Né à Beyrouth le 2 janvier 1947, l’homme de théâtre et de télévision, publiciste, écrivain et producteur s’est éteint le 14 février 2023, à 76 ans. Diplômé de l’AUB en littérature comparée et en pédagogie de l’enseignement, il laisse derrière lui une série d’œuvres pour le théâtre, la télévision et le grand écran. Armé d’un crayon et d’un calepin, il a passionnément tracé sa route vers la scène et la caméra. Détermination, culture, passion et humour engagé sont les caractéristiques propres à l’homme patriotique et à l’artiste libanais qu’il était.

Son éducation

Marwan Najjar a vécu dans une maison dont les murs étaient tapissés de livres. L’ultime engagement de ses parents fut d’assurer à leurs quatre enfants des études de haut niveau. Ainsi, Marwan Najjar a étudié à l’IC, puis à l’AUB, avant d’enseigner à l’Université de Balamand et à l’Université libanaise. Sa maîtrise de la langue arabe lui a permis de gagner haut la main la compétition de dictée arabe organisée en 2016 par Bassam Barrak, avec l’Université Antonine, à laquelle avaient participé 120 personnes dont des professeurs de langue arabe, des politiciens, des journalistes et des écrivains.

 

Ses œuvres

En 1970, il entame une carrière de journaliste comme critique littéraire pour plusieurs médias dont Al-Diyar et Al-Ousbouh al-Arabi. Il fut également responsable des archives de Dar Al-Sayyad. En 1978, il fait ses débuts de scénariste pour la télévision aux côtés du réalisateur Antoine Rémi et de sa femme, Hind Abillamaa, avec la série Diala.

Son bagage culturel et éducatif l’a positionné en tant qu’ambassadeur du show télévisé Al Moutafawikoun qui rassemblait les familles autour du petit écran.

Ses œuvres s’inspiraient souvent des pièces d’auteurs renommés tels que Georges Feydeau, Labiche et Brandon Thomas et étaient adaptées pour le public libanais. Citant philosophes et poètes, tels Socrate, Goethe, Adonis, saint Augustin, il affirmait qu’un écrivain s’inspire toujours d’autres écrits en leur rajoutant sa vision des choses, son vécu, ses mots propres. Ainsi Shakespeare lui-même s’était inspiré d’autres écrivains, et Sophocle de légendes anciennes.

Sa rencontre avec le compositeur, acteur, artiste, théoricien et musicien Fouad Aouad, également auteur d’une méthode d’enseignement, lui permet de développer le personnage de Fares Ebn Emm Fares. Ce succès est pour lui une révélation et donne le ton à ses projets ultérieurs. Fouad Aouad composera – entre autres – la musique de Hasad el Mawasem, Men Ahla Biyout Ras Beyrouth, Heyk Rabbouna.

Toute une génération gardera en mémoire ses feuilletons télévisés – près de trois cents! – qui reflétaient avec fraîcheur la société libanaise telles que Talbin El Orb, Men Ahla Biyout Rass Beyrouth, Sakat Al Waraq, Ghaltet Maallem, Bent El Hayy, Leeib El Far, El Estez Mandour, Emm El Sabeh, Myriana… ainsi que ses films Mechwar et Ahebbini.

Il a également fondé La Compagnie théâtrale de Marwan Najjar et produit une vingtaine de pièces. Pour lui, ce qui importait était le travail de groupe; il n’a jamais adhéré au système de stars.

 

Révolte et humanisme

Marwan Najjar a toujours été un artiste engagé. L’injustice le révolte et il a souvent affirmé qu’il s’est attiré ses ennemis par ses prises de position. Durant ses années d’études, il a découvert qu’il avait le cœur à gauche, c’est-à-dire du côté des plus démunis… Pour lui, les actions sont des actes de foi… C’est pour ces causes auxquelles il croyait qu’il a fondé avec ses camarades de classe un mouvement militant pour les droits des plus dépourvus.

Lui qui ne souciait pas de ce qui pourrait advenir après la mort, lui qui ne se tracassait ni d’enfer ni de paradis, avait pour seul souci d’avoir la conscience tranquille. Il citait la sagesse de Socrate: "connais-toi toi-même" et refusait de parler métaphysique. Pour lui, toute réponse se trouve en soi.

Ce qui restera de lui? Tout un héritage culturel, les astuces du copywriting de la langue arabe, la période d’or de la télévision et de la scène libanaises, notamment avec Arissein medreh men wein, et la mémoire d’un pays meurtri, mais battant. Le théâtre Picadilly aurait brûlé en 2000 alors qu’il était en pleine représentation.

Toute une génération passée, ainsi que les générations futures pourront lui répéter la dernière réplique de son film Ahebbini (ou Aime-moi) avec Viviane Antonios et Badii Abou Chakra: "Merci… Aa kel chi."

Merci pour tout.

Marie-Christine Tayah

Instagram : @mariechristine.tayah