Avec 63 voix pour, 37 contre et 6 abstentions, le budget 2022 fixe les dépenses à 40.873 milliards de livres libanaises et les recettes à 29.986 milliards de LL, avec un dollar estimé à 15.000 LL.

Crédit photo : Ali Fawaz

Le Parlement libanais a voté lundi soir le projet de budget 2022, avec 63 voix pour, 37 contre et 6 abstentions, sur les 106 députés présents. Conformément à ce texte, le gouvernement a fixé ses dépenses à 40.873 milliards de livres libanaises et ses recettes à 29.986 milliards de LL, avec un dollar estimé à 15.000 LL, comme l’a précisé le Premier ministre sortant Najib Mikati. Le déficit, qui n’a pas été officiellement annoncé, est donc de 10.887 milliards de LL. Par ailleurs, les salaires des fonctionnaires, notamment les militaires, seront multipliés par trois en raison de la dégradation de la situation économique, sachant que cette augmentation exceptionnelle (qui ne sera pas prise en compte lors du calcul des indemnités de fin de service et des pensions) ne doit pas être inférieure à 5 millions de LL, ou supérieure à 12 millions de LL.

Crédit photo : Ali Fawaz

Tous ces chiffres, annoncés par le gouvernement durant la séance plénière du soir qui a duré environ 30 minutes, étaient absents lors de la séance matinale, qui avait été levée à 16 heures en raison de l’incapacité de M. Mikati et de son équipe, notamment son ministre sortant des Finances Youssef Khalil, de donner des précisions sur les dépenses et recettes prévues.

Le budget a notamment été approuvé par les groupes parlementaires du mouvement Amal, du Hezbollah, du Courant patriotique libre, du Tachnag, ainsi que par les proches du Courant du Futur. Pour leur part, les députés des Forces libanaises, du parti Kataëb et des ceux du changement, ainsi que Michel Moawad et d’autres parlementaires de l’opposition ont voté contre le texte. Parmi les députés du Rassemblement démocratique présents lors de la séance du soir, deux députés, Bilal Abdallah et Hadi Aboulhosn, ont voté pour, et deux autres, Marwan Hamadé et Faycal Sayegh, se sont abstenus.

A l’issue de la séance, plusieurs parlementaires ont justifié la position de leur groupe. Si Ali Hassan Khalil (Amal), a affirmé que "ce budget constitue une base pour élaborer le budget 2023 et revêt de l’importance pour les droits des fonctionnaires et des militaires à la retraite", Georges Adwan (FL) a jugé qu’il s’agit d’un "budget sur le papier basé sur des chiffres illusoires". Pour sa part, Alain Aoun (CPL) a dénoncé les positions "populistes" opposées au document, tandis que Michel Moawad (le Renouveau) a déclaré que le vote de ce budget "sans clôture des comptes et ne comportant aucune réforme, constitue un crime".

Crédit photo : Ali Fawaz

La séance matinale

La séance du matin avait été marquée par une confusion au niveau des chiffres, dénoncée par la plupart des groupes parlementaires. En la suspendant, le président du Parlement Nabih Berry avait demandé au gouvernement de revenir avec des chiffres clairs, notamment en ce qui concerne les revenus et les dépenses, surtout après l’annonce par le Najib Mikati et certains ministres que le déficit prévu pourrait être réduit, et passer de 16.000 milliards de livres libanaises à moins de 10.000 milliards.

Accrochages à l’extérieur

À l’extérieur du Parlement, des heurts se sont produits entre l’armée et nombre de manifestants, des militaires retraités pour la plupart, venus réclamer un réajustement de leurs pensions de retraite.

Les accrochages n’ont été évoqués qu’incidemment pendant la séance: la députée Paula Yaacoubian a fait valoir devant le président Berry qu’un "État parallèle est en train de brutaliser les manifestants à l’extérieur". "Ni État parallèle ni rien du tout, nous sommes en train de régler le problèm ", lui a répondu le chef du Législatif. Ce dernier s’entendra ensuite avec le député Jamil Sayyed, qui s’est rendu auprès des manifestants, sur un document en six points prévoyant notamment de revoir à la hausse les pensions des militaires à la retraite.

Un déficit flou

M. Mikati a précisé que le déficit pourrait être revu à la baisse via des recettes non signalées dans le projet de budget, comme les taxes prélevées par le ministère des Travaux publics ou encore les revenus du ministère des Télécoms. Ce à quoi des parlementaires ont répondu en dénonçant le pari sur des chiffres inexistants dans le projet examiné.

C’est à cause du flou entourant les chiffres du déficit que l’examen des articles 2 et 3, relatifs aux dépenses et aux revenus, a été suspendu dans l’attente de précisions de la part du ministère des Finances.

Voulant sans doute se montrer rassurant, le Premier ministre a annoncé que si le Liban signait un accord avec le Fonds monétaire international, ce dernier s’engagera à combler lui-même le déficit budgétaire. Le Parlement est souverain et " n’est pas soumis au FMI ", lui a vite répondu Nabih Berry, avant de demander de rayer la déclaration de M. Mikati du procès verbal de la réunion.

Souhaitant visiblement achever le vote du budget au plus vite, le président de la Chambre a également reproché au Premier ministre l’inclusion de pas moins de 120 "cavaliers budgétaires" (textes de loi glissés dans le document), à voter en une seule séance. " C’est la dernière fois que je l’accepte ", lui a lancé M. Berry.

Crédit photo : Ali Fawaz

 "Adopté"

Après une longue discussion sur les recettes et dépenses prévues, et dans l’attente des chiffres du ministre des Finances, le président Berry a choisi de soumettre les autres articles du budget au vote. C’est ainsi que les députés ont étudié les autres articles. Si certains ont requis une discussion et ont été légèrement modifiés, ou dans certains cas carrément retirés du pojet de loi, d’autres sont passés à une vitesse faramineuse. Le "souddik" (adopté) de Nabih Berry tombait avant même que le titre de l’article n’ait été lu.

Parmi les principales dispositions votées par le Parlement:

– le relèvement de la taxe sur les passeports. Celle-ci passe à un million de livres pour un passeport valide pour cinq ans et de deux millions pour un document de voyage valide pour dix ans.

– l’exemption des étudiants libanais des frais d’authentification des certificats universitaires auprès des consulats et des ambassades du Liban à l’étranger.

– la réduction de 85 pour cent des amendes sur les taxes municipales.

– le prolongement pour deux ans des effets de la loi autorisant une régularisation des infractions à la loi sur le bâtiment.

Il covient de noter qu’à l’ouverture de la séance matinale, les députés avaient observé une minute de silence en hommage aux victimes de l’embarcation clandestine de migrants ayant fait naufrage le 22 septembre au large de Tartous (Syrie), après son départ des côtes libanaises.