Après trois ans d’absence, l’orchestre LeBAM revient sur la scène musicale libanaise. Cette association qui, pendant plus de dix ans, a formé des générations de musiciens libanais, avait dû arrêter ses activités en 2019. Mais elle redémarre aujourd’hui avec l’organisation de deux concerts. Marina Wakim Moukheiber, membre du Conseil de l’orchestre LeBAM et responsable de la communication, raconte à l’Agenda culturel.

Que fait LeBAM exactement?

L’Association libanaise pour la promotion de la musique orchestrale (LeBAM étant son acronyme anglais), est une association qui met gratuitement à disposition des jeunes de diverses régions du Liban, un enseignement musical de qualité et des instruments de musique, à vent et de percussion, et les organise dans des orchestres d’Harmonie pour se produire en concerts gratuits.

Quand et par qui LeBAM a été fondé?

En 2008 par Ghassan Moukheiber, en partenariat avec feu le Dr Walid Gholmié (à l’époque directeur du Conservatoire libanais national supérieur de musique) et feu M. Ghassan Tueni. L’idée était de faire entrer la musique dans des foyers où elle n’avait pas cours, d’attirer des jeunes dont les parents n’auraient jamais pensé à les inscrire (et d’ailleurs n’en auraient pas les moyens) à des cours de musique. Mais le plus important, c’est de leur inculquer des valeurs humaines, dont la citoyenneté, la collaboration et le respect de la différence, à travers la musique d’orchestre. Pour l’orchestre LeBAM, l’argent ne devrait pas constituer un obstacle à la culture musicale des jeunes de toutes les régions et de tout niveau socio-économique, la vision étant de rendre l’enseignement de la musique obligatoire dans toutes les écoles.

Comment a évolué l’orchestre LeBAM au cours des années?

En 2008 au moment de sa fondation, l’association comptait 40 élèves et 20 instruments. Onze ans plus tard, en 2019, elle comptait près de 400 élèves disposant chacun d’un instrument, organisés en quatre centres à travers le Liban. En 2011, l’orchestre des jeunes libanais de LeBAM a joué en concert à Genève au Victoria Hall avec d’autres orchestres similaires de jeunes. Ce fut une expérience exceptionnelle.

En 2016, en plus de l’orchestre LeBAM et trois orchestres régionaux, trois nouveaux ensembles avaient aussi vu le jour: la "LeBAM Jazz band", la "LeBAM Sunshine band" (incluant des personnes trisomiques) et le "LeBAM Joyful Team" qui regroupait une dizaine de jeunes musiciens les plus avancés qui jouaient dans des hôpitaux et des maisons de repos pour mettre de la joie dans leurs cœurs.

Malheureusement, la pandémie, la crise économique et le départ de plusieurs professeurs et musiciens nous ont forcés à arrêter toutes nos activités pendant trois ans. Aujourd’hui, nous redémarrons avec l’orchestre LeBAM.

Vous offrez aux élèves la possibilité de se produire au sein d’orchestres?

Oui, bien sûr; c’est bien l’objectif de LeBAM. Le but est de familiariser nos jeunes avec les instruments à vent, qui sont rares au Liban (tout le monde veut faire du piano ou de la guitare). Peu de jeunes demanderont spontanément à faire du tuba ou du cor d’harmonie par exemple! Puis de les intégrer dans un orchestre pour jouer des musiques de tout genre, mais toujours de qualité.

L’orchestre est une école de vie?

Et comment! Dans l’orchestre, il n’y a plus de différences entre les gens. Que l’on soit riche ou pauvre, chrétien, musulman ou druze, cela n’a aucune espèse d’importance. L’orchestre est une école de diversité. Chacun est là pour jouer un rôle précis en lien avec les autres. Chacun écoute l’autre et le respecte. Et bien sûr c’est une école de discipline et de citoyenneté.

Comment se sont passées ces trois dernières années pour LeBAM?

Hélas très mal! Nous avons dû arrêter nos activités en 2019, à cause de la pandémie d’une part et de la crise économique d’autre part. Nous n’avions plus les moyens de poursuivre l’enseignement et les concerts. L’enseignement à distance s’est avéré être une catastrophe, donc nous ne l’avons pas poursuivi. Nous avons juste fait un concert de Noël confiné sans public, filmé par Télé Lumière et diffusé sur nos réseaux sociaux, et un projet avec le PNUD en décembre 2020 pour la Journée mondiale des droits de l’homme, mais ce fut tout.

Quelle a été la motivation pour reprendre vos activités?

La demande des élèves et leurs parents, qui recherchaient un exutoire à leur frustration, et le succès du concert organisé pour le jeune trompettiste Louis-Justin Khalifé, ancien élève de LeBAM, et qui se spécialise actuellement en Suisse. Nous avons été très agréablement surpris par l’affluence à ce concert et avons constaté que les élèves qui restaient au Liban (beaucoup se sont expatriés ces trois dernières années) avaient vraiment soif de musique et de se retrouver. Malgré le manque de moyens, nous avons quand même décidé de reprendre au moins l’orchestre sur le territoire national, en attendant de pouvoir recueillir les fonds nécessaires à la reprise de l’enseignement musical pour les plus jeunes.

Les effectifs sont-ils suffisants?

Pour l’orchestre LeBAM, c’est un bon début. Notre orchestre a repris avec 18 musiciens des plus avancés restés au pays. En trois semaines de répétitions, le nombre est passé à 32 après avoir rassemblé beaucoup d’anciens de LeBAM ainsi que des nouveaux qui sont toujours les bienvenus, à condition d’être au niveau de qualité musicale. Les effectifs de l’orchestre maintenant couvrent l’essentiel de l’instrumentation nécessaire à l’exécution de la plupart des œuvres, à savoir: 9 clarinettistes, 6 flûtistes, 4 saxophonistes, 4 trompettistes, 2 trombonistes, un tubiste et une section de 6 percussionnistes. Il nous manque surtout des joueurs de cor d’harmonie alors qu’en 2019 nous en avions 4; mais nous espérons pouvoir organiser des formations autour de cet instrument très important pour l’orchestre pour redémarrer cette section. Nous recrutons toujours!

À savoir
– Mercredi 28 décembre à 20h: Concert à l’église Mar Sassine à Beit Mery
– Samedi 7 janvier à 20h: Concert à l’église Saint-Joseph des jésuites à Beyrouth.

Zeina Saleh Kayali

Cet article a été originalement publié sur le site de l’Agenda culturel.