatante du droit international " et la mort de milliers de civils " des crimes de guerre dont le président russe porte la responsabilité ", a-t-il dit.
Sur un autre plan, Soixante-seize Ukrainiens ont été libérés dans un nouvel échange de prisonniers avec la Russie, a annoncé Kiev mardi, sans révéler le nombre de Russes libérés. Moscou n’a pas confirmé cet échange.
La Russie a en revanche, indiqué avoir expulsé 36 diplomates belges et néerlandais, en représailles à une mesure similaire prise par Bruxelles et La Haye.
" Une nouvelle phase " de la guerre
La Russie a ouvert mardi par une série de frappes sur l’Est de l’Ukraine une " nouvelle phase " de la guerre qu’elle a déclenchée en février. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a affirmé qu’une " nouvelle phase de l’opération " militaire russe avait commencé.
La Russie veut " libérer " militairement le Donbass, Moscou considérant cette région de l’Est comme indépendante de l’Ukraine, a déclaré mardi le ministre russe de la Défense, accusant l’Occident de " faire durer " le conflit en livrant des armes à Kiev.
" L’armée russe exécute les tâches fixées par le chef des armées (Vladimir Poutine) pour l’opération militaire spéciale. En conséquence, le plan de libération des républiques populaires de Donetsk et de Lougansk est mis en oeuvre ", a dit Sergueï Choïgou, dans ses premières déclarations publiques depuis fin mars, retransmises à la télévision.
Les forces aériennes russes ont tiré des " missiles de haute précision " et neutralisé treize places fortes de l’armée ukrainienne, a affirmé son ministère, appelant les Ukrainiens à la reddition.
Selon un haut responsable américain du département de la Défense, la Russie a augmenté sa présence militaire dans l’est et le sud de l’Ukraine, portant à 76 le total de bataillons dans le pays.
En menant l’offensive à l’Est, les troupes russes contrôleront, probablement d’ici " quatre à six mois ", la région de Lougansk, une partie du Donbass et un petit pont terrestre dans la région de Zaporijjia, a estimé un haut responsable européen, sous couvert d’anonymat, à Washington.
Il a dit s’attendre à " une destruction totale " de la ville de Marioupol, port stratégique sur la mer d’Azov, assiégé depuis début mars par les troupes russes. " Ma crainte est que cela soit encore pire que Boutcha ", ville ukrainienne où l’armée russe est accusée d’avoir massacré des civils, a-t-il souligné.
Le responsable a enfin prédit une possible fin des négociations entre Russes et Ukrainiens à " l’automne 2022 ", ce qui permettrait de trouver une issue au conflit avant l’hiver.
L’Occident " fait tout pour que la guerre perdure "
Accusant l’Ukraine d’orchestrer un " génocide " de russophones, Vladimir Poutine a reconnu l’indépendance des " républiques " séparatistes de Donetsk et Lougansk dans le bassin du Donbass, dans l’est de l’Ukraine.
La vaste offensive lancée le 24 février, qualifiée par Moscou " d’opération militaire spéciale " vise officiellement à défendre les séparatistes et à étendre les territoires sous leur contrôle.
" Les Etats-Unis, et les Etats occidentaux qu’ils contrôlent, font tout pour faire durer au maximum l’opération militaire spéciale. Les livraisons croissantes d’armes étrangères démontrent clairement leur intention, celle que le régime de Kiev se batte jusqu’au dernier des Ukrainiens ", a dit M. Choïgou.
Il s’exprimait devant une assemblée de hauts responsables militaires du ministère de la Défense et de l’armée, notamment le chef d’état-major, Valéri Guerassimov.
L’intervention du ministre intervient alors que des rumeurs sur son état de santé circulent régulièrement depuis mars, du fait de la rareté de ses apparitions publiques.
20.000 paramilitaires Wagner et mercenaires syriens et libyens
Un haut responsable européen, sous couvert d’anonymat, a par ailleurs, estimé entre " 10.000 à 20.000 " le nombre de mercenaires de la société paramilitaire russe Wagner ou de combattants syriens et libyens engagés aux côtés des forces russes.
Ces hommes " n’ont pas de véhicules ou d’armes lourdes " et viennent renforcer les troupes russes, a indiqué le responsable à des journalistes à Washington, sous couvert d’anonymat.
Le responsable dit avoir constaté des " transferts, de zones comme la Syrie et la Libye, vers la région est du Donbass ", où Moscou a lancé une nouvelle phase de son attaque.
Il est toutefois selon lui difficile d’estimer combien exactement de ces " 10 à 20.000 " hommes sont du groupe privé Wagner, et combien sont des combattants de Libye ou de Syrie.
Réputés proches de Vladimir Poutine, le groupe Wagner et ses paramilitaires sont soupçonnés d’exactions au Mali, en Libye ou encore en Syrie.
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Moscou appelle " toute l’armée ukrainienne à déposer les armes "
La Russie a en outre appelé mardi toute l’armée ukrainienne à " déposer les armes " et les derniers défenseurs de la ville de Marioupol à cesser leur " résistance insensée ".
" Ne tentez pas le destin, prenez la seule décision correcte, celle de cesser les opérations militaires et déposez les armes ", a dit le ministère russe de la Défense, dans un communiqué.
" Nous nous adressons à tous les militaires de l’armée ukrainienne et aux mercenaires étrangers: un sort peu enviable vous attend à cause du cynisme des autorités de Kiev ", a-t-il ajouté.
" Partez! ", quittez Kramatorsk!
L’AFP a vu des bus transportant des militaires ukrainiens se diriger vers Kramatorsk, la capitale du Donbass.
Le front du Sud
Sur le terrain, la Russie a aussi fait état de dizaines d’autres frappes de missiles dans le sud de l’Ukraine, autre ligne de front.
Moscou, qui occupe déjà la ville de Kherson, " concentre ses forces " pour avancer vers la région de Mykolaïv, plus à l’ouest, où les bombardements se sont intensifiés, a indiqué mardi Natalia Goumeniouk, porte-parole du commandement sud des forces armées ukrainiennes.
" Tout le monde s’attendait à une offensive comme le 24 février avec une grande force terrible ", a cependant souligné mardi le conseiller de la présidence ukrainienne, Oleksiy Arestovytch. " Or, elle se déroule prudemment. Ce sont des unités russes qui tentent d’avancer. Dans le Sud, ils tentent de nous encercler, cela a commencé avant-hier. "
Avec AFP