La Commission d’enquête spéciale (CES) s’est réunie le jeudi 3 mars 2022 et a décidé de demander à toutes les banques opérant au Liban de lui remettre les listes des noms des clients qualifiés de PPE (Personnes politiquement exposées) qui se sont conformés à la Circulaire 154 et ont rapatrié depuis leurs comptes à l’étranger des fonds vers leurs comptes bancaires au Liban, conformément au pourcentage requis par ladite circulaire, a annoncé la Banque du Liban dans un communiqué publié mercredi.

Selon le texte, les noms des personnes qui refusent de se conformer à la circulaire 154 seront communiqués à la Commission d’enquête spéciale tout au plus avant fin mars 2022. " Sont également concernés les dépôts en espèces effectués entre juillet 2017 et fin décembre 2020, si le bénéficiaire est une personne politiquement exposée ", souligne la commission qui a également décidé de mettre à jour les données KYC (connaître son client) des clients qualifiés de PPE.

La circulaire 154 avait été publiée en août 2020 par la Banque centrale. En vertu de ce texte, qui fixe notamment pour les établissements bancaires les modalités de rapatriement de l’équivalent de 3% de leurs dépôts auprès de leurs banques correspondantes à l’étranger, des sanctions sont aussi prévues, sur base de la loi n°44 (2015) en cas de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme.

Le rapatriement de fonds concerne notamment les clients qui avaient opéré entre le 1er juillet 2017 et le 27 août 2021, date de l’émission de la circulaire, des transferts de fonds supérieurs à 500 000 dollars vers l’étranger. Ces derniers sont supposés ramener l’équivalent de 15% de ces fonds qui seront déposés dans des comptes bloqués pour cinq ans.

Selon le communiqué, les banques devront notifier la Commission " si des suspicions le nécessitent ". Par ailleurs, la CES va solliciter des institutions spécialisées pour former le personnel des Unités de conformité des banques libanaises, en insistant sur la nécessité pour les banques de coopérer et de participer aux sessions de formation.

La Commission d’enquête spéciale affirme ce qui suit:

  1. Au début de 2019, et considérant que la corruption est un crime à risques élevés, la CES a transmis aux banques opérant au Liban les indicateurs du groupe Egmont qui servent de guide pour déterminer les opérations qui cacheraient des produits illicites de la corruption. En 2021, la CES a publié sur son site électronique un guide sur les indicateurs de corruption et l’a également remis aux banques.
  2. Conformément aux circulaires de la BDL, qui répondent aux normes internationales et qui exigent des banques d’appliquer les mesures de vigilance normales et renforcées en fonction des risques, de remplir les formulaires KYC et d’identifier les bénéficiaires, les banques ont été tenues de mettre à jour les formulaires KYC, d’identifier le bénéficiaire effectif et de revoir la concordance des informations mises à jour avec les opérations exécutées, selon l’approche basée sur les risques, et sur ce de notifier toute suspicion conformément à la loi n o 44/2015, notamment les crimes de corruption.
  3. La Banque du Liban va émettre une circulaire pour mettre à jour les indicateurs de corruption et déterminer les mesures supplémentaires à prendre par les banques à l’égard de leurs clients qui sont qualifiés de PPE et sont dans la fonction publique, selon la définition de l’article 1(1) de la loi n o 189 du 16/10/2020. Cette circulaire poussera les banques à identifier et notifier les opérations suspectées d’être liées à la corruption dans le secteur public.
  4. Suite à la promulgation en 2020 de la loi n°175 sur la lutte contre la corruption et de la loi n°189 relative à la déclaration du patrimoine, puis en 2021 de la loi n°214 relative au recouvrement des fonds résultant des crimes de corruption, le décret pour la création et la formation de la Commission nationale pour la lutte contre la corruption a été promulgué le 24/1/2022, ce dont la BDL et la CES se réjouissent, aspirant à une coopération avec cette Commission nationale dans le cadre de la loi n°175, notamment ses articles 19 et 20 qui définissent le cadre opérationnel de la coopération contre la corruption.
  5. A l’heure actuelle, le Groupe d’action financière du Moyen-Orient et de l’Afrique du nord (GAFIMOAN) passe en revue le régime de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme au Liban, mission qui comprend l’évaluation de l’efficacité et les mécanismes de travail de l’ensemble des parties concernées au sein de l’État libanais, dont les autorités de réglementation et de contrôle, les autorités d’application de la loi (Forces de sécurité intérieure, douanes, etc.), les instances juridiques compétentes, le degré d’entraide judiciaire internationale, ainsi que l’évaluation du travail des instances supervisant les ONG au sein du ministère de l’Intérieur, les personnes morales (Registre de commerce…), les institutions du secteur privé financier et non-financier, y compris les notaires, les experts-comptables et les avocats, et d’autres détails définis dans les normes du GAFI.

Suite à cette évaluation, des recommandations seront émises et un plan d’action élaboré afin que le Liban coopère avec les instances compétentes pour sa mise en place.

Rappelons que la Commission d’enquête spéciale avait été mise en place en 2001 en vertu d’une loi sur le blanchiment d’argent. Elle a le pouvoir de réclamer la levée du secret bancaire sur les comptes jugés suspects, dans le cadre des investigations qu’elle mène sur d’éventuelles opérations de blanchiment d’argent.