Les approches du football européen et sud-américain sont radicalement différentes. Face au focus sur le jeu et les joueurs offensifs pour les Latinos, les Européens ont une approche qui s’avère de plus en plus gagnante, fondée davantage sur le collectif et une égale importance accordée à la formation de joueurs offensifs et défensifs.

Européens et Sud-Américains se disputent la suprématie du football mondial depuis la création de ce sport. On peut noter que leurs approches footballistiques sont très différentes sur plusieurs points, dont l’importance du collectif et du jeu d’équipe. Les Européens mettent le collectif au-dessus de tout dans la performance sportive, alors que les Sud-Américains ont tendance à toujours donner plus d’importance aux performances individuelles et offensives pour gagner les matches.

Il y a en effet un contraste saisissant dans la comparaison des victoires européennes et sud-américaines en coupe du monde. D’un côté, les victoires sud-américaines du Brésil et de l’Argentine ont toujours été associées à un joueur offensif: Pelé, Romario et Ronaldo pour le Brésil; Kempes et Maradona pour l’Argentine. De l’autre côté, les dernières victoires européennes en coupe du monde sont marquées par le sceau du jeu collectif. Le leadership technique et populaire est partagé par plusieurs joueurs. Quand la France a remporté la coupe du monde en 1998, la star de l’équipe était Zinedine Zidane, mais tous les experts conviennent que d’autres joueurs à (vocation défensive), tels que Lilian Thuram et Marcel Desailly, ont joué un rôle tout aussi important pour la victoire finale. Bis repetita avec la deuxième victoire de la France en coupe du monde en 2018. Sont alors autant sortis du lot la paire Griezmann-Mbappé en attaque, que la paire Pogba-Kanté en milieu de terrain. Les deux compères au milieu ont d’ailleurs la particularité de ne jamais avoir perdu un match en équipe de France, quand ils étaient alignés tous les deux.

Idem pour les récentes équipes européennes qui ont remporté le titre suprême. En 2006, le crédit de la victoire italienne a été en grande partie partagé par Buffon, Canavarro et Pirlo. En 2010, le succès espagnol se basait sur un jeu de passes bien huilé, qui a mis en avant équitablement plusieurs joueurs du milieu, tels que Xavi et Iniesta, mais aussi des joueurs à vocation défensive tels que Casillas et Ramos. En 2014, la victoire allemande était également collective par excellence, avec Neuer, Kroos et Muller (soit un joueur pour chaque ligne), considérés comme les principaux artisans du succès mondial.

Le classement du Ballon d’Or, illustration des carences défensives sud-américaines

Pour illustrer la différence dans l’approche de ce jeu d’équipe entre les deux continents, la distinction individuelle du Ballon d’Or est on ne peut plus révélatrice. En effet, la seule année où une équipe sud-américaine a gagné la coupe du monde (depuis que ce prestigieux trophée n’est plus accordé exclusivement aux Européens en 1995), en 2002, le trophée avait été remporté par un joueur brésilien, en l’occurrence Ronaldo. En comparaison, au cours des trois dernières années de coupe du monde (2010, 2014 et 2018), le Ballon d’Or n’a pas été remporté par un joueur de l’équipe européenne qui avait gagné la coupe du monde cette année-là. Les impacts individuels de joueurs étaient systématiquement dilués par l’excellence de la performance collective, qui rendait impossible la concentration des votes sur un seul joueur de l’équipe gagnante.

De surcroît, les fédérations européennes forment leurs équipes de manière plus équilibrée, qui accorde autant d’importance à la formation de joueurs à vocation défensive qu’offensive. Le classement du Ballon d’Or de ces dix dernières années (2012-2021) confirme cette tendance. En effet les Sud-Américains ont rarement eu un joueur à vocation défensive dans le top 10 du classement. Au poste de gardien de but, seul le Brésilien Alisson Becker a réussi à s’immiscer une saison dans le top 10, tandis que huit gardiens européens ont réussi cette prouesse. Encore pire, il n’y a aucun défenseur ou milieu défensif sud-américain, qui apparaît dans les dix premiers au cours de la dernière décennie.

Aux postes offensifs, l’écart est moins important avec 39 joueurs européens dans le top 10 contre 25 joueurs sud-américains de 2012 à 2021. Sur 62 joueurs européens, qui ont réussi à finir dans le top 10 de cette récompense, 56% sont des joueurs à vocation offensive contre 44% à vocation défensive. Pour l’Amérique latine, la différence est abyssale, avec 96% de joueurs offensifs, contre seulement 4% de joueurs à vocation défensive.

Autre paramètre qui illustre la différence d’approche, est le fait que trois des joueurs qui suscitent le débat pour le titre de meilleur joueur de tous les temps soient sud-américains (Pelé, Maradona et Messi). Et pourtant, les Européens dominent légèrement le classement de victoires en coupes du monde devant les Latinos (12 victoires à 9). Les victoires européennes ont donc été acquises par des équipes plus complètes, dont l’approche tactique était davantage fondée sur le collectif et la solidité défensive que sur l’individuel.

L’écart de jeu collectif s’illustre également par le fait que plusieurs des meilleurs clubs européens, et donc mondiaux, comptent sur une gâchette offensive sud-américaine. Ainsi, des joueurs comme Messi, Suarez, Neymar, Martinez, Cavani sont considérés parmi les meilleurs dans les meilleurs championnats d’Europe, et mènent chaque saison leurs clubs à de nombreux trophées. Cependant, une fois que ces joueurs se retrouvent en sélection, ils n’arrivent plus à mener leurs sélections vers le titre mondial, en raison du fait qu’ils y évoluent avec de faibles défenseurs et gardiens. Ainsi, au cours de la dernière coupe du monde, le dernier carré était composé de quatre équipes européennes. Et cette tendance devrait se confirmer à la prochaine coupe du monde au Qatar en décembre prochain.