N’y a-t-il pas une alternative au relèvement du taux du dollar douanier pour renflouer les caisses de l’Etat ? Une coupe dans les dépenses ne pourrait-elle pas réduire le déficit public ? Dans tous les cas de figure, le Libanais aura à subir les contre coups d’une stagflation.

Certains commerçants et fournisseurs de services ont notifié leur clientèle que le dollar douanier sera comptabilisé à 8000 LL contre un dollar à 1500 LL officiellement, et ce à partir du lundi 31 janvier 2022, anticipant l’approbation du projet du budget. Avant son entrée en vigueur, le budget doit être discuté et approuvé par le Parlement, un processus constitutionnel qui nécessite encore du temps avant d’être achevé. Aussi est-il curieux de savoir sur quelle source d’informations ces fournisseurs se sont-ils basés pour fixer leur taux ?

Une demande interne

Un relèvement du taux du dollar douanier déplacera la demande sur des produits importés vers une demande sur des articles produits localement. Ce qui mènera, du coup, la majorité des Libanais, dont le pouvoir d’achat s’est érodé significativement, à se contenter d’acquérir des produits fabriqués au Liban. Autrement dit le volume des importations régressera et les revenus attendus du relèvement de la taxe douanière ne seront pas réalisés, tels que prévus dans le préambule du projet de Budget.

Les taxes et impôts imposés à une économie faible comme celle du Liban plombe la consommation et entraine les citoyens dans une spirale de stagflation. Sachant par ailleurs qu’une hausse du dollar douanier affectera de plein fouet chacun des maillons de la chaîne de production et chacun des maillons de la chaîne de commerce. Mais l’augmentation de ce taux est inévitable même si les objectifs directs pour lesquels cette taxe est imposée ne sont pas atteints, souligne un expert économique.

Distorsion de la balance commerciale

Il est donc peu probable que les revenus prévus dans le projet de budget 2022, d’environ 39 milliards de livres, dont 14 milliards provenant de taxes sur des produits et des services, soient réalisés. C’est que le volume des importations survenus au cours des années 2020 et 2021, en particulier celui enregistré au dernier trimestre de 2021, ne devait pas répondre à la consommation de l’année 2021, mais plutôt au stockage de produits pour une demande du marché couvrant le premier semestre de 2022 à la lumière des rumeurs qui ont circulé sur une probable hausse de la valeur du dollar douanier, explique la même source.

Autrement dit, le volume des importations survenues en 2021 sur base duquel celui des importations de 2022 a été estimé, et par suite les revenus prévus ont été calculés pour un dollar douanier à 1500 livres, et ensuite un dollar douanier à 20 000 LL sont imprécis.

Une taxe variable

A l’évidence, la taxe douanière est une taxe variable dont l’imposition est tributaire de traités internationaux entre le Liban et l’Union européenne et d’accords de libre-échange entre le Liban et certains pays arabes. Ces traités prévoient une suppression graduelle des taxes douanières sur une série d’articles dans différents secteurs. Par conséquent, les marchandises importées des pays exonérés de droits de douane ne sont pas affectées par une augmentation significative des prix, mais plutôt par une augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée, qui ne sera plus calculée sur le taux de change de 1500 livres. Aussi faut-il rappeler que la taxe douanière sera d’autant plus importante que le produit importé aura son équivalent fabriqué localement.

Une approche différente 

Plusieurs sources concordantes critiquent l’approche adoptée dans l’élaboration du projet de budget et la détermination du taux du dollar douanier. Même si le ministre des Finances a souhaité se rapprocher d’un taux proche de la réalité économique, il a plutôt privilégié une approche des dépenses par rapport aux revenus et non le contraire. Dans le même contexte, il aurait été préférable d’effectuer graduellement des coupes de la masse salariale du secteur public, des coupes recommandées à plusieurs reprises par différents organismes internationaux, dont la Banque mondiale.

Selon la Commission parlementaire des Finances et du budget, plus de 32 000 fonctionnaires ont été recrutés sans passer par le mécanisme de recrutement de la Fonction publique. En 2018-2019, le coût des salaires et charges sociales en dollars américains s’est élevé à environ 5,3 milliards de dollars, contre 2,2 milliards il y a 10 ans, soit un taux de croissance annuel de 14%, contre un taux de croissance annuel de l’économie qui ne dépasse pas 3% pour la même période. La vitesse de croissance des salaires était environ 4 à 5 fois plus rapide que la vitesse de l’économie. La preuve évidente d’une faible productivité et de faibles rendements économiques.