En 2021, comme chaque année, certains films ont suscité des réactions passionnelles aussi bien au niveau de la critique que du grand public. Ici Beyrouth revient sur quelques-unes de ces oeuvres cinématographiques qui ont réussi à cliver l’audience entre chauds partisans et farouches opposants:

Benedetta de Paul Verhoeven avec Virginie Efira, Charlotte Rampling, Daphne Patakia, Lambert Wilson

Paul Verhoeven promet “du sexe, de la violence et l’hypocrisie religieuse” sur l’affiche de son dernier film, qui n’est pas sans évoquer l’atmosphère de son premier film à Hollywood, Flesh + Blood (1985) avec le très regretté Rutger Hauer et Jennifer Jason Leigh. Le film, dont l’action se déroule au Moyen-Age durant une épidémie de peste bubonique, tranchait déjà à l’époque par sa crudité, sa violence et son érotisme sauvage et primitif. Il faut dire que le réalisateur hollandais n’a jamais lésiné durant sa carrière ni sur la chair, ni sur le sang, de Turks fruit (1973) à Starship Troopers (1997), en passant par RoboCop (1987), Basic Instinct (1992), Showgirls (1995), Zwartboek (2006) ou Elle(2016). Le film s’inspire de faits qui se seraient produits au XVIIe siècle dans le couvent des Théatins à Pescia et suit l’ascension d’une nonne manipulatrice et dépravée, Benedetta, qui prétend s’exprimer au nom du Christ et qui sème l’émoi dans le diocèse. Certes. Mais il est difficile de saisir vraiment ce que Paul Verhoeven a voulu transmettre comme message, ou même s’il a voulu en transmettre un. Toujours est-il que Benedetta n’a rien à voir avec The Devils (1971) de Ken Russell, sur la machination des “diables de Loudun” fomentée par le cardinal de Richelieu contre l’évêque Urbain Grandier, et encore moins avec Vredens dag (1941) de Carl Theodor Dreyer ou Kladivo na carodejnice (1970) d’Otakar Vávra, deux chefs d’oeuvre sur l’Inquisition. D’autant que le résultat final semble beaucoup plus proche du cinéma d’exploitation que d’autre chose.

Annette de Léos Carax avec Adam Driver, Marion Cotillard, Simon Helberg

Que Léos Carax soit l’un des plus grands réalisateurs français, cela va sans dire. Sans revenir à Mauvais sang (1984) Boy Meets Girl (1986) ou Les amants du Pont-Neuf (1991), il suffit de visionner Holy Motors (2012), dans toute sa démesure, pour réaliser que l’homme se trouve sur une toute autre fréquence artistique que beaucoup de ses contemporains. Cependant, Annette, en dépit de son casting exceptionnel – Adam Driver est sans doute l’acteur le plus prisé en ce moment par les grands maîtres du cinéma, une sorte de nouveau Marlon Brando, et Marion Cotillard est toujours juste dans ses performances -, le génie de certaines de ses idées et la maestria de certains de ses plans, entretient une certaine confusion. Léos Carax semble flirter à plusieurs reprises avec le mauvais goût, et c’est presque comme s’il revenait par moments au spectateur de choisir s’il doit accepter de se convaincre par la proposition ou la rejeter catégoriquement. À la décharge de M. Carax, le produit final, en dépit de son aspect déroutant, reste fascinant tant il sort du commun. Et cela est tout à son honneur.

Titane de Julia Ducournau avec Vincent Lindon, Agathe Rousselle, Garance Marillier

Jamais sans doute Palme d’Or n’aura autant suscité de points de vue radicaux et divergents. Le grand talent de Julia Ducournau n’est certainement plus à prouver depuis le formidable coup de poing constitué par Grave, son premier long métrage en 2016, qui avait déjà remporté un Prix à Cannes. Distingué cette fois par la plus haute récompense sur La Croisette en 2021, Titane est tout simplement une sorte d’Oumuamua du cinéma, mais qui n’est certainement pas pour tous les goûts. Il paraît inutile d’essayer de trop analyser l’action du film et d’en décrypter la symbolique. Il faut juste en suivre l’action – dont le climat rappelle par moments certains classiques du cinéma japonais comme Tetsuo (1989) de Shin’ya Tsukamoto, notamment sur la symbiose entre être humain et robot – et se laisser prendre par le jeu époustouflant de Vincent Lindon et d’Agathe Roussel, deux âmes complètement à la dérive et qui ont désespérément besoin de s’accrocher l’une à l’autre. Mais attention aux âmes sensibles: il est de notoriété publique depuis Grave que Julia Ducournau est très graphique dans sa représentation d’une violence brute et brutale, mais néanmoins stylisée. Si cela, combiné à une imagerie cryptique et difficile à élucider, a sans doute fait fuir certains spectateurs, cela ne signifie pas pour autant que l’originalité de la proposition comme la puissance esthétique et rythmique du résultat ne méritent pas d’être salués.

West Side Story de Steven Spielberg avec Ansel Elgort, Rachel Zegler, Ariana DeBose`

Tout est impeccable dans le remake par Steven Spielberg du chef d’oeuvre du même nom, réalisé par Robert Wise en 1961. La chorégraphie, les décors, la réalisation, la cinématographie, les jeunes talents. M. Spielberg avait pris un risque énorme en se lançant dans le pari fou de refaire l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma, récompensé en son temps par dix Oscars. Le pari a été largement relevé. Mais cela fait quand même drôle, pour ceux qui ont grandi avec la version de Natalie Wood, Richard Beymer, George Chakiris et Rita Moreno, d’intégrer l’idée d’un remake. L’objectif noble est peut-être de rendre hommage à l’oeuvre et de la rendre séduisante, via un lifting, pour les jeunes générations qui ne connaissent pas le film de Robert Wise. Cependant, il est difficile de ne pas ressentir une certaine frustration face au résultat aseptisé de M. Spielberg qui, du haut de sa perfection, est incapable d’effacer un instant des esprits les images de la version de 1961.

The Matrix Resurrections de Lana Wachowsk avec Keanu Reeves, Carrie-Ann Moss, Yahya Abdul-Mateen II, Jada Pinkett-Smith

Sans doute le film le plus controversé de l’année, compte tenu du statut d’oeuvre-culte acquise au fil des ans par la trilogie Matrix. Les critiques sont compréhensibles, d’autant que le dernier film de la série remonte déjà à 2003 et que 18 ans d’attente, c’est sacrément long! Mais ces critiques perdent de vue l’essentiel: la joie de retrouver des personnages qui sont désormais fortement ancrés dans nos souvenirs, notre inconscient collectif cinématographique. Il convient de le dire, le seul Matrix qui était vraiment décapant et révolutionnaire était le premier épisode de 1999. Il faudra cependant concéder à Lana Wachowski qu’elle a sans doute pris la bonne décision de ressusciter Neo et Trinity une dernière fois pour nous permettre de tromper un peu, grâce à cette matrice-là, nos désillusions grandissantes à travers un petit bain de jouvence qui est plus que jamais le bienvenu!

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