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Avec l’exposition Dans le creux du chaos, la galerie Janine Rubeiz nous invite du 6 mars au 5 avril 2024 à découvrir l’univers sidérant de Bassam Geitani.

Bassam Geitani, artiste libanais, a participé à plusieurs expositions collectives à Beyrouth, Paris, Londres et Washington. Ses œuvres font aujourd’hui partie de collections privées tant au Liban, en France qu’au British Museum. Avec ses tableaux et ses installations d’une blancheur immaculée, Geitani nous introduit d’emblée dans un décor de fin du monde, rappelant l’effet produit par l’explosion du 4 août 2020 survenue à Beyrouth.

Les toiles vierges de l’artiste témoignent du vide intersidéral, des trous béants au corps et à l’âme causés par ce désastre ayant balayé tout un pan de nos vies et de notre histoire. Les œuvres de l’artiste décrivent ce croisement absurde entre l’avant et l’après, se référant à l’ouvrage du philosophe Gaston Bachelard intitulé Le Moment de néant; cet instant fatidique où le monde bascule dans le chaos, effaçant d’un trait l’identité culturelle d’une ville et d’un peuple.

Les œuvres de l’artiste intitulées Toile soufflée et Rear window, en hommage au film de Hitchcock, rappellent la vision d’apocalypse entrevue par la fenêtre avant l’éclatement final. Les toiles sont ainsi triturées, griffées, labourées par l’artiste faisant écho aux blessures physiques et émotionnelles éprouvées à l’échelle collective et individuelle. L’artiste découpe sa toile et en recolle les morceaux sur le châssis dans un geste symbolique rappelant nos vies déchiquetées par le souffle ravageur, et produit ainsi, grâce à l’installation murale créée à cet effet, un impact visuel et émotionnel saisissant.

Par cette démarche engagée, Bassam Geitani rassemble débris de verre ou de béton, fragments de métal et lambeaux de vêtements, en fait la matière première de son œuvre afin que ces résidus soient témoins des cicatrices de l’histoire. Ces bribes de souvenirs impriment sur la toile leur empreinte indélébile, à l’instar de pièces à conviction servant à reconstituer la scène d’un crime.

L’artiste veut sans doute nous extraire de notre torpeur, nous faire prendre conscience des conséquences du drame, nous inciter à nous souvenir afin de prévenir l’avenir, bâtir un lendemain meilleur. Il nous pousse ainsi à nous armer de ces fragments de vie, tristes trophées des souffrances infligées, pour en faire des éléments de résistance permettant de transcender le traumatisme.

Dans sa toile intitulée Ballet de rides, il nous incite à entrer dans la danse de la résilience, à puiser au plus profond de nous-mêmes, afin d’y retrouver l’élan vital et l’énergie créatrice. La toile blanche de l’artiste ouvre ainsi une nouvelle page, afin d’opérer la métamorphose propice à la reconstruction et à la renaissance. Elle nous convie à transformer griffures et rides en plume rédemptrice, afin de réécrire l’histoire à la manière d’une œuvre d’art.

Laissez-vous fasciner par cet univers blanc jusqu’au 5 avril 2024.

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@jogannepaintings