Fondée en 1680, la Comédie-Française est le seul théâtre national en France disposant d’une troupe permanente de comédiens, la Troupe des Comédiens-Français. Si le rôle de la Comédie-Française est d’assurer la représentation régulière des pièces principales du répertoire classique, on y joue également des œuvres contemporaines avec des mises en scène audacieuses et surprenantes.
Le 15 janvier dernier, comme tous les ans, la troupe de la Comédie-Française célébrait l’anniversaire du baptême de Molière, né en 1622. Ce fleuron du patrimoine théâtral français accueille les plus grands acteurs et metteurs en scène depuis plus de 330 ans et organise de surcroît la production prolifique de costumes, de décors et d’accessoires indispensables à la création théâtrale.
Une naissance royale
En 1680, un décret du roi Louis XIV ordonne la création de la Comédie-Française par la fusion de deux troupes jusque-là rivales: celle de La Grange, (ancienne troupe de Molière, installée à l’hôtel Guénégaud, au Palais-Royal), et celle de Racine (installée à l’Hôtel de Bourgogne, situé dans l’actuelle rue Étienne Marcel).
C’est ainsi qu’une troupe composée de 27 comédiens et comédiennes choisis par le roi pour leur excellence voit le jour. Financée et donc contrôlée par le roi, elle jouit du monopole des représentations en français à Paris. Elle adopte la devise "Simul et singulis" qui signifie "être ensemble et rester soi-même", et se dote de l’emblème d’une ruche avec des abeilles, symbole d’une activité foisonnante.
La Comédie-Française occupe successivement le jeu de paume de l’Étoile (1689-1770), la salle des Machines aux Tuileries (1770-1782) et l’hôtel de Condé, aujourd’hui l’Odéon-Théâtre de l’Europe (1782-1793).
En 1793 le Comité de salut public ordonne la fermeture du théâtre de l’Odéon, et l’arrestation des comédiens jugés trop "royalistes". Ils sont fort heureusement sauvés de la guillotine par Charles Labussière, un acteur employé au Comité de salut public.
Ce n’est qu’en 1799 que l’écrivain François de Neufchâteau, devenu ministre de l’Intérieur, puis membre du Directoire, incite le gouvernement à concéder à la Société des Comédiens-Français le Théâtre français de la République, rue de Richelieu, créé par le jeune acteur et tragédien Talma, protégé de Napoléon.
C’est le décret de Moscou, promulgué par Napoléon en 1812, qui donne à la Comédie-Française une structure et des statuts stables malgré des évolutions successives inévitables.
Des pensionnaires et des sociétaires bien entourés
Un "administrateur général" exerce son autorité sur 280 personnes, 60 comédiens (30 sociétaires, 30 pensionnaires) et 220 membres du personnel technique (chefs de service, employés, artisans, ouvriers du plateau).
L’administrateur général – lui-même nommé de nos jours en conseil des ministres – recrute les "pensionnaires", souvent des lauréats du conservatoire, pour un an renouvelable. Ils font alors partie de la troupe mais doivent démontrer le talent nécessaire pour accéder au statut de "sociétaire", sur proposition du comité d’administration aux sociétaires réunis en assemblée générale.
Parmi les acteurs les plus connus qui ont marqué le public par leur brio au fil des ans, citons Jacques Charon (plus de 160 pièces à la Comédie-Française!), Louis Seigner, Michel Aumont, Sarah Bernhardt, Rachel Félix, Gisele Casadesus, Jean-Louis Barrault, et plus récemment Isabelle Adjani, Christian Blanc, Philippe Torreton, Didier Sandre, Michel Vuillermoz ou Guillaume Gallienne.
Trois salles et un atelier: une ruche bourdonnante
Le théâtre de la Comédie-Française chapeaute trois salles:
– La Salle Richelieu: c’est le théâtre historique attribué en 1799.
– Le Théâtre du Vieux-Colombier: créé en 1913 par Jacques Copeau, ce théâtre devient en 1993 la deuxième salle de la Comédie-Française, avec au programme de la saison 2021/2022, Dom Juan et Les Précieuses ridicules.
– Le Studio-Théâtre: situé dans le Carrousel du Louvre, il devient en 1996 la troisième salle de la Comédie-Française et propose des formes de pièces courtes et diversifiées, à titre d’exemple: D’où rayonne la nuit, un spectacle musical écrit et mis en scène par Yoann Gasiorowski; On ne sera jamais Alceste, d’après Molière et Louis Jouvet, avec une adaptation et une mise en scène de Lisa Guez; et Le Silence de Molière de Giovanni Macchia, un "seul en scène" mis en scène par Anne Kessler.
La Comédie-Française c’est aussi un atelier de couture qui s’étend sur 1000 m2 et produit tous les ans entre 100 et 300 costumes sur mesure, cousus à la main, qui portent l’emblème du théâtre avec le nom de l’acteur ou de l’actrice qui les enfilent. On peut encore y voir, soigneusement conservés, les costumes de Sarah Bernhardt dans Ruy Blas, d’Isabelle Adjani dans L’École des femmes, de Robert Hirsch dans Tartuffe ou de Louis Seigner dans Le Bourgeois Gentilhomme.
Un atelier spécial est consacré aux accessoires, comme des amphores remplies de poudre d’argile en guise de cendres dans Les Damnés de Visconti, des plantes factices, des armes de combat, des masques ou encore du mobilier.
La salle Richelieu est un lieu somptueux créé par l’architecte Victor Louis en 1790. Les décors peuvent y être démontés et remontés 3 fois par jour, pour trois spectacles successifs, grâce à un système de panneaux pilotés par des porteuses motorisées, nichées dans une énorme cage au-dessus de la scène.
Le bâtiment qui se dresse à l’angle de la rue de Richelieu et de la place Colette est un monument historique qui abrite la galerie Jacques Charon, la Galerie des Bustes, la salle du comité (de lecture et de sélection) et le musée Molière. Des visites guidées y sont d’ailleurs proposées les samedi et dimanche.
Au programme: des mises en scènes audacieuses et surprenantes
Si le rôle de la Comédie-Française est d’assurer la représentation régulière des pièces principales du répertoire classique, on y joue également des œuvres contemporaines avec des mises en scène audacieuses et surprenantes.
Jetons un œil sur la programmation de la saison 2021/2022 à la salle Richelieu, marquée sans surprise par le 400e anniversaire de la naissance de Molière:
– Jean-Baptiste, Madeleine, Armande et Les Autres… (du 17 juin au 27 juillet 2022)
"Julie Deliquet met en scène l’émulation artistique qui anima la vie de Molière et des siens. Elle se concentre sur les années 1662-1663 quand le succès de L’École des femmes au Palais-Royal entraîne une cabale à laquelle l’auteur réplique avec La Critique de L’École des femmes, où il raille ses détracteurs dans un salon aux débats endiablés, puis L’Impromptu de Versailles où il se montre lui-même dirigeant une répétition."
– La Cerisaie de Tchékhov, mise en scène de Clément Hervieu-Léger
– Fanny et Alexandre, d’Ingmar Bergman, mise en scène de Julie Deliquet
– Tartuffe, avec une mise en scène de Ivo van Hove
– L’Avare, mise en scène de Lilo Baur
– Les Fourberies de scapin, mise en scène de Denis Podalydès avec une scénographie signée Éric Ruf
– Le Malade imaginaire, mise en scène de Claude Stratz
– Le Misanthrope, mise en scène de Clément Hervieu-Léger
Un remarquable source d’inspiration
Louis Seigner, auréolé de sa performance dans Le Bourgeois Gentilhomme, raconte que le général De Gaulle l’avait convoqué un jour à l’Élysée pour lui demander "comment il arrivait à donner tant de bonhomie au personnage de M. Jourdain".
Nul ne sait vraiment ce que l’acteur a dévoilé au président lors de cette entrevue, mais quand on revoit les conférences-spectacles du Général (De Gaulle!) on se dit, non sans malice, que (la rencontre avec) Louis Seigner y a tenu un rôle principal!
Pour aller plus loin :
https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/sortir-region-parisienne/patrimoine-a-paris-dans-les-coulisses-de-la-comedie-francaise-22-02-2019-8018241.php
https://www.comedie-francaise.fr/fr/histoire-de-la-maison#
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