Le Courant du futur proteste auprès de Mikati contre les agissements de Ghada Aoun ; le PM affirme son refus du comportement de la Procureure.

Lorsque des institutions publiques et des appareils sécuritaires relevant de l’État sont transformés en instruments au service d’un parti ou d’une faction déterminée, en faisant fi des structures étatiques et de la Constitution, ou pire encore des impératifs des fragiles équilibres internes, cela signifie que le pays s’est engagé dangereusement sur la voie de la loi de la jungle. Telle est malencontreusement l’orientation que semblent avoir pris le régime et son camp politique.

Ce à quoi les Libanais assistent aujourd’hui c’est purement et simplement une vaste entreprise de déconstruction des institutions de l’État dans les différents secteurs de la vie publique. Une déconstruction dont les commanditaires et les exécutants frappent démesurément à droite et à gauche, sans aucune mesure, et surtout sans prendre en considération l’impact que cela produit sur la réputation du Liban (ou ce qu’il en reste).

Mardi dernier, la Procureure du Mont Liban Ghada Aoun a lâché " son " appareil sécuritaire, ou plutôt celui de la présidence de la République, pour appliquer " sa " justice en se livrant à une cabale partisane contre le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé. Même au prix d’une confrontation, évitée de justesse, avec un autre service de sécurité qui échappe au contrôle du camp présidentiel. Quoi de mieux pour déconstruire l’État et ses institutions que de s’approprier un coin de pseudo " justice ", d’en faire un instrument partisan pour régler des comptes politiciens ou atteindre les objectifs fixés par son propre camp en utilisant, sans crier gare, " son " service de sécurité (la sécurité de l’État), transformé lui aussi en instrument partisan.

La Procureure Aoun se comporte ainsi comme si elle était seule maîtresse sur un îlot déconnecté du reste du monde. C’est sur cette base qu’après le gouverneur de la Banque centrale, c’est maintenant au directeur des Forces de Sécurité intérieure, le général Imad Osman, qu’elle s’en prend en engageant des poursuites judiciaires contre lui, au motif que les FSI ont refusé de laisser la Sécurité de l’Etat (" l’Etat " du camp aouniste, en réalité) contribuer à la déconstruction de la Banque du Liban. Cohérence oblige, c’est donc maintenant le principal appareil sécuritaire de l’État (échappant au contrôle de la présidence de la République) qui est dans le collimateur de Ghada Aoun et de ceux pour qui elle travaille.

Mikati, Geagea et le Futur

La Procureure du Mont Liban a ainsi engagé des " poursuites " contre le général Osman et a transféré le " dossier " au premier juge d’instruction du Mont Liban, le juge Nicolas Mansour, qui a fixé à la semaine prochaine la séance d’interrogatoire du patron des FSI.

Cette désinvolture (pour le moins qu’on puisse dire) avec laquelle Ghada Aoun manipule " son " appareil judiciaire et " son " service de sécurité, avec l’appui semble-t-il de la présidence de la République et, en toute vraisemblance, du Hezbollah (dont la stratégie est, précisément la déconstruction de l’État) a suscité mercredi la colère du leader des Forces libanaises, Samir Geagea, du Courant du futur et même du … Premier ministre Najib Mikati.

Le leader des FL a ainsi stigmatisé cette opération de destruction des institutions de l’État à laquelle participe activement Ghada Aoun. Quant à la députée Bahiya Hariri, chef du bloc parlementaire du Courant du futur, elle est entrée en contact téléphonique avec le chef du gouvernement à qui elle a souligné que le Courant du futur ne saurait rester les bras croisés face aux débordements de Ghada Aoun et aux attaques contre le général Imad Osman.

Durant son entretien téléphonique avec la Mme Hariri, le Premier ministre a lui aussi souligné qu’il rejetait le comportement de la Procureure du Mont Liban et qu’il ne saurait tolérer ses débordements.

Face à cette levée de boucliers stigmatisant la cabale lancée par Mme Aoun, la présidence de la République devait publier mercredi soir un communiqué démentant toute implication dans l’action menée par la Procureure. Sauf que l’histoire ne dit pas pourquoi la Magistrature suprême reste passive face à la vaste entreprise de sabotage de l’État et de ses institutions dont il est censé être le garant et le protecteur, conformément au serment constitutionnel.