Shocking! d’Elsa Schiaparelli est une fabuleuse exposition, qui s’est tenue au Musée des Arts décoratifs (MAD) à Paris et qui s’est clôturée ce 22 janvier 2023.

Nous devrions plutôt dire les grilles du château (enchanté) se sont refermées tant l’événement nous transporte dans une autre temporalité. Traverser un pont, ou plus justement un miroir, du genre psyché, qui nous bascule dans ces mondes parallèles (leur pluriel étant très singulier) où le surréalisme est la tenue exigée…

Elsa Schiaparelli… un nom qui semblait désuet, échappé d’une Rome viscontienne, où la Commedia se mêlait à l’Arte, ou des bals d’une Venise secrète où seuls les masques étaient conservés in fine dans les alcôves des palais, ou encore d’une scène du film Le Guépard décrivant une aristocratie sicilienne en fin de règne…

Et pourtant, c’est une orgie de talent et de créativité en effervescence, d’une confondante intemporalité, qui s’offre aux yeux du spectateur voyeur.
Le désir est palpable. L’éblouissement insatisfait tant la beauté décuple la faim du regard, du toucher, de l’odorat, de l’ouïe même: frétillements des soies, lumière mordorée d’un soleil léonin, broderies exquises de François Lesage…

Ah oui! Ne vous l’ai-je dit? C’est de la Haute Couture, Baby!

De la très, très haute couture, tellement surélevée qu’elle en devient surréaliste. Surréelle. Très sûre d’elle. Elle s’impose. Impériale.

Il faut l’avouer, elle était sacrément inspirée, la Elsa! Une créativité nourrie par un entourage d’artistes de l’avant-garde parisienne des années 1920 et 1930. Une approche audacieuse et novatrice, ayant parfaitement compris avant les autres que la mode, c’est du domaine du rêve, du spectacle, de l’Art.

L’exposition rassemble des centaines d’œuvres, dont des habits, des costumes, des bijoux, des flacons de parfum, des sculptures, des peintures… où s’entremêlent les créations d’Elsa Schiaparelli à ceux de ses amis artistes et collaborateurs, dont Man Ray, Salvador Dali, Cocteau, Meret Oppenheim et même l’autre Elsa (Triolet) et tant d’autres…

Une rétrospective avec des hommages en silhouettes des autres grands couturiers qui se sont toujours définis comme ses héritiers: Yves Saint-Laurent, Azzedine Alaïa, Galliano, Lacroix… une transmission forte grâce à un héritage d’exception. Un échange entre personnalités de talent, des inspirations partagées dans un modus vivendi tacite entre grands créateurs en déclinant une manière d’être en art de vivre.

Une scénographie inscrite dans son évolution historique, bien sûr. Mais une telle richesse, foisonnante d’éléments exposés et mis en scène comme une constellation spatiale, crée un espace-temps où le cœur battant de l’instant créatif est présent à chaque mouvement du regard. L’historique n’a plus lieu d’être. Ce sont des œuvres d’une incroyable modernité.

Après quelques décennies d’une évasion enchanteresse, la belle endormie s’est réveillée sous l’impulsion de Diego Della Valle en 2006. Daniel Roseberry en est actuellement le nouveau directeur artistique. Tout en partageant son goût de la métamorphose et du détournement des codes emblématiques (le cadenas, la serrure, le rose shocking, les bijoux surréalistes…), il n’en demeure pas moins dans la même lignée que son illustre égérie. Ainsi crée-t-il et joue-t-il avec élégance et audace, s’ouvrant à des mondes connectés et déconnectés, sans aucune limite à ce souffle de poésie au-delà des miroirs et du regard.