Écoutez l’article

Dans son œuvre cinématographique la plus récente et probablement la plus audacieuse, Un Silence, le réalisateur belge Joachim Lafosse s’attaque à un sujet aussi délicat que crucial: la pédophilie et le silence qui entoure ses victimes.

Le film, mettant en vedette Daniel Auteuil et Emmanuelle Devos, est inspiré de l’histoire vraie d’un avocat belge, Victor Hissel, reconnu coupable en 2010 de détention d’images pédopornographiques. Ce fait divers a d’autant plus marqué les esprits que Hissel était un acteur majeur dans la lutte contre la pédophilie en Belgique, ayant défendu les parents de victimes de Marc Dutroux, l’un des pires criminels de l’histoire du pays.

Ce dixième film de Lafosse, connu pour ne pas esquiver les sujets difficiles comme en témoignent ses précédents travaux sur la maladie mentale (Les Intranquilles) et l’infanticide (À perdre la raison), se distingue par sa profondeur émotionnelle et son exploration intime du thème du silence. Il aborde le conflit interne et la souffrance d’une famille confrontée à un secret horrible, incarné par le personnage d’Emmanuelle Devos, une femme déchirée entre son dévouement pour son mari et la vérité accablante de ses actes.

Daniel Auteuil, dans un rôle complexe et nuancé, incarne cet avocat au double visage. Lafosse raconte comment il a dû chercher longuement un acteur prêt à endosser un personnage si controversé, beaucoup refusant par crainte des répercussions sur leur image publique. Finalement, Auteuil s’est avancé, séduit par la profondeur du scénario et prêt à relever le défi.

Au-delà de son intrigue, Un Silence pose des questions cruciales sur la société et ses tabous. Lafosse espère que son film aidera à briser le mur du silence entourant les abus sexuels, notamment ceux subis par les hommes. Il met en lumière le défi que représente la confession de tels actes pour les victimes masculines, souvent entravées par les stéréotypes de virilité et la pression sociale.

Inspiré par des auteurs comme Christine Angot et son livre L’Inceste, Lafosse veut contribuer à une conversation plus large sur les abus de pouvoir et la manipulation psychologique dans tous les milieux, y compris le cinéma. Il souligne l’importance de la solidarité et de la prise de parole, en particulier dans le contexte actuel où le mouvement #MeToo a encouragé de nombreuses victimes à partager leurs histoires.

Un Silence est donc bien plus qu’un film; c’est un appel à la prise de conscience et à l’action. En explorant les nuances complexes du silence et de la culpabilité, Lafosse livre une œuvre qui ne se contente pas de divertir, mais qui cherche à éveiller les consciences et à encourager un dialogue nécessaire sur des sujets souvent laissés dans l’ombre.

Avec AFP