À la tête de la société de production Né à Beyrouth, Pierre Sarraf vient d’être, encore une fois, récompensé d’avoir produit un projet cinématographique et surtout d’y avoir cru. Coup de projecteur sur un homme discret qui ne cherche pas à se mettre sous les feux de la rampe.

Pourquoi "Né à Beyrouth", et retour sur le jour J du lancement de la maison de production.

Le jour J, ou dois-je dire le jour F, puisque l’aventure de Né à Beyrouth a commencé par un festival de cinéma en 2001. Ce festival bisannuel existe toujours, mais il a changé de nom pour devenir le LFF (Festival du film libanais). Né à Beyrouth est devenue une société de production dès 2004. À ce jour, nous nous sommes impliqués dans la production de plus de 11 longs métrages (Dirty Difficult Dangerous, Co-Pilot, Capharnaum, Insyriated, Go Home, Tombé du Ciel…), 10 courts métrages et 10 documentaires.

Le nom de la société était au départ "Cinéma Beyrouth", mais nous avions considéré à l’époque que la guerre avait fait tomber 3 lettres et qu’il nous restait " –né-à Beyrouth", ce qui était suffisant pour avoir un nom à portée symbolique puissante.

Est-ce la réalisatrice Dania Bdeir qui vous a abordé? Étiez-vous confiant en vous lançant dans cette nouvelle aventure?

C’est Dania Bdeir qui m’a contacté en premier. Nous nous connaissions déjà un peu et j’avais vu son précédent court métrage (filmé par ailleurs par l’ami talentueux Christopher Aoun) qui a fait une belle carrière en terme de visibilité dans les festivals. Dès la lecture, le scénario s’était avéré gagnant à tous les points de vue. Je me souviens lui avoir dit, et je pense qu’elle peut le confirmer: "le film va avoir du succès, il n’y a aucun doute là-dessus." Elle m’a mis en contact avec sa productrice française, Coralie Dias, qui avait déjà bien assuré le financement. Il restait un léger gap à combler.

Rapidement, la production s’est mise en place sous la direction de Marie-Lynn Nasrallah. La majorité des plans du film ont été tournés à Beyrouth dans un site de construction à Tabaris (merci à Capstone de nous avoir autorisés à le faire) à l’exception des scènes dans la cabine de pilotage de la grue. Celles-ci, ayant besoin d’une intervention lourde en postproduction, ont été filmées à Marseille dans les studios de La Planète Rouge fraîchement équipés avec la technologie Unreal Engine qui n’est malheureusement pas disponible au Liban.

Warsha décroche le prix Sundance 2022 du court métrage et balise le terrain pour une nomination aux Oscars. Ce n’est pas la première fois qu’un film produit par Né à Beyrouth est récompensé. Que ressentez-vous au milieu du désespoir libanais ambiant?

Warsha
Affiche du film Warsha

Dans ces moments tragiques que traverse le Liban, l’émotion de gagner un prix dans un festival si important est quintuplée. Le succès de Warsha démontre qu’il ne faut pas baisser les bras, qu’il faut continuer la marche du cinéma au Liban qui avait bien redémarré dans les années 2000.  Tous les acteurs de l’industrie, tous les producteurs ont beaucoup investi depuis vingt ans, et ces dernières années notre cinéma a connu des succès fulgurants dans le monde. Ce serait dommage de perdre de la vitesse. Le Liban caracole, dans ce domaine, en tête de liste dans la région. Il faut donc continuer quoiqu’il en coûte, ne serait-ce que pour documenter et témoigner de la situation désespérante dans laquelle on nous a placés.

Synopsis de Warsha 

Mohammed est un conducteur de grue syrien qui travaille sur un chantier à Beyrouth. À une centaine de mètres de hauteur, seul dans la cabine de sa grue, il se transforme en diva magnifique, libre comme il ne l’a jamais été.

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