" πρώτος μεταξύ ίσων ", " Premier parmi ses égaux ". Cette expression grecque désigne le patriarche de Constantinople Bartholomée Ier, le primat des églises orthodoxes qui, c’est le moins qu’on puisse dire, est en très mauvais terme avec le patriarche de " Moscou et de toutes les Russies " Kirill. En effet, ce dernier n’a jamais pardonné au primat sa reconnaissance de l’indépendance de l’Eglise ukrainienne, historiquement dépendante de l’Eglise orthodoxe russe. D’ailleurs, la terminologie traditionnellement usitée, " Moscou et de toutes les Russies ", renvoie aux " trois " Russies historiques: la Grande Russie, l’Ukraine et la Russie blanche, c’est-à-dire la Biélorussie ou le Belarus. À la chute de l’URSS, ces trois républiques soviétiques étaient les seules États slaves et orthodoxes. Elles étaient les premières à se réunir pour décider de la suite des évènements, sans même consulter les républiques soviétiques d’Asie centrale, du Caucase ou de la Baltique. Rendre l’Église orthodoxe d’Ukraine autocéphale, autrement dit indépendante, revient donc à reconnaître partiellement l’indépendance de l’État ukrainien. C’est là le péché originel aux yeux de Kirill, par ailleurs réputé être ardent défenseur du nationalisme russe et, par ricochet, farouche partisan de Vladimir Poutine. Kirill a par ailleurs toujours refusé une visite de Jean-Paul II pour des raisons évidentes: la rivalité avec l’Église de Rome, qui est le seul à entretenir alors que d’autres Eglises orthodoxes avaient avancé dans le processus de rapprochement avec le Vatican et puis, car il accuse le pape d’avoir encouragé le prosélytisme catholique en terre de Russie. La nationalité polonaise de Karol Wojtyła, nom de naissance de Jean-Paul II, devrait être un péché capital, si ce n’est l’autre péché originel aux yeux de Kirill. Pour ne pas arranger les choses, le primat Bartholomée Ier a condamné l’invasion russe de l’Ukraine. Dimanche, il a même salué le courage des " vigoureux résistants " ukrainiens et " la courageuse réaction des citoyens russes " qui manifestent contre la guerre de leur président qui, lui, ordonne leurs arrestations par milliers. Ce péplum (qui rend les nouvelles passionnantes parfois) a été, dimanche, orné de la visite du Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis chez Bartholomée. Profitant de la présence du grec de Premier ministre à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui n’a jamais caché son rêve de rentrer dans l’histoire en tant qu’héritier mérité de Mehmet le Conquérant, a invité M. Mitsotakis à un déjeuner durant lequel les deux dirigeants se sont convenus de mettre de côté les sujets qui fâchent et d’afficher leur unité dans le contexte de la guerre en Ukraine. La messe est dite.