Trouver un timbre au Liban relève désormais de l’impossible. Cette petite vignette est portée disparue. Et lorsqu’elle daigne réapparaître, elle est vendue au marché noir. Une histoire de… timbré!

À tous les problèmes auxquels font face les Libanais au quotidien, s’ajoute celui de trouver des timbres pour effectuer des formalités officielles. Mais où ont-ils disparu? La réponse est simple: le marché noir. En effet, les timbres fiscaux ont depuis quelque temps, eux aussi, le leur.  Ils sont vendus secrètement dans les bouibouis ou les épiceries du coin, à des prix qui dépassent de loin leurs valeurs nominales. Cependant, il est impossible d’accomplir une formalité administrative sans ces fameuses petites vignettes que le ministère des Finances met sur le marché avec une extrême parcimonie, faute de réserves, vu que la dernière impression importante de timbres remonte à 2016.

Un déséquilibre entre l’offre et la demande

Contacté par Ici Beyrouth, le ministre sortant des Finances, Youssef Khalil, a affirmé que ce manque de timbres n’est que le résultat d’un déséquilibre économique entre l’offre et la demande. "La demande dépasse largement le nombre de timbres sur le marché. Ajoutez à cela le fait que le pays tente de sortir d’une crise importante tout en s’engageant à implémenter de nouveaux impôts. Les Libanais ont donc besoin de régulariser leurs papiers officiels avant d’être soumis à de nouvelles taxes", a-t-il indiqué. "La demande est forte et nous disposons d’un petit nombre de timbres fiscaux pour la satisfaire; et la plupart sont d’une valeur de 1.000 LL alors que leur impression coûte beaucoup plus cher".

Néanmoins, M. Khalil a assuré que plusieurs solutions sont en cours d’étude au sein de son ministère. "Nous réfléchissons sérieusement aux nouvelles technologies pour satisfaire la demande, notamment au timbre électronique, qui nous ôtera le poids du coût de l’impression. Cela dit, nous sommes par ailleurs en pourparlers avec plusieurs parties, dont l’armée libanaise (qui avait imprimé des timbres fiscaux en 2020, NDLR), pour remédier à ce problème, car elle dispose d’une imprimerie très performante et très développée".

Les vendeurs agréés furieux

De leur côté, les vendeurs agréés de timbres fiscaux sont récemment montés au créneau, accusant le ministère des Finances d’avoir provoqué la pénurie de timbres. Ils estiment que l’État n’a imprimé que de faibles quantités au fil des années, ce qui aurait entraîné l’indisponibilité des timbres sur le marché et la naissance d’un marché parallèle.

Une réalité qu’ils se sont empressés de dénoncer dans un communiqué, déplorant le manque d’intérêt du ministère aux besoins du marché et l’inculpant de retarder l’impression des timbres. Les vendeurs ont par ailleurs souligné qu’une des clauses de la licence de vente de timbres stipule que "le titulaire a le droit d’acheter la quantité de timbres dont il a besoin directement auprès du fonds du Trésor", une prérogative qui, d’après eux, "n’est pas honorée par le ministère des Finances".

Il faut cependant noter que le vendeur agréé n’a le droit d’acheter des timbres que dans une limite de 15.000.000 de livres libanaises en espèces, et de ne retirer que 4.000 timbres par mois. Mais lorsqu’un vendeur achète des timbres pour un montant de 15.000.000 de livres libanaises, sa marge de profit ne dépasse pas les 18,75$, alors qu’elle était de 500$ par le passé. Cela serait principalement dû à la dépréciation de la livre.

Les revendications des vendeurs agréés sont simples: imprimer en masse de nouveaux timbres de toutes les valeurs pour contrer le marché noir, réévaluer leur marge de profit et reconsidérer le nombre de timbres adjugés par vendeur.