Dans la grande tradition des musiques exutoires, Hot Chip, groupe électro britannique, propose un album-remède à un monde secoué de spasmes sanitaires, géopolitiques ou environnementaux.

Le titre Freakout/Release (qu’on peut traduire grossièrement par Panique/Libération) colle à une époque coincée dans un grand huit d’émotions. À peine la crise du Covid-19 semblait-elle être moins aiguë que l’invasion russe en Ukraine survenait. Puis l’été ne fut que dérèglements climatiques en cascade. Le morceau le plus dansant du disque, le premier, s’appelle Down (Effondré). Les autres sont à l’avenant, comme Broken (Brisé) ou The Evil That Men Do (Le mal que les hommes font).

Et même une chanson baptisée d’un prénom féminin, Eleanor (célèbre dans la pop depuis le Eleanor Rugby des Beatles) recèle des paroles bien inquiétantes.
" Il s’agit du monde qui se fracasse sur vous, des vagues qui s’écrasent sur vous, de la douleur totale et de la façon dont vous devez la gérer ", expose Alexis Taylor, un des cerveaux du groupe dans des notes fournies à la presse par sa maison de disques.

" Nous vivions une période où il était très facile de sentir que les gens perdaient le contrôle de leur vie de différentes manières ", explique Joe Goddard, autre architecte de ce groupe aux 20 ans de carrière. " Il y a une noirceur qui traverse beaucoup de ses morceaux ", ajoute-t-il par le même canal. Mais, à l’image du I Will Survive de Gloria Gaynor, fleuron disco sur les débris d’une relation toxique, Freakout/Release est un appel général à rallier le dancefloor. Sauf que le côté " survie " n’émerge pas souvent dans les textes.

" C’est un disque ambivalent ", commente Antoine Dabrowski, directeur d’antenne de Tsugi Radio, webradio du magazine français éponyme.
" Il y a d’abord ce démarrage pétaradant, avec des références à Prince, la Motown, rappelant à bon escient que les musiques +dance+ ont une histoire, viennent des musiques noires, de Detroit ", développe-t-il.

C’est un devoir de mémoire musicale qu’on retrouve aussi dans les disques de Drake, Honestly, Nevermind, et Beyoncé, Renaissance, sortis cet été.

" C’est très funky, leur disque le plus organique, mais les Hot Chip ne vont pas bien. Alexis Taylor chante quand même : Quand je me dirige vers le fossé/Je dois faire gaffe à ne pas m’y endormir (dans Out Of My Depth). C’est très sombre ", souligne Antoine Dabrowski. Alexis Taylor précise d’ailleurs qu’Eleanor parle aussi " de la séparation, lorsque des familles sont divisées contre leur gré ".

Des mots qui font écho à l’Ukraine envahie. Même si, au moment de l’écriture du disque, il s’agissait sans doute d’un ressenti à l’arrêt brutal des tournées en raison de la crise sanitaire. " Beaucoup de musiciens ont eu peur, se sont dit : On ne sait rien faire d’autre. On n’a pas encore étudié en profondeur tous les albums de confinement ", synthétise le directeur d’antenne de Tsugi Radio.

Hot Chip, comme beaucoup d’autres artistes, n’a pas pu se tourner dans les moments difficiles vers un de ses appuis, Philippe Zdar, producteur-star français (Beastie Boys, Kanye West, Phoenix, etc.) disparu accidentellement en 2019 et qui s’impliquait bien au-delà des studios avec ses musiciens-complices.

" On a l’impression que des producteurs comme Soulwax (David et Stephen Dewaele, frères belges et sorciers du son) qui les aident sur le morceau-titre Freakout/Release sont là pour leur dire : Allez, ça va aller... ", conclut Antoine Dabrowski.

AFP

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