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Depuis que la crise politico-économique sévit au Liban, l’art contemporain a du mal à tirer son épingle du jeu. Mais le Beirut Art Center, l’un des piliers de la scène artistique contemporaine de Beyrouth, fait preuve de persévérance. Sous le titre BAC Design, une exposition collective rassemblant 34 designers s’y déroule du 12 décembre 2023 au 27 janvier 2024. Une partie des bénéfices ira au Beirut Art Center.

L’initiative est pour le moins louable. Car en dépit de la guerre qui gronde à la frontière sud du Liban, 34 artistes et créateurs ont investi les locaux du Beirut Art Center pour y exposer leurs œuvres et contribuer à maintenir le dynamisme de l’institution.

Nous y découvrons agencées d’admirables œuvres d’art contemporain de designers de renom, mais aussi de nouveaux et jeunes créatifs. Les meubles de collection côtoient des pièces hétéroclites, des céramiques, des accessoires, des bijoux (broches, colliers, bagues, boucles d’oreilles, bracelets), ainsi que des vêtements (kimono et cape) en divers matériaux (cristal, granit, béton, bois, textile). De 2010 à 2014, le BAC a organisé 22 expositions de designers libanais permettant à certains de montrer leurs œuvres en solo.

C’est en 2009 que la galeriste Sandra Dagher et l’artiste Lamia Joreige ont eu l’idée d’ouvrir le Beirut Art Center pour exposer des œuvres d’art contemporain d’artistes internationaux et régionaux. Il s’agissait aussi d’organiser des conférences, des projections de films, des performances théâtrales ou encore un festival de musique expérimentale. Le Beirut Art Center comptait, aux côtés d’Ashkal Alwan, au nombre des rares institutions d’art contemporain quand, en 2014, la curatrice Marie Muracciole en a pris la direction jusqu’en 2019, au commencement de la crise politico-financière. Le poste de direction a été, par la suite, partagé entre Haig Aivazian, Ahmad Ghossein et Rana Nasreddin qui, malgré la crise, ont maintenu le dynamisme du BAC. La gestion d’un espace artistique à but non lucratif présente d’immenses défis auxquels fait face la direction.

Ici Beyrouth s’est entretenu avec la directrice artistique du BAC, Reem Shadid, qui a pris ses fonctions en janvier 2023. À l’heure actuelle, vu la déliquescence de l’État libanais, il ne faut pas trop s’attendre à trouver un quelconque soutien financier aux artistes. Reem Shadid précise: "Le soutien financier demeure un problème majeur. Avant 2019, on pouvait compter sur les banques, mais la crise a mis un terme aux aides. Heureusement, il reste les bailleurs de fonds privés, dont la plupart font partie du conseil d’administration, et le soutien minime des institutions culturelles qui doivent partager leur budget entre plusieurs candidats. "

La directrice pointe du doigt la fuite massive d’artistes de renom et de professionnels de la culture, surtout après l’explosion du 4 août 2020, vers l’Europe, les États-Unis ou les pays du Golfe, parce qu’ils ne peuvent plus travailler dans les conditions actuelles. "Cela ne veut pas pour autant dire qu’il n’y a plus de gens compétents, bien au contraire, mais les réseaux de soutien se sont affaiblis", explique-t-elle.

Pour couronner le tout, les échanges avec le monde arabe et international, ainsi que la visibilité se sont beaucoup réduits en raison de l’instabilité du pays. "Nous avons besoin d’être connectés, dit-elle, nous voulons maintenir des conversations avec les artistes, voir ce que les autres font et leur montrer ce que nous faisons."

Pour s’en sortir, BAC doit trouver des financements. Le conseil d’administration assure une part du budget, mais, ajoute-t-elle: "L’enjeu de cette exposition est de lever des fonds. Maria Ousseimi, artiste et membre de l’administration, a beaucoup travaillé dans ce sens."

Le Beirut Art Center est avant tout expérimental. "Ce n’est pas un musée, assure-t-elle, c’est un centre dynamique avec un programme à l’avenant, accessible à tous les publics. Il y a les expositions d’art contemporain, la projection de films, les prestations d’artistes, la résidence pour artistes, les ateliers pour enfants, sans oublier l’initiative d’entraide pour fabriquer des objets pratiques ou apprendre les bases de la plomberie, de la menuiserie ou de l’électrologie. Nous avons aussi le jardinage participatif sur le toit du BAC. C’est un jardin géré par la communauté, où les gens se retrouvent les samedis pour échanger, planter des légumes, partager leur expérience ou apprendre. C’est aussi un lieu de réflexion."

Reem Shadid a, depuis un an déjà, maintenu l’énergie au sein du BAC, enchaînant ateliers, sessions, projections et prestations artistiques, de sorte qu’il y ait un nouveau programme toutes les semaines. Elle montre un intérêt particulier pour les écoles publiques qui manquent d’activités culturelles et projette déjà de travailler avec les professeurs: "Nous voulons que les enfants viennent au BAC participer aux ateliers. Nous développons de nouvelles idées, nous créons des choses qui sortent de l’ordinaire, qui poussent à réfléchir autrement."  Ce qui compte, en définitive, c’est de s’interroger au cours des discussions avec les artistes sur ce que l’art peut nous apporter.

Deux autres expositions sont en cours qui attirent des publics de tous âges. Dans le hall central du BAC, on découvre une installation architecturale (une pyramide en verre) intitulée Municipalities, de Marwan Rechmaoui, qui interroge l’espace. Et, dans une autre salle, Jalal Toufic propose une lecture personnelle de cinq films de Hitchcock, sous le titre Five Hitchcock films as you’ve never seen them before.

Horaires d’ouverture:
Du mardi au vendredi, de 12h à 19h et le samedi, de 12h à 17h.

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