Alors que la planète est rivée sur la Coupe du monde au Qatar, les Kurdes subissent à nouveau une série de violences en Syrie et en Irak après que l’Iran et la Turquie ont lourdement bombardé leurs régions, sous prétexte que les Kurdes constituent une menace pour les deux pays, notamment après l’attentat qui a visé la rue Taksim à Istanbul, et l’échec du régime iranien à réprimer les protestations déclenchées par le meurtre de la jeune femme kurde, Mahsa Amini, au motif que son voile ne correspondait pas au code vestimentaire imposé par le régime des mollahs.

Mais ces exactions remontent à longtemps, à l’époque de la Syrie de Hafez el-Assad et de l’Irak de Saddam Hussein qui considéraient constamment les Kurdes comme une menace pour leur dictature et qui les malmenaient sur cette base.

C’est comme si les Kurdes, depuis des siècles, étaient condamnés à être opprimés pour des considérations strictement géostratégiques et géopolitiques qui ont eu pour résultat qu’ils se sont retrouvés au nord du Moyen-Orient, en l’occurrence dans une région non seulement secouée par de graves conflits, mais aussi riche en ressources naturelles, telles que l’eau et le pétrole.

Par ailleurs, force est de souligner que les accords Sykes-Picot qui ont façonné les pays de la région et leurs entités actuelles ont abandonné les Kurdes, en proie au harcèlement et aux divisions, à leur triste sort. Alors que les promesses internationales qui ont suivi ces accords sont restées lettre morte, l’histoire est témoin des massacres commis à leur encontre. En effet, les Kurdes ont fait l’objet de répressions et de persécutions en série depuis Kemal Atatürk, qui a éliminé la moitié du peuple kurde si l’on croit certaines sources, en passant par Saddam Hussein et le massacre à l’arme chimique de Halabja, jusqu’à Hafez el-Assad en Syrie qui leur interdisait d’utiliser leur langue et les empêchait même de donner des prénoms kurdes à leurs enfants. Enfin, l’Iran n’est pas en reste et ne les a pas ménagés non plus depuis le règne du Chah Reza Pahlavi, jusqu’à la déclaration de Khomeiny après la révolution islamique, prônant le djihad contre les Kurdes, sans compter le bombardement aérien de leurs villes et la poursuite des atrocités des Gardiens de la révolution iranienne contre eux.

Par conséquent, avec le chaos mondial actuel et l’effondrement des valeurs de justice humaine sous le coup de frappes successives  prenant pour cible certains peuples, le comportement de la Turquie à l’égard des Kurdes ne parait plus surprenant. Ankara rappelle en effet à qui veut l’entendre qu’elle ne permettra pas l’édification d’un État "terroriste" à ses frontières sud, et intensifie de ce fait ses attaques contre les combattants kurdes dans le nord de la Syrie.

De son côté, l’Iran considère on ne peut plus normales les frappes menées à l’aide de missiles et de drones contre "les bastions et les fiefs des conspirateurs" décrits comme des "groupes terroristes séparatistes anti-iraniens". En effet, l’Iran tente de dissimuler, par le biais de la campagne menée contre les zones du Kurdistan iranien et ses frappes visant le Kurdistan irakien, la confusion interne de son régime et sa difficulté à contenir la crise politique et sécuritaire, tout en jouant sur la fibre perse contre les Kurdes qui, selon elle, exploitent "l’incident" de la mort de Mahsa Amini, comme le régime iranien se plait à le qualifier, plutôt que de parler de meurtre prémédité. À en croire le régime iranien, il s’agirait d’un complot kurde soutenu par le Grand Satan américain pour venir à bout de la République islamique.

Ce qui est vraiment désolant, mais pas surprenant pour autant, c’est l’attitude des soi-disant grandes puissances face à ces agressions répétées.

Les États-Unis, par exemple, se sont contentés d’afficher une position oscillant entre protestation et condamnation. Les déclarations du porte-parole du département d’État américain s’étendent de " l’opposition de son pays à toute action militaire qui déstabilise la situation en Syrie ", jusqu’à la position de Washington qui fait part à Ankara de sa "forte préoccupation quant à l’impact d’une telle attaque sur l’objectif de combattre l’État islamique" et qui demande "à ses partenaires syriens, entendre les Kurdes syriens, de s’abstenir de lancer des offensives ou d’opter pour l’escalade".

En revanche, les Russes se montrent plus compréhensifs à l’égard d’Erdogan et de ses appréhensions concernant la sécurité de son pays. Cependant, la Russie appelle à la retenue, à ne pas raviver les tensions et à faire un usage pondéré de la force, tout en mettant en garde contre la déstabilisation du nord de la Syrie.

Néanmoins, aucune position officielle de la part de la Russie quant aux agressions iraniennes contre les Kurdes. De même pour le Grand Satan qui n’a pas affiché une position claire à cet égard, hormis la demande adressée par deux parlementaires républicains au président Biden de riposter aux dernières attaques iraniennes ayant visé l’Irak dans le but de dissuader l’Iran de mener d’autres attaques à l’avenir.

Partant, les Kurdes continueront d’être persécutés, et leur rêve de créer un État kurde indépendant, malgré la reconnaissance des accords de Sèvres de 1920, dans leur article VI, leur donnant le droit à l’autodétermination, s’éloigne de plus en plus. Hélas, les Kurdes continueront à payer le prix du sang tant que les équilibres internationaux resteront tributaires des intérêts des grandes puissances qui se contentent de condamner les massacres commis contre eux, sans apporter le moindre soutien réel qui leur permettrait de réaliser leur rêve. À ce stade, seul un miracle pourra leur venir en aide.

 

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