Écoutez l’article

La catastrophe du 4 août 2020 a fait couler beaucoup de sang et d’encre. Voici une liste non exhaustive des romans, journaux intimes, nouvelles, essais et ouvrages collectifs sur l’explosion du siècle, qui a dévasté Beyrouth, la cité millénaire, "mille fois morte, mille fois revécue".

Dans la série des ouvrages parus suite à l’explosion du 4 août 2020, Gaïa d’Edgard Davidian est un livre récent, sorti en juillet 2024, aux éditions Artliban Calima. Dans ce roman, l’auteur et journaliste retrace le parcours tragique de Gaïa Fadoulian, tuée à vingt-neuf ans le 4 août. Gaïa, qui vient du grec, représente la déesse primordiale de la terre-nourricière et symbolise la vie. Quel fut le sort de cette jeune Arménienne portant un héritage tragique de persécution et de mort ? L’écriture peut-elle triompher de la mort ?

Beyrouth 2020, journal d’un effondrement de Charif Majdalani, paru aux éditions Actes Sud/L’Orient des Livres, a obtenu le prix spécial du jury du Femina en 2020. Ce journal sur la crise économique sans précédent qui secoue le pays et la montée spectaculaire de la devise étrangère, face à la chute abyssale de la monnaie locale, fut écrit dans le contexte du confinement. L’écrivain y raconte le soulèvement du peuple libanais écrasé et pillé par la caste au pouvoir. Néanmoins, les Libanais.es ne sont pas au bout de leurs peines. Un cataclysme succède aux catastrophes financière et sanitaire: l’explosion de Beyrouth.

Crédit photo: Jean Akar

 

Implosions de Hyam Yared, aux Éditions des Équateurs, 2021, raconte l’apocalypse du 4 août en synchronicité avec l’implosion d’un couple. Quand l’explosion souffle la capitale, la narratrice, son mari et la psychothérapeute qui suit le couple se retrouvent à quatre pattes sous le bureau de la psy, dans un parallélisme saisissant avec la capitale Beyrouth, que l’on met à genoux. Comme le choix du préfixe dans le titre Implosions se focalise davantage sur l’intérieur, sur la déflagration intime qui ravage la narratrice, celle-ci est partagée entre sa rage de vivre et les différends qui menacent de scinder irrévocablement son couple. Dans un style aussi cocasse que tragique, Hyam Yared, qui ne se départit jamais de la crudité de son lexique, livre un témoignage bouleversant sur le destin d’une ville et d’une femme.

Octobre Liban de Camille Ammoun, aux éditions Inculte, met en scène un personnage insolite, la rue de Beyrouth qui longe le port et porte trois noms: la rue d’Arménie, la rue Gouraud et la rue Émir Bachir. En urbaniste et activiste, Camille Ammoun déambule dans ces rues emblématiques de l’ex-Suisse de l’Orient et essaie d’analyser les raisons de la chute et de la gabegie qui ont mené aux manifestations dans un Beyrouth en déliquescence, puis au martyre de la ville par la double explosion portuaire.

Dans le dernier chapitre de La maison de la tendresse, publié aux éditions l’Harmattan en 2021, Evelyne Accad, l’écrivaine militante pour les droits fémi-humanistes, raconte la tragédie du 4 août dans sa chair et dans celle des êtres chers. Pour exorciser le mal, elle a fondé un centre de guérison pour les victimes du 4 août, baptisé Beit el-Fouad.

Mon port de Beyrouth de Lamia Ziadé, illustratrice et autrice, paru aux éditions P.O.L en 2021, raconte les traumas de l’explosion qui a détruit la moitié de la capitale. La narratrice, qui vit à Paris, reçoit sur le groupe WhatsApp de la famille le visage défiguré et ensanglanté de sa sœur. Les photos terribles se succèdent. Lamia Ziadé essaie de faire un pied de nez à la mort en écrivant un journal dans lequel elle dessine les visages des victimes et illustre les textes écrits. Elle se focalise sur le port de Beyrouth, dont la première pierre fut posée en 1968, année de sa naissance.

Éclat d’une vie de Caroline Torbey, édité chez l’Harmattan en 2021, raconte les blessures physiques et psychiques occasionnées par l’explosion sur la narratrice, ses proches et son entourage. En remaniant toutes les lettres du mot "résilience" pour dénicher une sorte d’anagramme, elle n’en trouve qu’un seul: "inertiel", dérivé d’inertie. Le titre, Éclat d’une vie, véhicule une situation paradoxale: les vies brisées en mille éclats par l’explosion portuaire d’une part, et l’éclat de l’espoir qui rayonne à nouveau avec un heureux évènement qui s’annonce.

Rappelons enfin le manifeste Beyrouth Connection, les fossoyeurs du Liban, paru aux éditions Erick Bonnier en septembre 2020.

Les ouvrages collectifs

Sur une initiative des éditions Artliban Calima et Victor Le Brun, l’ouvrage collectif Liban à cœur ouvert, sorti en 2020, rassemble 65 collaborateurs, écrivains, journalistes et peintres, autour de l’explosion gigantesque de Beyrouth. Le livre narre les horribles drames survenus et les miracles toujours possibles. Des témoignages à fleur de peau disent l’innommable, l’indicible, racontent en fait le Liban à corps ouvert. Les bénéfices vont exclusivement au profit de la Croix-Rouge libanaise.

Dans Ce qui nous arrive, publié également aux éditions Inculte et préfacé par Charif Majdalani, coécrit par Camille Ammoun, Michaël Ferrier, Makenzy Orcel, Ersi Sotiropoulos et Fawzi Zebian, deux écrivains libanais racontent le 4 août 2020. Camille Ammoun fait parler un silo sur l’explosion apocalyptique. À travers un monologue intérieur, le silo raconte ce qui lui advient et ce qui arrive à une ville entière: "Ce qui arrive le 4 août, c’est ce qui est tant redouté, prévu et écrit dans divers rapports et courriers officiels royalement ignorés par tous ceux qui les ont reçus". De même, Fawzi Zebian relate dans un style aussi tragique qu’imprégné de poésie macabre l’explosion apocalyptique du port de Beyrouth dans Ma grand-mère, une rose blanche et moi: "En réalité, je ne suis pas certain que l’ensemble des morceaux disséminés aux quatre coins soient encore moi. Je ne suis pas certain que chaque lambeau, pris séparément, soit encore moi."

Beyrouth Mon Amour réunit 56 auteurs et autrices illustres et moins illustres sous la direction de Bélinda Ibrahim. Nous retenons notre souffle en lisant les témoignages poignants sur la destruction d’une ville. Le livre est parsemé d’illustrations, de peintures et de photographies réalisées par 26 contributeurs visuels. Les recettes de l’ouvrage sont allées à des ONG investies dans le travail de secours des victimes comme AFEL, Faire Face Cancer, Live Love Beirut, Arcenciel et d’autres.

Pour l’Amour de Beyrouth, publié aux éditions Fayard sous la houlette de Sarah Briand, présentatrice à TF2 et inconditionnelle de Beyrouth, rassemble les textes de 35 personnalités libanaises et françaises du monde des lettres et des arts, en signe de solidarité avec la ville complètement dévastée. Parmi les contributeurs, citons Vénus Khoury-Ghata, Amine Maalouf, Alexandre Najjar, Charif Majdalani, Tahar Ben Jelloun, Daniel Rondeau, Jean-Marie Gustave Le Clézio et Boris Cyrulnik. Les revenus sont destinés à l’association Offre-Joie.