À chacun son problème: les minotiers se démènent pour leur survie et les Libanais craignent pour leur pain quotidien.

Pour le moment, il y a du blé, mais pas de réserves stratégiques de blé. Le Premier ministre libanais, Najib Mikati, a appelé mardi les organisations internationales à soutenir le Liban, à la suite de la décision de la Russie de suspendre les exportations de sucre et de blé jusqu’en août prochain, notamment la Banque mondiale qui planche sur ce dossier.

Dans les faits, les quantités de blé acheminées vers le Liban posent un problème depuis le début de la crise économico-financière dans le pays, en octobre 2019. La guerre en Ukraine n’a fait qu’exacerber la pression sur les minotiers. Ces derniers sont en butte à des difficultés de financement. La Banque centrale tarde à ouvrir des lignes de crédit et lorsqu’elle le fait, c’est au compte-gouttes, vu le rétrécissement de sa marge d’action en raison de la baisse de ses réserves en devises.

Vers une hausse du prix du pain

Les minotiers, qui se comptent sur les doigts d’une seule main, se trouvent contraints de payer plein tarif leurs fournisseurs, c’est-à-dire l’équivalent de 20.500 LL (sur base du taux de change journalier de Sayrafa) pour un dollar en attendant la subvention de la BDL. À la lumière des crises locale et internationale, les fournisseurs exigent d’être payés au moment du déchargement du blé et les minotiers souhaitent éviter de payer des surestaries. "Si la BDL n’a plus les moyens de subventionner le blé, il faut qu’elle l’annonce. Les minotiers qui s’aventurent encore à importer du blé accusent des pertes sèches", confie un grand minotier à Ici Beyrouth. Il souligne par ailleurs que dans les conditions du marché en ce moment, une augmentation du prix du paquet de pain est inéluctable.

Pas de réserve stratégique de blé

"C’est le secteur privé qui s’occupe de l’importation du blé. Il ne va pas vendre à perte", renchérit une autre source dans le secteur. Ceci étant dit, les minotiers s’apprêtent à se tourner vers les pays européens pour importer du blé. Une option qui leur coûte plus cher puisque les factures sont émises en euros et non plus en dollars, le taux de change pesant de tout son poids sur les prix de l’opération d’importation. À ce facteur s’ajoute celui de l’obligation de louer des dépôts pour le stockage du blé importé. Le silo de grains du port de Beyrouth, d’une hauteur de 48 mètres, détruit complètement lors de l’explosion du 4 août 2020, avait une capacité d’emmagasinage de l’ordre de 120.000 tonnes de céréales dont 50.000 tonnes de blé. La latitude d’action des minotiers se réduit à présent à l’affrètement de petits bateaux d’une capacité de 7.000 à 10.000 tonnes dont les chargements sont répartis entre les différents minotiers afin de leur assurer des dépôts appropriés.