Ana Min a été enregistré en quelques jours, au mois de juin dernier, aux Redbooth Studios à Sahel Alma, avec les musiciens qui avaient déjà travaillé sur son dernier EP, The Freedom to Be: Florian Bolliger à la basse et Félix Fivaz à la batterie. À ces deux instrumentistes suisses, il faut ajouter les Libanais Scarlett Saad à la guitare et au clavier, Rami Akiel au qanun et Patrik Abi Abdalla aux percussions. Tous réunis autour de "l’amour de la musique bien sûr, mais aussi autour de l’amour des uns pour les autres et du cadeau incroyable que nous avons conscience d’avoir entre nos mains: celui de créer de la musique de et pour le présent", explique Frida. Et de définir cette collaboration comme un "terrain de jeu fertile pour l’harmonie, la créativité et suffisamment de folie pour se sentir comme chez soi".

Pour créer, Frida se place "dans un état de réceptivité développé", un état dans lequel elle se dit être "totalement immergée dans le moment et tout à fait présente dans (son) corps". À partir de cet état, elle peut suivre "les indices – ou les désirs véritables de (son) cœur – pour donner naissance à une nouvelle chanson". Frida commence alors par le rythme et la mélodie, "comme s’ils étaient la première manifestation de ce que je veux vraiment exprimer", précise-t-elle. "J’apprends à connaître intimement ce que ces sons portent en eux et ce qu’ils cherchent à me dire, jusqu’à ce que je commence à voir des images ou des histoires. C’est généralement le signal que les paroles sont sur le point d’arriver, et elles ne manquent jamais de le faire."

En août dernier, Frida publiait une vidéo documentaire qui revenait sur le processus créatif de son EP The Freedom to Be, et dans lequel elle introduisait la notion d’"inaccessibilité facile" (Al-sahl al-moumtane‘, selon la formule libanaise) – comprendre l’effort de simplification qui nous permettrait de revenir à l’essence des choses. "C’est une approche de l’art et de la vie qui pourrait être résumée par la citation attribuée à Einstein: ‘Si vous ne pouvez expliquer un concept à un enfant de six ans, c’est que vous ne le comprenez pas complètement’". Selon Frida, "dans l’art, cette notion résonne à un niveau assez primaire, c’est-à-dire que c’est comme la reconnaissance de quelque chose que nous avons toujours su mais que nous ne voyons clairement pour la première fois que lorsque nous sommes confrontés à une œuvre". Elle ajoute que, pour elle, "c’est un territoire naturel, puisque je n’ai jamais appris la musique et que je suis donc plus encline à puiser dans les rythmes et les mélodies qui viennent naturellement de l’intérieur". "Aujourd’hui, je suis plus que reconnaissante de créer et de jouer avec des musiciens qui, après des années d’études et de pratiques profondes, se retrouvent dans le pouvoir d’un simple air que rien ne peut arrêter", ajoute-t-elle.

Actuellement en France, au Château de Goutelas, dans la Loire, Frida est en résidence artistique pour écrire et composer une comédie musicale. Pour se faire, elle y organise des workshops avec des musiciens, des enfants mais aussi les populations environnantes. Elle a aussi formé un collectif d’une vingtaine d’artistes (musiciens, poètes, écrivains, artistes plastiques, costumiers, etc.) qui se retrouvent en ligne pour partager des inspirations. Ainsi, ils ont déjà créé six chansons, quelques poèmes, ainsi que le design et la garde-robe de deux des personnages principaux. "Tout ça grâce au programme Nafas", lancé en mars 2021 par l’Institut français de France, l’Association des centres culturels de rencontre et l’Institut français du Liban, "qui a permis à des artistes libanais comme moi de bénéficier d’un espace et de temps pour n’avoir rien d’autre que la création à l’esprit".

Devons-nous absolument pouvoir nous définir? L’herbe est-elle plus verte ailleurs? Nos possibilités sont-elles infinies? Dans son dernier album, Frida se questionne, en français, en arabe et en anglais, multiplie les styles, du concerto soul au slam en passant par la ballade, et embarque son public dans une croisière rythmée par l’amour, la liberté et la grâce, hors du temps.

Emma Moschkowitz

Pour écouter l’album Ana Min, cliquez ici.

Cet article a été originalement publié sur le site de l’Agenda culturel. 

 

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