La réalisatrice marocaine Laïla Marrakchi est l’un des huit membres du jury présidé par Paolo Sorrentino de la compétition officielle de la 19e édition du Festival international du film de Marrakech (FIFM). Son premier long métrage, Marock (2005), a été sélectionné au Festival de Cannes dans la section "Un certain regard". Son deuxième film, Rock the Casbah (2013), réunit un casting remarquable dont Hiam Abbas, Nadine Labaki, Lubna Azabal, Morjana Alaoui et Omar Sharif. Elle travaille actuellement sur son prochain long métrage, La Más Dulce. Lors d’une table ronde à Marrakech et dans le cadre du festival, elle partage son expérience de réalisatrice avec Ici Beyrouth.

Revenant sur son expérience de premier film, elle affirme: "C’est un film très personnel qui part de tous mes souvenirs de jeunesse au Maroc. Ce n’est pas mon histoire en vrai, mais c’est un film qui rend hommage à toute notre adolescence. J’ai travaillé en demandant à mes amis de me raconter toutes leurs anecdotes. J’ai donc fait un travail de recherche avant de commencer à écrire le script. C’est un film basé là-dessus, qui se passe dans le quartier où j’ai grandi. L’actrice principale est ma cousine et j’ai tourné dans la maison de ma tante. Je suis heureuse que ce film puisse exister aujourd’hui, treize ans après, parce qu’il est témoin d’une époque."

À la question de savoir ce qu’elle privilégie dans ses films – l’émotion ou la technique –, et si l’émotion était au cœur de l’écriture ou si elle se construisait progressivement lors du tournage, elle répond: "L’émotion est au centre, évidemment, mais je peux parfois me laisser dépasser par la technique. C’est toujours le danger au fait. Mais je pense à chaque fois que les acteurs doivent être au centre du film. Ce sont eux qui portent le film. Au final, c’est la manière dont un acteur se déplace dans un plan, dans un espace qui est le plus important et qui donne l’émotion la plus valable après. Comment on filme la scène est très important aussi, mais pour moi l’acteur doit être au centre. Plus j’avance, plus j’ai la certitude que c’est bien cela. Cependant, il existe des scènes qui sont moins cinématographiques, qui reposent moins sur la prestation d’un acteur et plus sur l’atmosphère, la mise en scène et le filmage." Dans ce sens, la réalisatrice souligne l’importance du choix et de la sélection des acteurs qui porteraient le mieux ces émotions-là: "Le casting est essentiel dans un film, puisque les personnages prennent corps avec les acteurs. Parfois on crée un personnage, et puis l’acteur ramène autre chose ou l’enrichit. Durant le casting, on voit plusieurs personnes jusqu’à ce qu’on trouve la personne idéale. Il n’existe pas de personne idéale en fait; c’est comme en amour. Mais parfois, il y a des gens qui nous interpellent et l’on se dit: ‘Tiens, je n’ai pas imaginé une telle personne dans ce rôle!’ En fait, c’est tout un parcours."

Quant à la direction d’acteurs, elle affirme: "Je fais beaucoup de répétitions pour trouver les scènes, et puis je suis proche des acteurs, je les aime. J’aime les acommpagner, être avec eux. J’essaie d’être le plus présente possible et trouver la bonne manière de leur parler. Un acteur se met à nu devant la caméra et ce n’est pas simple. Parfois, je ne me rendais pas compte de la difficulté d’être à nu et à quel point il fallait les soutenir et les regarder. Un seul mot peut les déstabiliser totalement; ils sont extrêmement sensibles et à fleur de peau. Il s’agit donc de trouver les mots justes pour ne pas les déstabiliser, ou parfois les déstabiliser parce que cela pourrait leur servir aussi. Il s’agit en fait d’être conscient de l’autre. Il m’est arrivé parfois d’être maladroite, mais maintenant je fais très attention."

Marie-Christine Tayah
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