Le budget 2022 n’est rien moins qu’un budget inflationniste de dépenses. Loin de toute réalité socio-économique, il laisse dans le flou total les taux de change du dollar officiel et celui du dollar douanier. Des flous artistiques auxquels l’establishment politique a eu recours au lieu d’appréhender de front une crise qui paralyse tous les rouages de l’économie depuis plus de trois ans.

La loi de finances 2022 est un budget de dépenses, un budget  inflationniste, qui nécessite pour sa mise en œuvre que la planche à billets de la Banque centrale se mette en marche. Et pour cause. La masse de livres en circulation n’est pas suffisante pour couvrir les opérations de dépenses prévues, en particulier celles liées au paiement des salaires des commis de l’État. Une grille des salaires qui a triplé alors que le secteur public est gonflé et inefficace.

Les politiques, qui ont approuvé ce budget, ont-ils oublié que la Banque du Liban est privée de son principal outil pour la lutte contre l’inflation, celui de la hausse de son taux d’intérêt directeur? Ont-ils oublié que la hausse des taxes et des impôts sera répercutée par les fournisseurs sur le consommateur final qui paie désormais ses biens durables et non durables en espèces? Ont-ils oublié qu’une augmentation de la masse monétaire en livres signifiera une recherche effrénée du billet vert et donc de nouveaux pics du taux de change du dollar face à la livre?

Des taxes et des impôts à gogo  

Selon les dispositions du budget 2022, l’État a modifié à la hausse les frais administratifs, le coefficient multiplicateur variant entre deux et  dix. La liste est longue. Les taxes des formalités administratives les plus courantes, celles qui requièrent un timbre fiscal, sont passées de 1.500 LL à 3.000 LL ou 10.000 LL, selon la nature de celles-ci. Dans le même ordre de grandeur (2 à 10 fois de plus) se situent les taxes sur les documents d’état civil, les factures prépayées et les reçus émis par un établissement de service public, etc.

Par ailleurs, la majoration des impôts la plus percutante est celle des impôts fonciers. Le droit de mutation immobilière, qui est un impôt prélevé sur le transfert de propriété d’une personne à une autre, désormais divisé en tranches, se chiffre à des millions de livres, tout comme les impôts sur les fonds bâtis et non bâtis ainsi que ceux sur les lotissements des propriétés foncières.

Quant aux taxes du ministère du Travail, elles ont augmenté entre trois et cinq fois. En ce qui concerne l’impôt sur le revenu, il sera perçu en dollars frais si les revenus sont en devises étrangères, et en livres libanaises s’ils sont encaissés en livres.

Vu d’un point de vue macro, la loi de Finances 2022 prévoit quatre catégories de taxes: 11%, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA); 3% la taxe sur les produits importés soumis à la TVA à l’exception de l’essence, des matières premières et des machines agricoles; la taxe douanière dont le pourcentage varie selon la nature du produit; 10% la taxe sur les produits qui ont un équivalent fabriqué au Liban ainsi que sur les produits dits de luxe.

Tous ces taxes et impôts ont été imposés dans le but de renflouer les caisses de l’État, à sec. Selon plusieurs spécialistes, ces revenus ne seront pas suffisants pour assurer les nouvelles dépenses du Trésor. Seul un taux du dollar douanier revu à la hausse est susceptible de combler le trou financier.

Cette mesure est en suspens dans l’attente d’un consensus politique qui tarde à se concrétiser. Dès lors, le budget 2022 demeure, jusqu’à nouvel ordre, une fuite en avant pour l’État.