" Entre mer et montagne, mon Beyrouth, mon histoire, mes racines. "

De tout temps elle a résonné en moi, cette phrase. En moi petite fille, en moi adolescente ivre de liberté, en moi jeune femme, en moi la mère qui offre l’avenir et en moi, femme.

Elle résonne comme un écho puissant, elle constitue mon identité, ma richesse et mon origine. Elle est mon passé, mon présent mais je ne sais comment, mon avenir…

Parce qu’aujourd’hui, elle raisonne, elle me torture, me déchire.

Je n’y peux rien changer. Je viens de là-bas. Là-bas, vous savez ? Ce petit pays jadis paradis, aujourd’hui volet ouvert sur l’enfer.

La mer.

La féminine, parée de toutes ses robes, tantôt turquoise ou verte selon cette séduction qu’elle joue avec le soleil, tantôt charmeuse vêtue de bleu nuit, ou maussade tout habillée de gris.

La Méditerranée infinie, ourlée de vagues qui vont et viennent caresser les plages ou les rochers de leur mousse blanche.

La réalité de la vie a tant éraflé la poésie… Hier, ce qui n’était que cette beauté que je veux écrire, ne montre aujourd’hui de son visage que le pire.

La Méditerranée si elle est une promesse d’échappée, est devenue le tombeau du Liban naufragé.

Mais elle écrit mon histoire et je ne peux y échapper.

Et puis il y a la mienne, ma Mère, qui demeure ma poésie.

Celle qui en cadeau m’a offert la vie et pas n’importe laquelle dans notre pays. Celle qui m’a choyée et protégée. Celle qui a mené tous les combats pour que je ne voie que le merveilleux dans le monstrueux, que je sois préservée des atrocités de notre pays.

Celle qui a fait de moi la femme que je suis.

Najah, Mama, ma victorieuse, mon phare dans la nuit.

La montagne.

La masculine.

Je la connais si bien et je l’ai connue si peu…

Parce que la mienne, ma Montagne, bien trop tôt s’est effondrée.

Mon Père, mon repère, m’a été enlevé. Et tout le paysage a brutalement changé. Malheureux disparu une nuit, jamais retrouvé, j’aime à penser qu’en la montagne il a trouvé un abri, une amie.

Mon Père, est digne d’éloges que je ne veux plus taire.

Beau, de l’une des ces beautés qui terrifie, comme la montagne la nuit.

Fort, comme la montagne sur laquelle Beyrouth s’appuie.

Courageux, comme celui qui vise le sommet et grimpe la montagne nu-pieds.

Grand, comme le pic blanc de la montagne qui caresse le ciel infini.

Mohammad, Baba, mon héros, mon roc.

Je suis née à Beyrouth, entre une mer et une montagne fusionnelles. Joyaux de la nature libanaise, elles sont les deux piliers de mon identité.

Mon Beyrouth est désuet, ma poésie de lui, une utopie. Mais il y a des choses dans la vie, contre lesquelles il est vain de lutter. Je suis ce Beyrouth. Il est ma mémoire, mon histoire, mes racines. Grâce à lui, je suis moi, Zeina.