En attendant Godot, ce texte de Samuel Beckett écrit entre 1948 et 1949, est chaudement recommandé par Armelle Héliot du Quotidien du médecin, tout autant pour son intérêt littéraire que pour la formidable mise en scène d’Alain Françon à la Scala Paris, jusqu’au 8 avril 2023.

La pièce est portée par des acteurs très engagés, très fins, très expressifs. Il n’est certes pas facile de suivre ce texte – chef-d’œuvre du théâtre de l’absurde – aux accents surréalistes. Le fil des dialogues se rompt parfois, notre pensée s’égare, puis on raccroche et se gagne le plaisir de cette ingénieuse interprétation.

Beckett nous présente un monde désolé, à travers deux êtres, Estragon et Vladimir, que plus rien n’attache au monde sinon l’attente de Godot. La déchéance, la perte, le vide, la chute – illustration de l’objet petit a de Jacques Lacan – génèrent pour le premier l’idée de se pendre. Mais à quoi bon, répond Vladimir, l’arbre ne supportera pas le poids d’un corps au bout d’une corde.

L’espoir ténu et tenace d’un peu d’humanité que semble représenter l’arrivée de Godot leur permet à la fois de tenir bon mais aussi de ne rien changer, de ne pas prendre la fuite – et pour aller ou de toute façon? Un ailleurs qui ne sera sans doute que répétition du malheur? 

Deux individus entrent en scène, en écho au couple des deux vagabonds. Pozzo incarne la méchanceté, Lucky est son esclave. Le duo qu’ils forment est une véritable allégorie de l’esclavage, pourtant ces rapports de domination du maître et de l’esclave semblent acquis et étonnent à peine les deux premiers compères. Chacun tient son rôle dans la vie. Ce à quoi nous assistons, nous spectateurs, est parfois insoutenable de cruauté.

Samuel  Beckett choisit des personnages uniquement masculins. Ce sort funeste serait-il seulement réservé aux hommes?

Ce texte nous renvoie par ailleurs à la clinique psychiatrique, psychanalytique. On rencontre des patient-e-s, déprimé-e-s, totalement prisonnier-èr-s de situations délétères dont ils/elles ne peuvent pas se libérer. Les idées suicidaires abondent. Partir ailleurs, c’est s’engager dans l’inconnu, prendre un risque. Leur immobilisme confine à l’attente.

Cette problématique de la répétition, sous-tendue par la pulsion de mort et la pulsion sadique, est omniprésente et s’invite à chaque moment dans le texte. Quoique sombre, la pièce nous fait rire par instants, et l’on sort bouleversés de cette belle salle: La Scala.

Françoise Duplex

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