Les Forces libanaises perçoivent leur relation avec la composante sunnite comme un partenariat et n’ont pas la prétention d’être un substitut au leadership sunnite. 

Avec l’approche de l’échéance des élections législatives prévues pour le 15 mai 2022, le paysage politique libanais, qui ne cesse de se transformer, s’est finalement scindé en deux axes distincts : l’axe de la  " moumanaa  " et l’axe du souverainisme ; voire en " deux Libans ", pour reprendre les termes de l’ancien député de Tripoli, Misbah el-Ahdab. Une polarisation très tranchée et pour le moins troublante, puisqu’elle ressemble étrangement à celle qui était en place en 2005, issue de la révolution du Cèdre, avec les camps du 8 et du 14 Mars, car elle regroupe de manière identique les mêmes groupes politiques à quelques exceptions près.

Il est convenable de rappeler que l’axe de la " moumanaa ", autrefois connu sous le nom de 8 Mars, regroupe actuellement le tandem Amal-Hezbollah, le Courant patriotique libre (CPL), le courant Marada, le Parti syrien national social (PSNS), ainsi que d’autres mouvements et partis pro-Assad et pro-iraniens. D’autre part, l’axe souverainiste, anciennement connu sous le nom de 14 Mars et front d’opposition à l’axe irano-syrien, est principalement formé par les Forces libanaises (FL), le courant du Futur, le Parti socialiste progressiste (PSP), le Parti national libanais (PNL), le parti Kataëb, les groupes et mouvements issus du 17 octobre 2019, et d’autres rassemblements (comme celui de l’ancien ministre Achraf Rifi et Saydet el-Jabal) et des indépendants partageant les mêmes valeurs souverainistes.

Le Front souverainiste du Liban

" Le Front souverainiste pour le Liban est né suite à la demande du patriarche Raï pour unifier l’opposition et restaurer la souveraineté du pays ", explique le chef du PNL, Camille Chamoun à Ici Beyrouth. Et d’ajouter : " Ce rassemblement est multiconfessionnel et œuvre pour appliquer les résolutions onusiennes 1559, 1701 et 1680, ainsi que les principes de neutralité, de distanciation des conflits régionaux, de décentralisation et de lutte contre la corruption et le clientélisme ".

L’ancien député tripolitain, Misbah el-Ahdab, quant à lui, défend la modération sunnite " en dépit des efforts déployés par les services spéciaux pour renforcer l’extrémisme sunnite ". Il déplore " l’absence d’un agenda national regroupant les souverainistes pour rectifier le déséquilibre national " et appelle ces derniers à " œuvrer pour un Liban inclusif, fédérateur, diversifié et pluriculturel ".

Un rapprochement FL-courant du Futur

Ce n’est un secret pour personne que la communauté sunnite aujourd’hui est quelque peu éparpillée, spécialement suite à la décision du chef du courant du Futur, Saad Hariri, de suspendre son action politique le 24 janvier dernier. Des " barons " régionaux sunnites sont depuis entrés en jeu pour essayer de récupérer les voix de la communauté en question, mais il faudra qu’ils s’unissent pour faire le poids face au camp adverse. Pourtant, cette prise de position n’a pas été officiellement adoptée. " Nous devons nous armer de patience et de tact en ce qui concerne la position des membres du courant du Futur et celle des sunnites en général, car ce sujet est encore sensible, mais je pense que nous serons fixés aux alentours de la fin février ", précise le député du groupe parlementaire du Rassemblement démocratique, Faysal el-Sayegh. En effet, les membres du courant du Futur n’ont toujours pas intégré le " Front souverainiste pour le Liban ", malgré le fait qu’ils partagent les mêmes valeurs, en raison de leur relation tumultueuse avec les FL.

Cependant, un premier pas a été effectué par l’ancien Premier ministre, Fouad Siniora, il y a quelques jours, dans le cadre des préparatifs des élections législatives. M. Siniora serait entré en contact par téléphone avec le leader des FL, Samir Geagea, avec qui il a effectué un tour d’horizon de la conjoncture politique à la lumière de la décision de M. Hariri de se retirer de la vie politique. " Ce premier contact avait pour but de d’assainir les tensions et d’ouvrir la voie à un retour à une alliance électorale ", affirme une source proche du bureau de M. Siniora. Un appel qui aurait abouti et porté ses fruits, puisque la relation entre les FL et les sunnites semble être stable à l’heure actuelle, à en croire les milieux politiques proches des deux camps. Une clarification a été mise en exergue sur ce plan : " Nous sommes partenaires mais nous ne prétendons pas être des représentants directs de la communauté sunnite. C’est aux dirigeants de cette dernière d’assumer ce rôle ", souligne une source FL haut placée à Ici Beyrouth, pour éviter toute confusion sur le sujet.

En conclusion, la scène politique libanaise reste divisée, même si certains de ses acteurs ont permuté pour se retrouver au final dans leur camp initial. Les élections législatives de 2022 seront-elles une version revisitée des élections de 2005 ? Nul ne le sait. Il faudra alors compter sur les mouvements de contestations issus du 17 octobre 2019 pour faire pencher la balance.