Dans un monde postpandémique, notre relation aux vêtements en général, et à la lingerie en particulier, n’a jamais été aussi contradictoire. Après avoir assisté aux réunions de Zoom en jogging et sans soutien-gorge pendant plus d’un an et demi, l’idée de retrouver une garde-robe de travail complète semble une torture. D’ailleurs, est-ce que porter un tailleur et des escarpins est réellement nécessaire ? Est-ce la seule marque de notre professionnalisme ? Notre apparence compte-t-elle plus que notre CV ? Et sommes-nous vraiment plus efficaces dans notre travail en portant un certain type de vêtements plutôt qu’un autre ? Il semblerait que le contenu de notre garde-robe en dise plus long sur notre personnalité que l’on ne croit. Alors, quelle facette révélons-nous par le choix de nos sous-vêtements ?

Depuis le confinement, le soutien-gorge est devenu l’ennemi numéro 1 de la gent féminine. Devrions-nous les brûler, ou les célébrer ? Certaines ont interprété la Covid comme une occasion de se libérer de cet instrument d’hypersexualisation, tandis que d’autres ont vu dans le port du soutien-gorge un retour à la normale après deux ans de pandémie. Nonobstant, il est important de reconnaître que la lingerie sexy a toujours été associée à un certain idéal de beauté, répondant à des normes misogynes strictes. Pendant des années, les défilés Victoria Secret nous ont convaincus que seules Alessandra Ambrosio, Gisele Bundchen et Adriana Lima pouvaient porter un corset et une jarretière. Le manque d’options pour les clientes " plus-size " ou ayant subi une mastectomie a longtemps été alarmant, mais c’est aujourd’hui avec soulagement que nous assistons à une transformation de l’industrie de la lingerie. Depuis le lancement de la ligne Savage X Fenty créée par la chanteuse Rihanna, la diversité du corps féminin est enfin représentée dans le monde de la lingerie sexy. Des mannequins plus " grande taille ", masculins, non binaires et transgenres défilent sur les podiums en célébrant leur corps, défiant encore et toujours le " male-gaze " (qui désigne la vision masculine hypersexualisée des femmes) imposé par la société. Au diable la mannequin blanche et maigre d’un mètre quatre-vingts ; la pluralité des origines, des morphologies et des genres est désormais la tendance.

Avant tout, il convient de se demander pour qui achetons-nous de la lingerie ? Est-ce pour nous-mêmes ou pour nos partenaires sexuels ? Souvent considérée comme un objet de fantasme masculin, qui, adolescente, n’a pas eu honte à l’école parce que les bretelles de son soutien-gorge étaient trop visibles ? Qualifiée de distrayante et de vulgaire, nous avons intégré l’idée que la lingerie est un sujet tabou. Elle doit être cachée, car son exposition est interprétée comme une invitation à l’acte sexuel. Dès notre plus jeune âge, nous avons été hypersexualisées pour avoir porté des soutien-gorge, les avoir montrés ou même en avoir parlé. Il est temps de changer cela. Notre relation à la lingerie est toxique, voire autodestructrice. Dans un article du New York Times, Collen Hill, conservateur au musée du Fashion Institute of Technology, affirme que notre vision du soutien-gorge se confond peu à peu avec celle du corset, considéré comme un instrument d’oppression féminine. Au lieu de s’avouer vaincues, ne devrions-nous pas reconquérir ce vêtement, si intime et privé ? Il est temps d’utiliser la lingerie sexy comme un symbole d’émancipation féminine, plutôt que celui de notre soumission.

Ces deux dernières années, la lingerie a connu une véritable métamorphose. Les sous-vêtements se transforment en vêtements de soirée, alors que la nuisette fait son entrée dans nos looks quotidiens. Dans un esprit vintage, l’actrice Anya Taylor-Joy a porté un ensemble de lingerie Dior à l’after-party des Emmy Awards en septembre dernier. Elle a complété son look par une cape en mousseline de couleur crème, se donnant ainsi des airs de super-héroïne. Cette énergie est exactement ce que nous recherchons ! La lingerie sexy devrait être un instrument dont le seul but est de célébrer nos corps, qu’ils soient minces ou " plus-size ", épilés ou poilus, blancs ou de couleur.

Ce dont nous avons besoin, c’est de reconsidérer notre relation avec la lingerie, d’arrêter de nous voir comme l’objet du désir de quelqu’un d’autre, mais plutôt comme le personnage de notre propre désir, le héros de notre propre histoire. Dans un article pour Vanity Fair, la directrice de beauté Laura Regensdorf raconte sa séance d’essayage de lingerie Zoom, en se demandant : " Qu’est-ce que je cherche dans un soutien-gorge ? ". D’un point de vue extérieur, cette question semble simple. Quand on achète un soutien-gorge, on veut des armatures, de la dentelle, ou au contraire une confortable brassière en coton. Mais ce que Laura Regensdorf voulait vraiment dire, c’est " comment puis-je exprimer mes sentiments actuels dans mon prochain achat de soutien-gorge ? ". La lingerie est la seule chose qui soit autant en contact avec notre peau au quotidien. Elle doit être le reflet de nous-mêmes, de nos sentiments et de nos forces. Arrêtons de porter de la lingerie pour quelqu’un d’autre. La lingerie est faite pour nous et nos désirs. Toujours.