Retour sur cette patate chaude de la ‘loi de contrôle des capitaux’ que personne ne veut attraper. En même temps, les commissions parlementaires s’emmêlent les pattes, encore une fois, dans le chaos le plus total, face à un forcing apparent d’Élias Bou Saab, vice-président du Parlement. Le plus étonnant c’est que personne ne nie la nécessité d’une telle loi, mais en même temps personne ne veut assumer ce que cela implique, populisme de bas de gamme oblige. Alors, pour essayer de sortir de ce labyrinthe, voici quelques points sur quelques i, en réponse aux commentaires qui fusent de partout.

– Aucune loi de contrôle des capitaux ne pourrait satisfaire tous les protagonistes. Comme elle est par définition (par son intitulé même !) une réglementation astreignante, elle aliène les déposants de certains de leurs droits élémentaires, à savoir jouir comme ils veulent de leur argent. Dire qu’une telle loi est contraire à la Constitution et aux lois en vigueur, comme le répète à raison les déposants et des juristes, ne résout pas le problème. Une telle loi est forcément une dérogation à la Loi Fondamentale, mais qui est devenue nécessaire dans une situation exceptionnelle.

– Le projet de loi arrive bien tardivement. En général, une telle réglementation est promulguée dès les premières semaines d’une crise aiguë, évitant ainsi un traitement privilégié de quelques déposants. Cela aurait permis d’avoir des restrictions plus douces, car le système financier était moins vulnérable que trois ans plus tard. Mais est-ce qu’une telle loi n’a plus d’utilité maintenant? Si, car un traitement différencié des déposants est toujours possible, à commencer par les braqueurs armés, des déposants à l’étranger, ou encore les jurisprudences des Ghada Aoun. Enfin, les donateurs, FMI en tête, veulent s’assurer que leur argent ne sera pas in fine transféré dans un quelconque paradis fiscal.

– Dans chaque mouture de loi sur le contrôle des capitaux, dans tout pays, les législateurs sont supposés préserver un équilibre d’orfèvre entre les déposants et les banques. Le but est d’imposer le moins de restrictions possibles sur les déposants, mais en même temps savoir ce que le système bancaire est capable d’offrir sans risque de faillite systémique qui verra disparaître la plupart des établissements bancaires du pays, et tout l’argent qui y est déposé.

– En conséquence, cet équilibre d’orfèvre ne peut être uniquement imputé aux seuls députés, à travers une loi ad hoc. Une autorité de tutelle doit être dotée de suffisamment de flexibilité et de prérogatives pour moduler son application selon la situation. Par exemple, contrairement à ce que semblent vouloir les députés, on ne peut imposer par une législation de longue durée le montant des retraits permis aux déposants. Cette autorité de tutelle devra pouvoir augmenter ou diminuer ce montant, ou ses modalités, en cours de route, selon la disponibilité des devises dans le système bancaire, encore une fois pour éviter les faillites.

Mais, en même temps, il faut éviter que ses prérogatives ne dépassent un certain seuil, comme le pouvoir de statuer par exemple sur l’argent frais déposé dans les banques. Toucher à ce nouveau capital équivaudrait à ajouter à un séisme de force 8, un tsunami fulgurant.

– D’où l’importance capitale de la forme que prendra cette autorité de tutelle, que le projet de loi appelle ‘commission’. Selon les différentes versions de ce projet, cette commission devra regrouper le gouverneur de la Banque centrale, le ministre des Finances, plus un certain nombre d’autres officiels et/ou experts, à déterminer.

Mais, hypothèse possible vu le rapport de forces dans le pays, si une telle commission est phagocytée par le Hezbollah et ses alliés, le risque d’une mainmise sur les banques existera, visant à en liquider une partie, et peut-être les remplacer par de nouvelles banques créées de toutes pièces comme le préconisait le plan Hassan Diab.

Dans ce cadre, certains veulent absolument écarter le gouverneur de la BDL sous prétexte qu’il n’est plus fiable, alors que, par sa position, il détient les données financières, actualisées au jour le jour, pour opérer les ajustements nécessaires. À la limite, si la classe politique n’a pas confiance dans le gouverneur, qu’on le remplace. Ce n’est pas parce qu’on n’aime pas un ministre de l’Agriculture qu’on confie le dossier agricole au conservateur du Musée national.