La Russie vise le contrôle total du sud de l’Ukraine et de la région orientale du Donbass pour disposer d’un pont terrestre vers la Crimée annexée par Moscou, a indiqué vendredi un haut responsable militaire russe.
" Depuis le début de la deuxième phase de l’opération spéciale, phase qui a commencé il y a deux jours, l’un des objectifs de l’armée russe est d’établir un contrôle total sur le Donbass et le sud de l’Ukraine ", a déclaré le général Roustam Minnekaïev, commandant adjoint des forces du District militaire du Centre de la Russie.
" Cela permettra d’assurer un couloir terrestre vers la Crimée, ainsi que de peser sur des infrastructures vitales de l’économie ukrainienne, les ports de la mer Noire à travers lesquelles se font les livraisons de produits agricoles, métallurgiques ", a-t-il poursuivi, cité par les agences de presse russes, lors d’une réunion avec des entreprises du complexe militaro-industriel russe à Ekaterinbourg (Oural).Ces propos confirment que la Russie vise aussi à conquérir Odessa, le grand port ukrainien et troisième ville du pays.

Le Kremlin présente son offensive en Ukraine, lancée le 24 février, comme une opération pour protéger les populations russophones. Il affirme ne pas vouloir occuper son voisin et assure que la mission fixée actuellement vise à " libérer " le Donbass avec ses alliés séparatistes de cette région.

" Le monde n’a jamais aimé la Russie "

" Nous combattons le monde entier, en ce moment, comme lors de la Grande Guerre patriotique (nom donné à la Deuxième Guerre mondiale en Russie, ndlr), toute l’Europe, toute la planète était alors contre nous. C’est la même chose maintenant, ils n’ont jamais aimé la Russie ", a affirmé le général Minnekaïev.

Cette annonce intervient au lendemain de la revendication par Vladimir Poutine de la " libération " du port stratégique ukrainien de Marioupol au coeur d’une grande bataille depuis quasiment deux mois.

 

 

Après l’Ukraine… la Moldavie

Selon M. Minnekaïev, le contrôle du sud de l’Ukraine doit aussi permettre de venir en aide aux séparatistes pro-russes de Transdniestrie, qui contrôlent depuis 1992 ce territoire de Moldavie frontalier de l’ouest de l’Ukraine. Une garnison militaire russe s’y trouve déjà.

La Moldavie a convoqué vendredi l’ambassadeur de Russie pour protester contre les déclarations du général Minnekaïev.

La Transdniestrie, qui a fait sécession de la Moldavie après une brève guerre civile dans la foulée de l’effondrement de l’Union soviétique, compte environ 500.000 habitants et est soutenue économiquement et militairement par Moscou. Elle n’est pas reconnue comme un Etat par la communauté internationale.

Moscou a revu ses plans à la baisse et retiré fin mars ses troupes de la région de Kiev et du nord et l’Ukraine, qui a obtenu ces derniers jours une aide en armements plus substantielle des Occidentaux, continue d’assurer qu’elle peut repousser l’armée russe hors de son sol.

A Moscou, le ministère russe de la Défense, reconnaissant pour la première fois des pertes dans le naufrage du croiseur Moskva – que Kiev affirme avoir coulé -, a établi un premier bilan officiel à un mort et 27 disparus. Il a affirmé que les autres personnes se trouvant à bord, au nombre de 396, avaient été évacuées dans ce qu’il qualifie d’accident.

 

Le sort décisif de Marioupol

Sur le terrain, les forces ukrainiennes continuent selon Zelensky " de contenir les attaques des envahisseurs russes " dans l’Est et le Sud. Selon lui, le " défi numéro un " est actuellement " de fournir à nos militaires toutes les armes nécessaires ".

Le port stratégique de Marioupol, que Moscou a assuré jeudi avoir " libéré ", résiste encore aux forces russes, selon Kiev, qui a affirmé vendredi que les combattants ukrainiens " tiennent bon " dans l’immense complexe métallurgique Azovstal où sont également retranchés des civils. "Le succès de l’offensive russe dans le sud dépend du sort de Marioupol ", a pour sa part estimé vendredi à l’AFP le gouverneur régional, Pavlo Kyrylenko, jugeant cette ville " stratégique " pour les Ukrainiens dans leur défense de la région, et pour les Russes dans leur volonté d’assurer une liaison terrestre complète vers la Crimée annexée.
" L’ennemi concentre tous ses efforts sur Marioupol ", a ajouté M. Kyrylenko, alors que les derniers combattants ukrainiens sont retranchés dans Azovstal, avec " jusqu’à 300 civils ".

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait affirmé mercredi qu’il y avait encore quelque " 1.000 civils, femmes et enfants " et des " centaines de blessés " dans l’aciérie.

Le président du Conseil européen Charles Michel, qui représente les Etats membres de l’UE, a demandé vendredi à Vladimir Poutine, au cours d’un entretien téléphonique, de garantir la mise en place de couloirs humanitaires à Marioupol à l’occasion de la Pâque orthodoxe, célébrée dimanche.

Le Kremlin s’en prend à Kiev

Le Kremlin a lui affirmé à l’issue de cet entretien que Kiev refusait la reddition des derniers soldats ukrainiens présents dans la zone industrielle, tandis que l’armée russe se disait prête à observer " à tout moment " une trêve " sur tout ou partie " de ce site pour permettre l’évacuation de civils et la reddition de combattants.

Les autorités ukrainiennes accusent régulièrement les forces russes de cibler des voies utilisées par des personnes fuyant les combats.

" Dans les territoires provisoirement occupés, des unités de l’ennemi continuent de bloquer les mouvements de la population locale ", ainsi que " la livraison de chargements d’aide humanitaires à partir de l’Ukraine ", assure vendredi le ministère ukrainien de la Défense. Pour lui, " Il y a des cas de civils et de volontaires fusillés ".

L’ONU accuse la Russie de crimes de guerre

L’ONU a accusé vendredi l’armée russe d’actions " pouvant relever des crimes de guerre " en Ukraine depuis l’invasion du 24 février. " Lors de ces huit dernières semaines, le droit humanitaire international n’a pas seulement été ignoré, mais il a tout simplement été jeté par-dessus bord ", a déclaré Michelle Bachelet, la Haute commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU, citée dans un communiqué.

" Les forces armées russes ont bombardé et pilonné de manière indiscriminée des zones peuplées, tuant des civils et détruisant des hôpitaux, des écoles et d’autres infrastructures civiles, autant d’actions pouvant relever des crimes de guerre ", a souligné Ravina Shamdasani, une porte-parole du Haut-commissariat aux droits de l’homme, lors d’un briefing régulier de l’ONU à Genève.

" C’est à une Cour de justice de déterminer in fine si c’est le cas, mais il y a de plus en plus de preuves que des crimes de guerre sont commis ", a-t-elle ajouté.

 

 

" Ce que nous avons vu à Kramatorsk, dans la zone contrôlée par le gouvernement, le 8 avril, quand des sous-munitions ont frappé la gare, tuant 60 civils et en blessant 111 autres, est emblématique de l’incapacité à adhérer au principe de distinction (entre civils et militaires), l’interdiction de mener des attaques indiscriminées et le principe de précaution qui est inscrit dans le droit humanitaire international ", a encore déclaré Mme Bachelet, accusant indirectement la Russie.Si Mme Shamdasani n’a pas exclu que la partie ukrainienne ait également violé le droit humanitaire à certaines occasions, " la très large majorité de ces violations, et de très loin, sont attribuables aux forces russes ", a-t-elle insisté.Elle a pareillement indiqué que 92,3 % du nombre de victimes enregistrées par les services de Mme Bachelet " sont attribuables aux forces russes, tout comme les allégations de meurtre et les exécutions sommaires ".

Boutcha n’était " pas un incident isolé "

La porte-parole a rapporté que les inspecteurs de l’ONU ont documenté le " meurtre, y compris certains par exécution sommaire ", de 50 civils dans la ville de Boutcha, en banlieue de Kiev, où les forces russes sont accusées d’avoir commis des exactions ayant fait des dizaines de morts. Des accusations que Moscou récuse.

" Durant une mission à Boutcha le 9 avril, des enquêteurs des droits humains de l’ONU ont documenté le meurtre, y compris par exécution sommaire de quelque 50 civils sur place ", a dit Mme Shamdasani.

 

 

La découverte dans des rues de cette localité de cadavres de civils, peu après le retrait des soldats russes, avait suscité début avril une vague d’indignation internationale. La Russie avait assuré que les autorités ukrainiennes et les médias occidentaux avaient mis en scène le massacre.Mme Bachelet a souligné que ce qui s’est passé à Boutcha n’était " pas un incident isolé ".La mission de surveillance des droits de l’homme en Ukraine " a recueilli plus de 300 allégations de meurtres de civils " dans des régions sous contrôle russe entre fin février et début mars.

Mais, au-delà des exactions, les attaques contre les infrastructures de santé ont aussi des conséquences funestes.

Mme Bachelet estime qu’au moins 3.000 civils sont morts faute de soins ou à cause du stress de la guerre.

 

 

Violences sexuelles

La mission enquête aussi sur les accusations de violences sexuelles des soldats russes contre des femmes, hommes et enfants et fait état de 155 cas de détention de civils -responsables locaux, journalistes, militants ou défenseurs des droits humains et autres- par les troupes russes. Une pratique qui se généralise dans les zones occupées, selon le Haut commissariat.

Certains ont été torturés et au moins 5 personnes victimes d’enlèvements forcés ont été retrouvées mortes.

Côté forces ukrainiennes, les services de Mme Bachelet disposent d’informations sur des personnes détenues arbitrairement et dans l’incapacité de communiquer avec des proches, ce qui soulève d’inquiétantes questions sur " les disparitions forcées, le respect du droit ainsi que le risque de torture et de mauvais traitement ".

 

 

La guerre durerait jusqu’à la fin 2023

Le Premier ministre britannique Boris Johnson a qualifié vendredi de " réaliste " la possibilité que la guerre en Ukraine dure jusqu’à la fin de l’année 2023 en raison de la détermination de la Russie à poursuivre son offensive " épouvantable ".

Le président russe Vladimir " Poutine a une énorme armée, (…) il a fait une erreur catastrophique et la seule option qu’il a maintenant, c’est de continuer d’utiliser son approche épouvantable, basée sur l’artillerie, pour écraser les Ukrainiens ", a-t-il ajouté au terme d’une visite de deux jours en Inde.

Selon Boris Johnson, qui a rendu hommage à la résistance ukrainienne, une négociation " réaliste " visant à mettre fin au conflit " ne semble pas probable pour le moment ".

Concernant l’appui militaire à l’Ukraine et ses voisins, Boris Johnson a dit envisager de compenser les chars d’assaut de conception soviétique que la Pologne pourrait fournir à l’Ukraine pour contrer l’invasion russe.

La ministre allemande de la Défense, Christine Lambrecht, avait indiqué jeudi que l’Ukraine allait recevoir " dans les prochains jours " des armes lourdes, dont des chars de combat, de la part de pays est-européens. L’Allemagne s’est engagée à compenser ses matériels alors que plusieurs pays de l’Otan ont donné leur feu vert à la livraison d’armes lourdes.

Les négociations " patinent "

Les négociations entre Moscou et Kiev visant à régler le conflit " patinent ", a déclaré vendredi le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, les discussions n’ayant donné lieu à aucune avancée apparente.

" Elles patinent, car une proposition que nous avons remise aux négociateurs ukrainiens il y a cinq jours et qui a été formulée en prenant en compte leurs commentaires reste sans réponse ", a déclaré M. Lavrov au cours d’une conférence de presse à Moscou avec son homologue kazakh Moukhtar Tleouberdi.

Le ministre russe a également dit avoir des doutes concernant la volonté des dirigeants ukrainiens de poursuivre ces pourparlers.

Sergueï Lavrov, ministre des AE de Poutine et grand amateur de la langue de bois soviétique

 

" Il est très étrange pour moi d’entendre chaque jour des déclarations (…), y compris du président (ukrainien) et de ses conseillers, qui donnent l’impression qu’ils n’ont pas besoin du tout de ces négociations ", a déclaré M. Lavrov, sans préciser sa pensée.Le chef de la délégation russe qui négocie avec des représentants ukrainiens, Vladimir Medinski, a par ailleurs, dit qu’une nouvelle session de pourparlers s’était déroulée vendredi.Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, qui avait envoyé mardi des lettres au président Poutine et à son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, pour leur demander d’être reçu à Moscou et à Kiev, sera reçu à Moscou par Vladimir Poutine et Sergueï Lavrov, a annoncé vendredi le Kremlin.

Guterres se rendra également en Ukraine la semaine prochaine pour rencontrer jeudi le président ukrainien Volodymyr Zelensky, à la suite de sa rencontre à Moscou avec Vladimir Poutine, a annoncé vendredi l’organisation dans un communiqué.

François révèle qu’une rencontre avec Kyrill a été annulée
Le pape François a révélé qu’une rencontre avec le patriarche orthodoxe russe Kyrill, qui aurait été leur seconde après leur réunion historique en 2016, était prévue pour juin mais a dû être annulée, car elle aurait pu " prêter à confusion " dans le contexte actuel.En février 2016, une rencontre historique avait eu lieu à Cuba entre le pape et le patriarche, la première réunion des chefs des deux plus grandes confessions chrétiennes en près de mille ans et un pas important dans le rapprochement du Vatican avec les orthodoxes russes.Mais, depuis le début de l’offensive de la Russie en Ukraine, le 24 février, les chefs des deux Eglises ont eu des attitudes foncièrement différentes.Le pape François a multiplié les appels à la paix, fustigeant encore récemment la cruauté toujours plus horrible " en Ukraine.Allié du président russe Vladimir Poutine, le patriarche Kirill a, pour sa part, défendu l’opération militaire, demandant encore mi-avril à se rallier autour du pouvoir pour combattre les " ennemis extérieurs et intérieurs " de la Russie.

Avec AFP

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