Football, formule 1, handball… Le Qatar a multiplié ces dernières années les investissements dans le domaine du sport. Loin d’être anecdotiques, ces investissements sont le fer de lance d’un soft power, une véritable diplomatie du sport. Empêtré pendant plusieurs années dans des problèmes diplomatiques avec ses voisins, et enclavé dans un espace réduit, le Qatar a transformé le domaine du sport en un vecteur d’une politique qatarie qui cherche à accroître le prestige de l’émirat au niveau international.

 

Dès les années 1990, le Qatar a fait du sport un outil diplomatique, avec pour objectif de se faire connaître à l’international. L’invasion du Koweït par l’Irak en 1990 a, en effet, rappelé aux autorités qataris la nécessité d’exister à l’international face aux menaces extérieures. Une initiative soutenue par le cheikh Hamad al Thani, qui lançait dès 2004 le slogan “Putting on the map !”, une formule exprimant son désir d’étendre l’influence du Qatar.

Le Qatar a su s’imposer comme acteur majeur du sport (AFP)

 

" Le sport est l’un des poumons de la politique étrangère du Qatar ", explique à Ici Beyrouth le chercheur Raphaël Le Magoariec, spécialiste du sport dans le Golfe. "En investissant en permanence dans le sport, le Qatar souhaite diversifier ses relations internationales et accroître son influence", souligne-t-il.

Les années suivantes vont se montrer fructueuses, avec de nombreux investissements dans le tourisme, la culture et l’éducation, sans oublier le sport. D’un petit État inconnu, le Qatar est devenu une véritable marque à l’international.

Deuxième exportateur mondial de gaz naturel liquéfié derrière l’Australie, le Qatar a longtemps souffert d’une dépendance aux hydrocarbures. Mais face à une baisse prévue de la consommation mondiale à cause de la transition énergétique, il souhaite diversifier son économie pour préparer l’avenir. Une dynamique qui s’inscrit dans la stratégie "vision 2030", lancée en 2018, dont l’un des piliers est le sport.

Accueil de multiples évènements sportifs

Problème: le monde du sport est largement dominé par les pays occidentaux, tant dans les instances internationales que dans les compétitions et diffusions. Le Qatar va donc déployer un habile jeu d’influence, animé par le levier économique, pour s’implanter sur le marché. Il va ainsi multiplier l’accueil d’évènements sportifs internationaux, allant du tennis, à l’athlétisme ou aux courses automobiles. Après des compétitions d’ampleur régionales, le pays devient plus ambitieux en accueillant le championnat du monde masculin de handball en 2015, les Mondiaux d’athlétisme en 2019, ainsi que Le Grand Prix de Formule 1 de Lusail, organisé depuis 2021.

La Coupe du monde 2022 est la première à se dérouler dans un pays arabe (AFP)

 

Il s’impose en outre en acteur de premier plan dans le domaine hippique, tant dans la possession de haras parmi les plus fournis du monde, que dans l’organisation de compétitions majeures avec le "Longines Global Champions Tour Doha" et le "Qatar International Show Jumping Championships". Ainsi, dès 2013, le pays avait accueilli près de 70 évènements sportifs, dont 25 de dimension internationale. Au niveau du football, le Qatar a également multiplié les compétitions sur son sol avec la Coupe du monde des moins de 20 ans en 1995, la Coupe arabe de la FIFA 2021 et la Coupe d’Asie des Nations, prévue en 2023.

La consécration a cependant été l’attribution de l’organisation de la Coupe du Monde de Football en 2010. Bien que décriée, cette décision a mis le Qatar au premier plan. La Coupe du Monde est, en effet, la première à se dérouler dans un pays arabe et dans un aussi petit territoire. Et loin d’être l’étape finale de l’ambition qatarie, la Coupe du Monde pourrait être le prélude à des évènements de plus grandes ampleurs, comme les Jeux Olympiques. Le Qatar avait en effet déposé sa candidature pour les JO de 2016 et de 2020, et bien que ce fut un échec, l’obtention pour une édition future reste une possibilité. Cependant, la montée des préoccupations environnementales européennes pourrait constituer un frein important à la candidature qatari, notamment en raison du climat.

Développement d’infrastructures

Au-delà de l’accueil de compétitions régionales et internationales, le Qatar a développé ses propres infrastructures sportives. En 2005, l’ouverture par l’émir du complexe sportif de l’Aspire Zone a pour objectif de former une nouvelle génération d’athlètes qataris, mais également d’améliorer la recherche dans le domaine du sport. Une stratégie payante qui a permis au Qatar de s’illustrer dans plusieurs compétitions internationales en remportant la dernière Coupe d’Asie des nations de football, ainsi que trois médailles aux Jeux Olympiques de Tokyo. Le pays s’impose également comme une référence mondiale dans la recherche portant sur le sport.

L’attribution de la Coupe du Monde a été un moteur du développement d’infrastructures au Qatar; en témoigne le budget colossal d’environ 220 milliards de dollars entièrement consacrés à son organisation. Un budget important qui s’inscrit pleinement dans sa politique étrangère. "Le Qatar a pour logique de construire sa puissance par le biais d’un investissement qui peut sembler démentiel mais qui participe au développement du pays", confirme Raphaël Le Magoariec, "d’autant que ces investissements auraient été mis en place même sans la coupe du monde".

Le président du PSG Nasser Al-Khelaïfi cherche à faire du club un des acteurs majeurs du football européen et international (AFP)

 

Le pays va donc multiplier la construction d’équipements sportifs de niveau mondial comme le Lusail Stadium et le Khalifa International Stadium. La proximité des stades constitue un avantage pour les fans qui viennent assister à la Coupe du monde, pouvant se rendre à plusieurs matchs dans la même journée. Ces stades sont en outre innovants dans leur construction, s’inscrivant dans une démarche de durabilité et permettant un démontage facile. Ainsi, plusieurs sièges de stade seront distribués, notamment en Afrique, pour développer la pratique du sport.

Par ailleurs, la recherche d’influence s’étend au-delà des frontières du pays. L’acquisition de plusieurs clubs étrangers, comme le PSG en 2011 via le fonds souverain Qatar Sport Investments, découle de la même volonté d’accroitre les relations de l’émirat. Outre le PSG, le Qatar a également racheté le KAS Eupen, un club belge qui a pour objectif de repérer et former de jeunes talents. Ces achats s’accompagnent d’un empire médiatique par l’intermédiaire du réseau de chaînes audiovisuelles BeIN Sports, un des leaders de la retransmission de compétition sportive, mais également par le sponsor de maillot de foot par Qatar Airways dont le logo est visible sur les maillots du FC Barcelone jusqu’en 2016. Grâce à ces investissements, le Qatar a su s’imposer comme acteur clef du sport mondial.