Voici, pour commencer ce cycle, une histoire racontée par Sabine Callegari, qui nous met sur la voie d’une première réflexion.

C’est une jeune femme qui parle de sa vocation de violoniste concertiste. Malgré cela, dit-elle, elle rencontre constamment des obstacles qui entravent ses performances. Plusieurs fois elle s’est blessée à la main lors de travaux domestiques. D’autres fois, se présentant à des concours, elle est surprise de jouer bien en dessous de son niveau de compétence. Elle déclare: "Je veux en finir avec ces maudits symptômes et devenir une artiste épanouie." Elle entreprend ensuite la narration de son histoire personnelle: Son père, descendant d’une lignée de musiciens, est ravi de trouver chez sa fille des dispositions exceptionnelles pour la musique. Il l’encourage à poursuivre dans cette voie en lui assurant la meilleure formation musicale pour développer au mieux ses talents. Pour cette jeune femme, la musique prend alors un sens vital dans son existence.

Interrogée par la psychanalyste sur ce qu’elle ressent en jouant, elle donne cette réponse étonnante: "La musique résonne toujours à l’extérieur de moi, mais elle ne me traverse pas." Invitée à dire ce qui résonne à l’intérieur d’elle-même et qui la traverse, elle s’anime alors et exprime son amour, depuis son plus jeune âge, pour la couture. Elle décrit le plaisir de palper les tissus, de confectionner avec sa mère des rideaux pour la maison ou de l’aider dans ses commandes. Elle découvre que ses blessures ne handicapent que sa main gauche, celle qui appuie sur les cordes du violon, alors que sa main droite, celle qu’elle utilise pour la couture, est toujours indemne. Petit à petit, elle se rend compte que son désir à elle, sa vocation réelle est de travailler dans la confection, ce dont elle n’a pas tenu compte, s’identifiant au désir de son père de faire d’elle une musicienne accomplie, perpétuant la lignée familiale.

Son symptôme d’échec signifiait inconsciemment ses réticences, sinon son refus de rencontrer son propre désir. Il avait pour finalité de la révéler à sa vérité subjective. Grâce à son analyse, elle put affronter le courroux familial et choisir de se spécialiser dans ce qui l’épanouirait professionnellement: travailler dans la tapisserie et le design des tissus. Son psychisme inconscient lui a créé son symptôme pour lui éviter l’angoisse de déplaire à son père, de le décevoir, de lui ôter le plaisir de réaliser, à travers elle, sa propre ambition. Mais il avait aussi pour fonction de la tenir en alerte sur son propre désir. Ayant compris l’origine de son symptôme, elle décide de prendre son destin en main.

Lorsque cette histoire fut racontée lors d’une conférence, un médecin intervint: "J’ai reçu une patiente qui a traversé une situation pratiquement similaire. C’était également une jeune musicienne qui souffrait de céphalées aigues chaque fois qu’elle jouait de son instrument lors des concerts. Je lui ai prescrit un médicament approprié, ce qui l’a débarrassée de son symptôme. Mais elle continue sa médication parce que, parfois, il lui arrive de souffrir de douleurs au bras, sans substrat organique."

Lectrice, lecteur, je vous propose un jeu de rôle, si vous le voulez bien. Essayez de vous mettre à la place de ces personnes et de réfléchir à l’orientation thérapeutique que vous auriez choisie si vous étiez dans la même situation. Qu’auriez-vous fait? Vous seriez-vous donné le temps de rechercher le sens du symptôme que votre créativité inconsciente a fait apparaître ou auriez-vous voulu vous en débarrasser, quitte à en développer un autre?

Abonnez-vous à notre newsletter

Newsletter signup

Please wait...

Merci de vous être inscrit !