Il a marqué les esprits au théâtre, en incarnant Hamlet et Richard III, et fait carrière au cinéma: pilier de la scène artistique allemande, Lars Eidinger n’en reste pas moins " l’acteur le plus effrayé au monde " par la scène.

" Thomas (Ostermeier, le directeur artistique de la Schaubühne, antre de la création artistique berlinois, ndlr) dit que je suis un acteur qui n’a peur de rien. Mais c’est faux : je suis l’acteur le plus effrayé au monde ! ", a-t-il confié au public du théâtre Les Gémeaux de Sceaux (sud de Paris), où il joue, jusqu’à samedi, une version édulcorée de la pièce " Richard III " de Shakespeare.

Complice avec son mentor, avec lequel il travaille depuis plus de 20 ans, il est l’un des seuls membres de la troupe à avoir fait le déplacement à Paris après l’annulation de la pièce pour cause de Covid-19.

" Je respecte le fait qu’on puisse avoir peur pour sa santé, mais, pour moi, jouer c’est la vie ", a-t-il dit au public.

Pas seulement sur les planches, il est aussi à l’affiche du film Les leçons persanes de Vadim Perelman, actuellement en salles. Il y joue un nazi qui croit apprendre le farsi dans une France occupée.

Bête de scène

Considéré outre-Rhin comme l’un des plus grands acteurs de sa génération, il est aussi connu et admiré en Europe et en France, notamment dans le cinéma d’auteur, où il a travaillé avec Claire Denis (Chocolat, 1988; Beau travail, 1999) ou Olivier Assayas (" Après mai ", 2012).

Né en 1976 à Berlin-Ouest, Lars Eidinger sait très jeune qu’il veut devenir acteur. À l’adolescence, il intègre l’Académie d’art dramatique Ernst-Busch de Berlin, plus prestigieuse école de théâtre d’Allemagne.

Colosse de 1,90 mètre, regard bleu acier, présence magnétique sur scène: alors qu’il est encore étudiant, il se voit offrir ses premiers rôles au Deutsches Theater, théâtre berlinois où Ostermeier fait ses débuts de metteur en scène.

Mais il n’a qu’un rêve: rejoindre la Schaubühne. Rêve qui deviendra réalité quelques années plus tard.

Au fil du temps, il parvient à nouer une relation artistique avec Thomas Ostermeier, qui le fera jouer dans des créations aujourd’hui devenues emblématiques: " Nora ", d’après Henrik Ibsen en 2002, " Woyzeck " de Georg Büchner en 2003 et surtout " Hamlet " en 2008. Une star est née.

En 2015, le duo enflamme le Festival d’Avignon avec " Richard III ".

Véritable bête de scène, le Berlinois dépoussière le personnage shakespearien qu’il interprète comme un breakdancer.

Inclassable

" Il y a des acteurs qui ont besoin d’être guidés; d’autres, au contraire, vous surprennent, car vous n’avez presque rien à faire. Lars fait partie de la seconde catégorie ", a confié Thomas Ostermeier au public de Sceaux.

La recette Eidinger ? Du travail, de l’improvisation et une lecture personnelle des rôles qu’il joue. " Je mets de moi dans les personnages ", reconnait-il.

" J’essaye de donner l’impression d’être à la fois dans le contrôle et en même temps complètement perdu ".

À partir de 2003, il fréquente les plateaux de cinéma et de TV. Son rôle d’architecte en crise dans Alle Anderen (Everyone Else) de sa compatriote Maren Ade, en 2009, le révèle au grand public.

Suivront Sils Maria (2014) avec Juliette Binoche et Kristen Stewart et Personal Shopper (2016), prix ex aequo de la mise en scène au Festival de Cannes. Deux films d’Olivier Assayas.

En 2017, il tourne Matilda avec le réalisateur russe Alexeï Outchitel, où il incarne Nicolas II, le dernier des Romanov, pris dans une histoire d’amour avec la ballerine Mathilde Kschessinska.

Trente ans après ses débuts, sa plus grande victoire reste d’avoir pu développer une large palette de rôles quand ses professeurs lui prédisaient une carrière limitée à des rôles de " gentils garçons ", en raison de son physique jugé trop avantageux.

Inclassable, le Berlinois est aussi DJ dans des soirées qu’il appelle " Autistic Disco ".

Par Alexandra DEL PERAL
© Agence France-Presse

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