"Beyrouth ne meurt pas", "Beirut ma betmout" sont les mots tracés sur un célèbre graffiti de la capitale. Cette affirmation ne se trouve pas sur les pierres cimentées d’un mur par hasard. Elle naît de la volonté d’un peuple et de ses nombreux amis de porter à bout de bras la ville et son aura. L’indestructible énergie de Beyrouth se renouvelle à travers un élan positif et constructeur. Un an et demi après la catastrophe du 4 août 2020, la plaie est béante, mais les initiatives encourageantes se poursuivent.

Parmi ceux qui aiment Beyrouth et pensent à la ville, les artistes ne sont pas des moindres. Créativité rime avec générosité. C’est ainsi que naît "Music for Lebanon", grâce à l’initiative d’un musicien de renom, le chef d’orchestre franco-américain Jean-Pierre Schmitt, pour aider ses pairs musiciens libanais, cruellement touchés par les conséquences de l’été meurtrier et celles de la crise économique sans précédent que traverse le pays. Demain, 8 janvier, un concert aura lieu à l’église Saint-Joseph à Beyrouth dont les bénéfices permettront de reverser des aides aux musiciens du Liban.

Qui est donc cet homme au destin hors du commun, connu aussi bien en Europe qu’aux États-Unis, amoureux de son métier et si généreux dans le partage de son art?

Né à Paris en 1948, Jean-Pierre Schmitt a découvert la musique au sein de sa famille, grâce à une aïeule mélomane, éprise de Berlioz et Poulenc. Diplômé du conservatoire de Versailles en alto, solfège et harmonie, il obtient un premier prix de musique de chambre au Conservatoire international de musique de Paris. Après avoir fait partie de la classe de la violoniste hongroise Gabriella Lengyel, il deviendra l’élève du chef d’orchestre français Jean Fournet. En 1988, il s’installe à New York qu’il ne quittera plus. Cofondateur avec le saxophoniste classique Javier Oviedo du Classical Saxophone Project (CSP), organisation à but non lucratif, il a dirigé des orchestres dans le monde entier et a enregistré les deux concertos de Haydn pour violoncelle avec la soliste Ariane Lallemand et *The Classical Saxophone, a French Love Story* avec le soliste Javier Oviedo.

Jean-Pierre Schmitt

Le projet du concert Music for Lebanon naît d’une rencontre avec un jeune chercheur libanais en médecine qui décrit au chef d’orchestre l’enfer quotidien du pays. La culture française d’origine a permis de garder en mémoire les relations privilégiées de la France avec le Liban. Une première idée d’un concert à New York germe, vite écartée au profit du projet de concert dans l’église Saint-Joseph de Beyrouth grâce aux précieux conseils d’une amie, Florence, qui connaît le pays du Cèdre.

L’initiative est internationale puisqu’y prendront part l’Orchestre de chambre libanais et 15 musiciens à cordes, pour la plupart issus de l’Orchestre philharmonique du Liban, le tout dirigé par Jean-Pierre Schmitt lui-même. *Crux fidelis*, un concerto pour saxophone et cordes, commandé au compositeur libanais Naji Hakim, sera interprété avec Javier Oviedo. Le violoniste libanais Mario Rahi jouera le *Concerto pour violon en mi majeur* de Bach. Le projet est organisé en partenariat avec l’association Art in Motion basée à Beyrouth. Filmé et retransmis en direct, diffusé sur YouTube, il pourra être suivi par les Libanais et les mélomanes du monde entier.

Lors de propos recueillis par la journaliste Natja Igney, Jean-Pierre Schmitt a souligné l’importance de l’aide aux musiciens. "La musique est un langage universel, souligne-t-il. Pas de mots, pas de connotation politique ou religieuse. À 73 ans, je suis encore émerveillé: partout où j’ai dirigé, dans bien des cas je ne parlais pas un mot de la langue des musiciens de l’orchestre. Pourtant, nous ouvrions tous nos partitions, nous nous comprenions, et la musique coulait à flot."