Deux approches contraires se disputent l’avenir économique du Liban. L’une, étatique, qui veut simplement répartir les pertes à n’importe quel prix, et l’autre, visionnaire, qui veut sauver l’économie.

Le plan du gouvernement, tel qu’il a été sommairement présenté dans ses grandes lignes, s’appuie semble-t-il sur les recommandations du FMI qui, on le sait, a aussi commis des erreurs dans de récentes interventions, confirmées par certains de ses dirigeants. De même, les remèdes préconisés par la société Lazard, déjà présentés lors du précédent gouvernement et largement critiqués à l’époque, ont été repris dans l’approche du gouvernement actuel, allant dans le sens de faire assumer essentiellement aux déposants et aux banques l’essentiel des pertes.

Si le gouvernement met dans sa perspective la soutenabilité de la dette comme premier souci, j’estime que ce qui est plus important est la soutenabilité du Liban en tant que pays, dans son économie et sa société.

Principes contre principes

Face à cette dérive gouvernementale, je voudrais présenter un ensemble de principes face à ceux préconisés par l’État, en me basant sur l’origine du problème. À l’origine, c’est l’État qui a emprunté de l’argent auprès de la société libanaise, directement ou à travers la Banque centrale. Cette dette, qui est un passif qui doit être supporté par l’État, s’est transformé on ne sait comment en pertes qu’il faudrait répartir. L’État veut se dédouaner de toute responsabilité concernant sa dette, de sorte que l’ensemble des pertes devraient être supportées par les autres. C’est une hérésie financière sans pareil.

Le gouvernement, selon la solution qu’il préconise, s’emploie à donner des coups de massue à tous ses créditeurs, englobant la Banque centrale, les banques, les marchés internationaux, et les déposants. L’État dit qu’il est prêt à assumer une responsabilité ‘limitée’ sur ses dettes, alors que sa responsabilité financière et morale est justement illimitée.

Plus de 99% des problèmes du pays viennent de la politique et non de l’économie. L’État n’est pas en faillite, il détient des actifs de tout genre, il peut recourir à la corporatisation, en impliquant le secteur privé, et assumer réellement ses responsabilités.

Aucun déposant ne doit perdre un centime

On ne peut cautionner l’idée du FMI, si tel est le cas, selon laquelle les deux parties responsables des pertes sont les banques et les déposants. Non, il ne faut qu’aucun déposant ne perde un centime. Et, bien sûr, il ne faut pas que le secteur bancaire soit acculé à la faillite.

Les déposants et les banques ne sont pas responsables de ce trou financier, car c’est bien l’État qui a mené une politique désastreuse pendant des années.

Si l’on doit suivre la logique étatique, cet État n’aura plus aucune source pour son financement à l’avenir. Ni auprès des marchés internationaux depuis qu’il a fait défaut sur le paiement des eurobons. Ni auprès du peuple à travers les impôts alors qu’il est incapable d’en supporter plus. D’où l’importance de préserver le secteur bancaire pour assurer une source de financement. Surtout qu’au Liban, à la différence d’autres pays, on ne peut compter que sur les banques pour assurer le financement des secteurs public et privé.

L’économie ne peut fonctionner sans banques

Je peux affirmer que si l’on continue sur cette voie et qu’on élimine d’un coup les capitaux des banques, comme préconisé, il n’y aura plus jamais personne qui osera investir dans le pays. Et on sait bien que sans crédits bancaires, il n’y a pas de croissance économique possible. L’économie sera condamnée pour des décennies.

D’un autre côté, je veux affirmer que le déposant est sacré chez nous. Tout au long de l’histoire centenaire du Liban, y compris et surtout durant la guerre, aucun déposant n’a perdu une seule livre. Ce n’est pas aujourd’hui au terme de ce sale temps qu’on va se mettre à ponctionner l’argent des déposants libanais et arabes, résidents et expatriés, qui ont fait confiance au secteur bancaire libanais.

Enfin, on entend parler d’une ponction (‘haircut’) sur les eurobons à hauteur de 85%. C’est effarant et inédit dans le monde ! Qui va encore prêter au Liban dans ce cas ? Au lieu de mener un processus de liquidation de l’économie libanaise, nous voulons construire l’avenir. Nous voulons une vision de sauvetage, et non de liquidation.

(*) Nicolas Chammas est le président de l’Association des commerçants de Beyrouth

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