La guerre russe contre l’Ukraine a ouvert la boîte de Pandore. Ni Moscou est en mesure d’avoir l’avantage militaire rapidement selon les scénarios préparés, ni l’Ukraine est capable d’arrêter les bombardements et les avancées des Russes qui menacent désormais l’unité, l’indépendance et l’avenir du pays. En revanche, s’il est une certitude, c’est que les répercussions de cette guerre cruelle ne se limiteront pas à ces deux pays et laissent augurer de conséquences désastreuses à plusieurs niveaux.

L’Allemagne a abandonné sa politique conservatrice traditionnelle en matière d’armement. Son chancelier a d’ailleurs annoncé dès la prise de ses fonctions politiques avoir alloué 100 milliards de dollars à l’armement. De même, les forces armées allemandes ont à leur tour annoncé la dotation de leur flotte de 35 avions de combat américains F-35, pour succéder à l’ancienne flotte composée de chasseurs Tornado, utilisés depuis plus de quarante ans.

Cette décision, imposée par les développements sur le terrain d’une guerre qui se déroule à la périphérie du continent européen, compromet les plans franco-allemands de fabrication de chasseurs européens dans le cadre du soi-disant "futur système de combat aérien".

Une étude publiée par l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri) révèle que "l’Europe est aujourd’hui le nouveau point chaud" de la planète, notant que la part de l’Europe dans le commerce mondial des armes est passée de 10 à 13% au cours des cinq dernières années et devrait continuer à augmenter significativement.

Partant, en marge de la guerre russe qui fait rage contre l’Ukraine avec son lot de bombardements et de destructions, de nouveaux tournants se dessinent et suscitent des questions existentielles relatives à l’avenir de la sécurité européenne, qui ne peut plus dépendre uniquement des capacités de l’Otan.  Sinon pourquoi les pays européens se seraient-ils dirigés individuellement vers le renforcement de leurs potentialités militaires et aériennes, ainsi que le développement de leurs armées et de leurs flottes?

Le chiffre approximatif du volume annuel du commerce des armes, qui frôle les 100 milliards de dollars, est susceptible d’augmenter naturellement compte tenu des risques politiques et militaires croissants qui touchent l’Europe, ce coin du monde relativement stable depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Par conséquent, les résultats des hostilités en cours ne se limiteront pas à ce qu’elles peuvent ou ne peuvent pas réaliser sur le terrain ou au niveau militaire, en dépit de l’importance de cet aspect bien entendu sur l’avenir de l’Europe et le processus démocratique et politique en général. Ils toucheront de nouveaux marchés des armes avec de nouveaux consommateurs qui rejoindront le club des acheteurs, notamment en Europe, alors que l’Asie et l’Australie étaient aux premiers rangs des importateurs d’armes pendant les cinq dernières années, avec 43% des livraisons d’armes. L’Inde, l’Australie, la Chine, la Corée du Sud, le Japon et la Pakistan étaient en tête des listes de ces pays.

Néanmoins, la question fondamentale porte sur la sécurité européenne. D’autant que ce continent qui compte 500 millions d’habitants est riche et ses pays disposent de grandes capacités politiques et économiques qui reposent entièrement en terme de sécurité centrale sur un autre pays, les États-Unis, qui dominent bon an mal an l’Otan et contrôlent ses décisions.

Le président français, Emmanuel Macron, a déjà avancé l’idée d’une armée européenne, une idée phare pour renforcer l’unité européenne et mettre un terme à la dépendance sur l’allié américain qui détermine les politiques générales et les grandes lignes de la sécurité européenne. Il est vrai que l’Occident s’est montré solidaire de l’Ukraine face à la Russie et qu’il a imposé des sanctions sévères à cette dernière. Mais, in fine, nul ne peut nier la dépendance européenne vis-à-vis de Washington dans le domaine sécuritaire, ce qui soulève un certain nombre de questions quant à l’avenir du continent et sa capacité à protéger ses frontières, son espace aérien, ses ports et ses villes.

Il serait prématuré de définir l’issue que prendra cette guerre, mais il est certain qu’elle redessinera les contours de l’Europe et du monde sur la base de nouvelles donnes et de nouveaux rapports de force.