Le chef de l’État, Michel Aoun, met les bouchées doubles pour assurer à son héritier et chef de son parti politique (Courant patriotique libre), le député Gebran Bassil, les outils nécessaires à sa survie politique au lendemain des législatives fixées au 15 mai. Cette hâte est telle que le président Aoun est prêt à sacrifier les acquis du Liban lors des négociations indirectes sur la délimitation des frontières maritimes entre le Liban et Israël et qui ont atteint un tournant décisif avec la dernière proposition soumise à Beyrouth par l’émissaire américain Amos Hochstein. De quoi s’agit-il vraiment ?
Récemment, l’ancien ministre de la Défense, Mohsen Dalloul, a déclaré que Michel Aoun " a annoncé aux Américains qu’il était prêt à les aider à délimiter les frontières maritimes ", leur demandant " s’ils étaient prêts à l’aider à lever les sanctions imposées par le Trésor sur Gebran " Bassil. M. Dalloul n’a pas voulu dévoiler ses sources, mais il assure que c’est ce que le président de la République avait annoncé à la partie américaine.
Ces propos de l’ancien ministre de la Défense font écho au quotidien pro-Hezbollah al-Akhbar qui avait indiqué dans un article récent publié dans le cadre de la campagne que mène le régime contre le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, que celle-ci ne se poursuivra pas du fait des rapports entre les Américains et le gouverneur. Selon le même article, Gebran Bassil " avait rétabli les ponts avec les Américains par le biais de la relance du rôle du député Élias Bou Saab dans le dossier de la délimitation des frontières maritimes ".
La preuve la plus flagrante reste toutefois la campagne que continue de mener le chef de la délégation militaire technique, le général Bassam Yassine, qui a dévoilé, preuves à l’appui, comment Michel Aoun a subitement changé de cap au sujet des frontières maritimes. Dans une interview accordée au quotidien al-Akhbar, le président Aoun avait déclaré que " la ligne 23 est notre frontière maritime, notre droit réel et effectif ". Il a ainsi saboté l’acquis de la délégation libanaise aux négociations indirectes, qui considère que la ligne 29 doit être le point de départ des négociateurs libanais. Ce qui accorde au Liban 1430 km2 supplémentaires qui viennent s’ajouter aux 860 km2 en optant pour la ligne 23.
Donc, on constate un revirement total dans la position du président Michel Aoun qui est chargé du dossier de la délimitation des frontières maritimes. Dans ce cadre, le général Yassine a déclaré dans un communiqué que le chef de l’État avait donné ses directives à la délégation chargée des négociations indirectes afin " de considérer comme ligne de référence celle qui part de Ras Naqoura, c’est-à-dire la ligne 29 ". " Lors des réunions que la délégation avait tenues avec le chef de l’État parallèlement aux négociations qui se sont poursuivies du 14 octobre 2020 jusqu’au 4 mai 2021, ce dernier soulignait la nécessité de considérer la ligne 29 comme point de départ des négociations ", a ajouté le général Yassin.
Récemment, lors d’une interview accordée à VDL News, le député Gebran Bassil avait expliqué, en réponse à une question sur les sanctions américaines dont il fait l’objet, qu’il avait " entamé une procédure administrative " pour les lever " parce que la procédure juridique est onéreuse ". À la question de savoir s’il s’était rendu à Doha pour s’entretenir avec l’émissaire américain Amos Hoschtein, qui assure la médiation entre le Liban et Israël dans le dossier des délimitations des frontières maritimes, au sujet des sanctions, M. Bassil a refusé de répondre, signalant qu’il ne parle pas de ses rencontres. " Celui qui veut connaître mes déplacements n’a qu’à se rendre à l’aéroport de Beyrouth et consulter la liste de la Sûreté générale ", avait-il lancé, affirmant qu’il n’échangera pas les sanctions contre quoi que ce soit, " notamment s’il y va de l’intérêt du Liban ".
Donc, le député Gebran Bassil œuvre tous azimuts pour obtenir une levée des sanctions dont il fait l’objet. Une démarche qui coïncide avec le revirement dans la position de Michel Aoun dans le dossier des délimitations des frontières maritimes. Y a-t-il des doutes sur un quelconque lien entre la concession faite par le chef de l’État et l’avenir politique de Gebran Bassil menacé par les sanctions américaines ?