Les 22 pays membres de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) se réunissent pour décider de son futur. Certains d’entre exhortent à l’unité pour investir massivement dans les programmes spatiaux, aux retombées économiques potentiellement abondantes. 

La France, l’un des principaux pays contributeurs de l’ESA, a appelé l’Europe à surmonter la concurrence entre États et " faire bloc ", mardi à l’ouverture de la conférence: " Il doit y avoir une seule Europe, une seule politique spatiale européenne et une unité sans faille face aux ambitions chinoises et aux ambitions américaines ", a exhorté le ministre français de l’Économie et chargé de l’espace Bruno Le Maire, devant la presse.

 

Satellites ERS-2 (premier plan) et Envisat (second plan) déployés par l’ESA.

 

 

L’ESA demande à ses États membres une contribution record de 18,5 milliards d’euros pour financer les programmes spatiaux sur les trois prochaines années, en hausse de plus d’un quart par rapport à la période précédente.

Ces investissements, auxquels chaque État abonde à sa guise, concernent notamment l’observation de la Terre, qui permet de mesurer l’impact du réchauffement climatique (3 milliards d’euros demandés), le transport spatial, notamment pour le lanceur Ariane 6 (3,2 milliards), ou encore l’exploration humaine et robotique de l’espace (3 milliards d’euros).

L’enjeu pour le Vieux Continent: ne pas se faire trop distancer face aux États-Unis et à la Chine, qui investissent massivement dans l’exploration spatiale, mais aussi face aux pays émergents comme l’Inde.

 

Lanceur européen VEGA sur son pas de tir à Kourou, en Guyane française.
1.000 milliards

Il s’agit aussi pour les Européens de rattraper leur retard sur les investissements privés, sur un échiquier où la compétition s’est durcie avec la révolution dite du " New Space ", qui a vu les acteurs privés se multiplier, tels que l’américain SpaceX d’Elon Musk.

Entre 2017 et 2021, les investissements privés dans le secteur spatial ont augmenté de 86% dans le monde, à plus de 12 milliards d’euros, quand en Europe, ils n’ont progressé que de 14%, souligne l’ESA.

" Quelles que soient les sciences et les technologies que nous visons, elles ne peuvent s’épanouir que dans un contexte économique sain. Nous devons accélérer la commercialisation de l’espace ", a déclaré le directeur-général de l’agence, Josef Aschbacher, à l’ouverture de la conférence.

Il a insisté sur les retombées économiques massives que les pays de l’ESA pourraient tirer de leurs investissements. " Aujourd’hui, l’économie spatiale représente environ 340 milliards de dollars ou d’euros. Ce marché atteindra environ 1.000 milliards d’ici la fin de la prochaine décennie ", a-t-il plaidé.

 

Lancement du télescope spatial James Webb depuis Kourou, le 25 décembre 2021.
Tiraillements

Pour en tirer le meilleur parti, " nous devons faire plus attention à la rentabilité financière de nos projets. Le temps où l’on pouvait mettre autant d’argent public, et ça n’était pas grave [si] ce n’était pas rentable, est révolu ", a estimé Bruno Le Maire, appelant à " faire une place aux start-up " pour " nous forcer à aller vers des technologies de rupture " comme les lanceurs réutilisables.

Le sujet des lanceurs est crucial pour un accès autonome européen à l’espace, mis à mal par le retards d’Ariane 6 -considérée comme la riposte à Space X- et la guerre en Ukraine, qui a privé l’Europe des lanceurs russes Soyouz. L’ESA a par exemple été contrainte de recourir aux services de la société d’Elon Musk pour lancer deux missions scientifiques.

Le dossier est régulièrement une source de " tiraillements intra-européens " entre la France, l’Allemagne et l’Italie, reconnaît le président du CNES, l’agence spatiale française, Philippe Baptiste.

Mardi, ces trois principaux pays contributeurs de l’ESA se sont accordés pour garantir l’exploitation future des fusées Ariane 6 et sa petite sœur Vega-C, et permettre aux micro et mini-lanceurs d’être envoyés pour le compte de l’ESA.

Cette déclaration permet de reconnaître leur " interdépendance dans les programmes où ils ont des intérêts conjoints ", qu’il s’agisse d’Ariane 6, dont le chef de file est la France, Vega-C mené par l’Italie ou l’arrivée de micro et minilanceurs promue par l’Allemagne, a expliqué à l’AFP Daniel Neuenschwander, directeur du transport spatial à l’ESA.

Avec AFP