Alors que l’opinion publique ne mentionne le Liban que pour se lamenter sur son sort, Alice Mogabgab, la directrice du Beirut Art Film Festival (BAFF), dresse un portrait plus optimiste de ce pays en déroute: elle donne rendez-vous aux amateurs et professionnels de cinéma, du 8 au 18 novembre, pour savourer les pépites du 7e art dans le cadre de la huitième édition de son festival, désormais placé sous le signe de la résistance culturelle. Au menu, des films non commerciaux et des perles artistiques qui explorent les thèmes de la danse, l’architecture, la musique et l’histoire de l’art parmi tant d’autres.

L’amphithéâtre Samir J. Abillama a été réservé, le jeudi 9 novembre à 20h30, pour la projection du film The Eskapist. Ce spectacle de ballet composé par le chorégraphe suédois Alexander Ekman s’est mué, sous les feux des projecteurs, en un film signé Tommy Pascal. La projection de The Eskapist a été précédée d’une allocution du critique musical Alain E. Andrea. Celui-ci a présenté et commenté le film qui entraîne, selon lui, le spectateur dans "une fugue virtuelle à la rencontre d’une pléthore d’univers allégoriques, oniriques, et qui semblerait, à première vue, frôler le dérisoire". Il a ensuite abordé le thème de la "provocation" dans l’art, et plus particulièrement dans l’art contemporain, en se demandant si l’on "est confronté à une œuvre à part entière" ou à une "illustration d’une exégèse qui n’a d’autre sens que l’idée suggérée directement, pour reprendre les mots du poète Alain Tasso".

Le spectacle s’ouvre sur une scène conviviale. Un groupe de personnes trinquant avec les verres "vides" de l’amitié. Un monde onirique qui emporte le spectateur à travers le ballet suédois. Les silhouettes, tantôt structurées tantôt excentriques, la musique, tantôt électronique tantôt acoustique, les pas de danse, tantôt contemporains tantôt classiques, illustrent deux univers opposés.

Le spectacle, digne d’un rêve éveillé, se termine lorsque le rideau tombe sur le personnage éponyme, The Eskapist (le rêveur). Assis devant le même buffet apparu précédemment, le protagoniste reste seul. Il caresse le délabrement et "embrasse le vide des personnages inexistants". Puis il s’approche doucement et souffle la bougie qui éclaire la scène. Le spectateur, plongé dans le noir, s’interroge sur ce qu’il vient de visionner. Une fois la salle éclairée, il comprend que ce spectacle est peut-être de l’ordre du rêve.